Léopold Sédar Senghor

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Léopold Sédar Senghor

1906 – 2001

Léopold Sédar Senghor, né le 9 octobre 1906 à Joal (Sénégal) et mort le 20 décembre 2001 à Verson (France), est un homme d’État français puis sénégalais, poète, écrivain et premier président de la République du Sénégal. Il est ministre en France avant l’indépendance du Sénégal et est le premier Africain à siéger à l’Académie française.

De l’universitaire à l’homme d’État

Photo de Léopold Sédar Senghor.Léopold Sédar Senghor est né le 9 octobre 1906 à Joal, petite ville côtière située au sud de Dakar, Sénégal. Il fait ses études à Paris où il rentre à l’École Normale supérieure et est reçu à l’agrégation de grammaire en 1935.

Après des années d’enseignements, il fait paraître à la Libération, en 1945, son premier recueil de poèmes : Chants d’ombre. Parallèlement, il se lance dans la politique et est élu, en 1960, premier président de la République du Sénégal.

Régulièrement réélu à la présidence (1968, 1973 et 1978), Senghor est l’un des rares chefs d État africains à quitter volontairement le pouvoir et à préparer sa succession. En 1981, comme il l’a annoncé, il se retire au profit de son dauphin, le Premier ministre Abdou Diouf (secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie) en 1979. Il continue par la suite à œuvrer pour la création d’une Internationale socialiste africaine.

En 1983, il devient le premier académicien africain. Il est élu au au 16e fauteuil. La cérémonie par laquelle Senghor entre dans le cercle des académiciens a lieu le 29 mars 1984, en présence de François Mitterrand.

Il a passé les dernières années de son existence à Verson, en Normandie où il est décédé le 20 décembre 2001. Ses obsèques ont eu lieu le 29 décembre 2001 à Dakar en présence d’un grand nombre de personnalités parmi lesquelles Abdou Diouf.

Le combat pour la négritude

La poésie de Senghor fait la synthèse des traditions africaine et européenne. Elle puise ses images et ses symboles dans le monde africain (Éthiopiques, 1956 ; Nocturnes, 1961 ; Élégies majeures, 1979) et sait en même exploiter le vers libéré des poètes modernes.

Elle ne se sépare pas d’un engagement dans le combat pour la réhabilitation de l’homme noir. Avec Aimé Césaire, Senghor a lancé la réflexion sur la « négritude ». En 1948, son Anthologie nouvelle de la poésie nègre et malgache de langue française, précédée de l’Orphée noir de Jean-Paul Sartre, apparaît comme l’un des plus beaux manifestes de la négritude. Respecté par les Africains comme un homme qui n’a renié ses origines, il est aujourd’hui considéré par les intellectuels français comme l’un des leurs.

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La recherche d’une troisième voie africaine

Senghor, qui a acquis la pleine citoyenneté française dès 1933, milite à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) à partir de 1936. En 1945, de passage au Sénégal, il se laisse convaincre par Lamine Guèye, député du Sénégal au parlement français et fondateur de la première section SFIO au Sénégal, de s’engager dans la politique à ses côtés. Il devient député du Sénégal à l’Assemblée constituante puis à l’Assemblée nationale française. En 1948, il démissionne de la SFIO, à laquelle il reproche de ne pas se soucier véritablement des territoires africains, pour participer à la fondation du Bloc démocratique sénégalais (BDS). Celui-ci triomphe aux élections législatives de 1951 et la popularité de Senghor, qui a surtout mené sa campagne en brousse et s’est fait le relais du monde rural, l’impose comme partenaire incontournable de la métropole. Conseiller puis grand conseiller de l’AOF de 1947 à 1959, il est également secrétaire d’État à la présidence du Conseil (1955-1956) puis ministre-conseiller du gouvernement de la République française (1959).

Partisan du maintien des liens entre le Sénégal et la France, il entre rapidement en conflit avec les nationalistes du Bloc et, en 1958, quitte ce parti pour créer, avec Mamadou Dia, l’Union progressiste sénégalaise (UPS). Sa politique consistera à rechercher une troisième voie (le socialisme africain) entre l’« individualisme démocratique » du capitalisme et le « grégarisme totalitaire» du communisme. Il faut, dit-il, « après Mao Zedong et Nehru, penser et agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en Nègres […], accéder à la modernité sans piétiner notre authenticité ».

