Gaston Bachelard

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Auteurs français

Gaston Bachelard

1884 – 1962

Tout rêveur de flamme est un poète en puissance. Toute rêverie devant la flamme est une rêverie qui admire.

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(Gaston Bachelard, La Flamme d’une chandelle, 1961)

Gaston Bachelard, né à Bar-sur-Aube le 27 juin 1884 et mort à Paris le 16 octobre 1962, est un philosophe épistémologue et essayiste français.

Notice biographique

Gaston BachelardBachelard naît à Bar-sur-Aube dans une famille modeste. Au terme de ses études secondaires, il travaille comme employé des Postes à Remiremont jusqu’en 1906, puis à Paris de 1907 à 1913. En dépit de ses soixante heures hebdomadaires de travail, il obtient une licence en mathématiques en 1912. Son désir de devenir ingénieur est contrarié par le déclenchement de la Première Guerre mondiale et son enrôlement dans l’armée. À sa démobilisation, il est nommé professeur de physique et de chimie.

Ses convictions en matière de physique bouleversées par la théorie de la relativité, il se tourne vers la philosophie et, après avoir passé avec succès le concours de l’agrégation, il obtient son doctorat en 1927 avec une thèse intitulée Essai sur la connaissance approchée, qui sera couronnée par le prix Gegner.

En 1930, Bachelard entame une carrière universitaire classique, à Dijon puis à la Sorbonne, enseignant l’histoire et la philosophie des sciences jusqu’en 1954. Il sera décoré de la Légion d’honneur en 1951 et élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1955.

Un esprit aussi universel ne peut se satisfaire de la seule approche philosophique. Philosophe, critique et épistémologue, Bachelard est aussi homme de science, grand penseur et poète. Son œuvre reflète à la fois sa précision scientifique et sa sensibilité poétique. Dans ses ouvrages, ces deux aspects ne se mêlent pas, mais se succèdent en alternance.

En 1934, il publie le Nouvel Esprit scientifique et en 1938 la Formation de l’esprit scientifique : contribution à une analyse de la connaissance objective. Ces deux ouvrages, dont l’importance épistémologique est toujours aussi évidente, n’ont rien perdu de leur pertinence pour les problèmes scientifiques actuels. L’idée-force qui les sous-tend est que la compréhension scientifique repose sur une négation de la connaissance actuelle. Son principal livre d’épistémologie est le Matérialisme rationnel (1953).

Ses analyses de l’imaginaire sont contenues dans les travaux qui proposent une psychanalyse des éléments : la Psychanalyse du feu (1938), l’Eau et les Rêves (1942), l’Air et les Songes (1943), la Terre et les Rêveries de la volonté (1948). Ces ouvrages empruntent beaucoup à Carl Gustav Jung, notamment ses idées sur l’énergie spirituelle et l’opposition animus-anima.

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Bachelard consacre la fin de sa vie à une quête plus poétique : la Poétique de l’espace (1957) et la Poétique de la rêverie (1960).

La philosophie de Bachelard a largement influencé l’épistémologie française, notamment Koyré, Althusser, Canguilhem, Simondon, Foucault, Dagognet. Bachelard appliquait sa théorie de la connaissance essentiellement à la physique, aux mathématiques, à la chimie et à la logique ; Canguilhem l’appliquera à la biologie et à la médecine, en tenant compte également de l’apport de Bergson. Althusser développera la notion de « coupure épistémologique » en référence à la « rupture épistémologique » bachelardienne. Quant à Simondon, il tentera une synthèse du bergsonisme et du bachelardisme. Il semble également que le concept de paradigme inventé par Kuhn soit inspiré de Bachelard.

Les réflexions de Bachelard sur l’imagination, la poésie et le symbolisme, très influencées par le surréalisme naissant, ont marqué le travail de certains penseurs de l’herméneutique et de la philosophie postmoderne tels que Ricœur, Deleuze, Derrida et Sloterdijk ou encore de l’anthropologie culturelle comme Gilbert Durand.