Un « poète-président »
Le père du Sénégal indépendant

En 1956, alors que la loi-cadre Defferre restructure l’Afrique-Occidentale française (AOF) en huit États indépendants, Senghor parle de « balkanisation ». À l’indépendance du Sénégal, en 1959, il redoute l’éclatement de l’ancienne AOF en une multitude d’États faibles et rivaux et se fait le promoteur du fédéralisme entre les nouveaux États souverains, une sorte de « Commonwealth à la française ». Ayant échoué à les convaincre tous, il se résigne à former une fédération du Mali avec l’ancien Soudan français (l’actuel Mali). En août 1960, la Fédération éclate. Un mois plus tard Senghor se fait élire président de la république du Sénégal par une Assemblée dans laquelle l’UPS détient la totalité des sièges.

En 1962, le président écarte définitivement Mamadou Dia, auteur d’une tentative de coup d’État. Consacrant son pouvoir personnel dans la Constitution de 1963, il instaure un régime présidentiel fort. La démocratisation du Sénégal se dessine à partir de 1974 ; le multipartisme est notamment introduit en 1976. Régulièrement réélu à la présidence (1968, 1973 et 1978), Senghor est l’un des rares chefs d’État africains à quitter volontairement le pouvoir et à préparer sa succession. En 1981, comme il l’a annoncé, il se retire au profit de son dauphin, le Premier ministre Abdou Diouf. Il continue par la suite à œuvrer pour la création d’une Internationale socialiste africaine.

« Mes poèmes. C’est là l’essentiel ! »

Le sentiment de négritude

Influencé par Claudel et Saint-John Perse, Senghor publie son premier recueil, Chants d’ombre, en 1945. Dans cette célébration de l’amour et de la beauté de la femme, cette plainte de l’exilé, ce « regret du Pays noir », Senghor affirme son lien à la terre et aux civilisations africaines : « […] les poétesses du sanctuaire m’ont nourri, les griots du roi m’ont chanté la légende véridique de ma race aux sons des hautes koras. » C’est dans ce premier recueil qu’il utilise, après Damas et Césaire, le terme de « négritude » qui accompagnera toute son œuvre : « Nuit qui fonds toutes mes contradictions, toutes contradictions dans l’unité première de ta négritude. » Par la négritude, Senghor associe ses valeurs culturelles, historiques et spirituelles à «la personnalité collective négro-africaine ». Avec les Hosties noires (1948), il rend hommage aux tirailleurs sénégalais morts pour la France. En 1948, son Anthologie nouvelle de la poésie nègre et malgache de langue française, précédée de l’Orphée noir de Jean-Paul Sartre, apparaît comme l’un des plus beaux manifestes de la négritude. N’ayant de cesse d’affirmer cette identité africaine, Senghor la défend avec vigueur, notamment lors du congrès des écrivains et artistes noirs à Paris en 1956 puis à Rome en 1959 et enfin lors du Festival mondial des arts nègres à Dakar en 1966. Avec les Éthiopiques (1956), où le rythme poétique se fait « vital », musical, identitaire, Senghor, comme « les lamantins vont boire à la source », retourne à ses racines : c’est le retour d’un exilé vers une terre en devenir après deux décennies d’un exil européen.

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Le rythme de l’Afrique noire

Le rythme est au centre de la poésie de Senghor, ce rythme issu des traditions orales africaines et de la « transe des tam-tam » est parfois déconcertant. Alors que ses premiers recueils, bien que bercés par cette musicalité et ces rythmes inspirés de sa terre africaine, s’inscrivent dans une tradition poétique française et non dans la lignée de la poésie « nègre », Nocturnes (1961) ouvre une nouvelle ère poétique. Le rythme en tant que richesse des langues et des civilisations d’Afrique noire donne tout son sens à la poésie et au lyrisme. Avec ce recueil « seul le rythme provoque le court-circuit poétique qui transforme le cuivre en or, la parole en verbe », il « engendre non seulement la mélodie, mais aussi l’image par son élan itératif, et, partant, suggestif, créatif ». En 1973, il publie Lettres d’hivernage et, en 1979, les Élégies majeures.

L’ensemble des écrits politiques et essais littéraires de Senghor a été rassemblé dans quatre volumes sous le titre Liberté, publiés de 1964 à 1984. Passionné par les littératures orales africaines, il a notamment recueilli une centaine de  poèmes sérères (1945). Sa carrière littéraire est consacrée en 1983 par son élection à l’Académie française.

Gros plan sur Chants d’ombre (1945)

Chants d’ombre est un recueil qui a fait date dans l’histoire de la poésie. Lecteur attentif de Claudel, de Saint-John Perse et des surréalistes, Senghor se rapproche d’eux par l’esprit et le sens de l’image. Mais l’influence africaine domine largement dans ces textes d’atmosphère où le tam-tam bat toujours la mesure. La mélodie senghorienne emprunte ses rythmes et ses intonations à la poésire orale et à la musique qui l’accompagne.