La Poétique de l’espace

«Nous voulons examiner des images bien simples, les images de l’espace heureux… L’espace saisi par l’imagination ne peut rester l’espace indifférent livré à la mesure et à la réflexion du géomètre. Il est vécu. Et il est vécu, non pas dans sa positivité mais avec toutes les partialités de l’imagination… Sans cesse l’imagination imagine et s’enrichit de nouvelles images. C’est cette richesse d’être imaginé que nous voudrions explorer. »

L’originalité de la philosophie de Bachelard tient à la place donnée, dans ses recherches, à l’imagination et à la poésie. En proposant « de considérer l’imagination comme une puissance majeure de la nature humaine », il a ainsi ouvert de nouveaux espaces de méditation et de réflexion philosophiques dont s’inspirent encore de nombreux philosophes.

L’Eau et les Rêves

C’est près de l’eau que j’ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l’intermédiaire d’un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l’eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière et aux sources de mon pays. je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d’un vallon, au bord d’une eau vive, dans l’ombre courte des saules et des osières.

L’Air et les Songes

Tous les êtres qui aiment la grande rêverie simplifiée, simplifiante, devant un ciel qui n’est rien autre chose que « le monde de transparence », comprendront la vanité des « apparitions ». Pour eux, la « transparence » sera la plus réelle des apparences. Elle leur donnera une leçon intime de lucidité. Si le monde est aussi volonté, le ciel bleu est volonté de lucidité. Le « miroir sans tain » qu’est un ciel bleu éveille un narcissisme spécial, le narcissisme de la pureté, de la vacuité sentimentale, de la volonté libre. Dans le ciel bleu et vide, le rêveur trouve le schème des « sentiments bleus » de la « clarté intuitive », du bonheur d’être clair dans ses sentiments, ses actes et ses pensées. Le narcisse aérien se mire dans le ciel bleu.

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La Psychanalyse du Feu

«De ce problème, vraiment primordial, posé à l’âme naïve par les phénomènes du feu, la science contemporaine s’est presque complètement détournée. Les livres de Chimie, au cours du temps, ont vu les chapitres sur le feu devenir de plus en plus courts. Et les livres modernes de Chimie sont nombreux où l’on chercherait en vain une étude sur le feu et sur la flamme. Le feu n’est plus un objet scientifique. Le feu, objet immédiat saillant, objet qui s’impose à un choix primitif en supplantant bien d’autres phénomènes, n’ouvre plus aucune perspective pour une étude scientifique. Il nous paraît alors instructif, du point de vue psychologique, de suivre l’inflation de cette valeur phénoménologique et d’étudier comment un problème, qui a opprimé la recherche scientifique durant des siècles, s’est trouvé soudain divisé ou évincé sans avoir été jamais résolu. » (Gaston Bachelard)

La Formation de l’esprit scientifique

Afin de se prémunir contre le risque de devenir un jour savant, tout jeune chercheur devrait, à titre d’antidote, avoir lu ce classique de Gaston Bachelard.

L’originalité de l’ouvrage consiste non seulement à dégager les conditions psychologiques propices à la formation de l’esprit scientifique mais aussi à mettre au jour celles de son dépérissement. Ainsi, la connaissance scientifique s’institue en s’opposant à la connaissance vulgaire, issue de l’expérience commune. Cependant, elle se corrompt et se stérilise dès lors qu’elle prétend fournir des réponses définitives. L’attachement à ses propres certitudes, qu’elles soient d’ordre sensible ou scientifique, contrarie les progrès de la recherche. La science tout autant que l’opinion constituent ainsi ce que Bachelard appelle un obstacle épistémologique. Toute découverte suppose donc la capacité de résister à « cette tendance conservatrice de l’esprit humain » qui le porte à ramener l’inconnu au connu, par une sorte de goût inné pour la cohérence.

L’épistémologie à portée des débutants. (Paul Klein)