Extrait : Joal !

Joal !
Je me rappelle.

Je me rappelle les signares à l ombre verte des vérandas.
Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève.

Je me rappelle les fastes du Couchant
Où Koumba N’Dofène voulait faire tailler son manteau royal.

Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux égorgés
Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.
Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo,
Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.
Je me rappelle la danse des filles nubiles.
Les chœurs de lutte-oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste
Penché élancé, et le pur cri d amour des femmes – Kor Siga !

Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote sanglote sanglote.

Léopold Sedar Senghor, Chants d’ombre, © éd. du Seuil, Paris, 1964, p. 15.

Bibliographie

Poésie

  • Chants d’ombre, Le Seuil, 1945
  • Hosties noires, Le Seuil, 1948
  • Éthiopiques, Le Seuil, 1956
  • Nocturnes, Le Seuil, 1961
  • Lettres d’hivernage, Le Seuil, 1973
  • Chant pour Jackie Thomson, 1973
  • Élégies majeures, Le Seuil, 1979
  • Guélowar ou prince, Le Seuil, 1948
  • Le Lion rouge (hymne national sénégalais)

Essais

  • Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, précédée de Orphée noir par Jean-Paul Sartre, PUF, 1948
  • Liberté 1 : Négritude et humanisme, discours, conférences, Le Seuil, 1964
  • Liberté 2 : Nation et voie africaine du socialisme, discours, conférences, Le Seuil, 1971
  • Liberté 3 : Négritude et civilisation de l Universel, discours, conférences, Le Seuil, 1977
  • Liberté 4 : Socialisme et planification, discours, conférences, Le Seuil, 1983
  • Liberté 5 : Le Dialogue des cultures, Le Seuil, 1992
  • La Poésie de l action, dialogue, Stock, 1980
  • Ce que je crois : Négritude, francité, et civilisation de l universel, Grasset, 1988

Littérature de jeunesse

  •  La Belle Histoire de Leuk-le-Lièvre (en collaboration), Hachette, 1953
Citations choisies
  • […] danser, c’est découvrir et recréer, surtout lorsque la danse est danse d’amour. C’est, en tout cas, le meilleur mode de connaissance. (Au congrès de l’Union nationale de la jeunesse du Mali. Dakar, 1960)
  • Nous, politiques noirs, nous, écrivains noirs, nous nous sentons, pour le moins, aussi libres à l’intérieur du français que dans nos langues maternelles. Plus libres, en vérité, puisque la liberté se mesure à la puissance de l’outil: à la force de création. Il n’est pas question de renier les langues africaines. Pendant des siècles, peut-être des millénaires, elles seront encore parlées, exprimant les immensités abyssales de la négritude. Nous continuerons d’y prêcher les images archétypes: les poissons des grandes profondeurs. Il est question d’exprimer notre authenticité de métis culturels, d’hommes du XXe siècle. (Le français, langue de culture, in Esprit)
  • Au contact des réalités « coloniales » , c’est-à-dire des civilisations ultramarines, l’humanisme français s’était enrichi, s’approfondissait en s’élargissant pour intégrer les valeurs de ces civilisations […]. Au moment que, par totalisation et socialisation, se construit la Civilisation de l’Universel, il est question de nous servir de ce merveilleux outil, trouvé dans les décombres du régime colonial […]. La Négritude, l’Arabisme, c’est aussi vous, Français de l’Hexagone !
  • Voici que meurt l’Afrique des empires, c’est l’agonie d’une princesse pitoyable. Et aussi l’Europe à laquelle nous sommes liés par le nombril.
  • … Avant tout, pour nous, la Francophonie est culture (…). C’est une communauté spirituelle : une noosphère autour de la terre (…). Attachement à la langue française, mais pourquoi ? (…) Le français est langue internationale de communication [et] il nous offre, à la fois, clarté et richesse, précision et nuance. (« La Francophonie comme culture », Conférence donnée à l’Université Laval, Québec)
  • La Francophonie, c’est l’usage de la langue française comme instrument de symbiose, par-delà nos propres langues nationales ou régionales, pour le renforcement de notre coopération culturelle et technique, malgré nos différentes civilisations. (Discours prononcé lors de sa visite au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie)
  • L’angoisse des départs sans main chaude dans la main. (Chants d’ombre – C’est le temps de partir)
  • Il n’est que d’écouter les trombones de Dieu, ton cœur battre au rythme du sang, ton sang. (extrait du poème « A New York »)
  • Le tam-tam ni la voix ne rythment plus les gestes des saisons. (extrait du poème « Chaka »)

Autres citations de Léopold Sédar Senghor.

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