Bibliographie
  • Essai sur la connaissance approchée, thèse principale, Paris, Vrin, 1927.
  • Étude sur l’évolution d’un problème de physique. La propagation thermique dans les solides, Paris, Vrin, 1927.
  • La Valeur inductive de la relativité, Paris, Vrin, 1929.
  • Le Pluralisme cohérent de la chimie moderne, Paris, Vrin, 1929.
  • L’Intuition de l’instant. Étude sur la Siloë de Gaston Roupnel, Paris, Stock, 1932.
  • Les Intuitions atomistiques : essai de classification, Boivin, 1933.
  • Le Nouvel Esprit scientifique, Alcan, 1934.
  • L’Expérience de l’espace dans la physique contemporaine, Alcan, 1937.
  • La Dialectique de la durée, Boivin, 1936.
  • La Formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, Vrin, 1938.
  • La Psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, 1938.
  • Lautréamont, José Corti, 1939 (nouvelle édition 1951).
  • La Philosophie du non : essai d’une philosophie du nouvel esprit scientifique, PUF, 1940.
  • L’Eau et les rêves : essai sur l’imagination de la matière, José Corti, 1941.
  • L’Air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, José Corti, 1943.
  • La Terre et les rêveries du repos, José Corti, 1946.
  • La Terre et les rêveries de la volonté, José Corti, 1948.
  • Le Rationalisme appliqué, PUF, 1949.
  • Paysages. Étude pour quinze burins d’Albert Flocon, PUF.
  • L’Activité rationaliste de la physique contemporaine, PUF, 1951.
  • Lettres à Louis Guillaume (1951-1962), La Part commune, 2009.
  • Le Matérialisme rationnel, PUF, 1953.
  • La Poétique de l’espace, PUF, 1957.
  • La Poétique de la rêverie, PUF, 1960.
  • La Flamme d’une chandelle, PUF, 1961.
  • Le Droit de rêver, posthume, PUF, 1970 (préfaces, articles, études, de 1939 à 1962).
  • L’Engagement rationaliste, posthume, PUF, 1972.
  • Épistémologie, textes choisis par Dominique Lecourt, PUF, 1972.
  • Études (« Noumène et microphysique », « La Critique du concept de frontière épistémologique », « Idéalisme discursif », « Lumière et substance » et « Le monde comme caprice et miniature »), Vrin, 1972.
  • Fragments d’une poétique du feu, posthume, édité par Suzanne Bachelard, PUF, 1988.
📽 15 citations choisies de Gaston Bachelard
  • Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton. (L’Air et les Songes)
  • L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin. (La Psychanalyse du feu)
  • Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant. Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l’instant et suspendue entre deux néants. (L’intuition de l’instant. Étude sur la Siloë de G. Roupnel)
  • Nous comprenons la Nature en lui résistant. (La Formation de l’esprit scientifique)
  • L’imagination trouve plus de réalité à ce qui se cache qu’à ce qui se montre. (La Terre et les rêveries de la volonté)
  • Une expérience scientifique est une expérience qui contredit l’expérience commune.  (La Formation de l’esprit scientifique)
  • Avant de penser, il faut étudier. Seuls les philosophes pensent avant d’étudier. (La Flamme de la chandelle)
  • L’avenir, si tendu que soit notre désir, est une perspective sans profondeur. Il n’a vraiment nulle attache solide avec le réel. C’est pourquoi nous disons qu’il est dans le sein de Dieu. (L’Intuition de l’instinct)
  • Pour être heureux, il faut penser au bonheur d’un autre. (La Psychanalyse du feu)
  • Les grandes passions se préparent en de grandes rêveries. (La Poétique de la rêverie)
  • Toute nouvelle vérité naît malgré l’évidence. (Le Nouvel Esprit scientifique)
  • L’individu n’agit que s’il éprouve un besoin. (La Psychologie de l’intelligence)
  • L’homme en tant qu’homme ne peut vivre horizontalement. Son repos, son sommeil est le plus souvent une chute. (L’Air et les Songes)
  • La volonté de condamner emploie toujours l’arme qu’elle a sous la main. (La Psychanalyse du feu)
  • Les songes descendent parfois si profondément dans un passé indéfini, dans un passé débarrassé de ses dates, que les souvenirs nets de la maison natale paraissent se détacher de nous. (La Poétique de l’espace)
  • L’image ne peut être étudiée que par l’image, en rêvant les images telles qu’elles s’assemblent dans la rêverie. (La Poétique de la rêverie)
  • Enfants, on nous montre tant de choses que nous perdons le sens profond de Voir. Voir et montrer sont phénoménologiquement en violente antithèse. Et comment les adultes nous montreraient-ils le monde qu’ils ont perdu ! (La Poétique de la rêverie)
  • Allons chercher nos images dans l’oeuvre de ceux qui ont le plus longuement rêvé et valorisé la matière : adressons-nous aux alchimistes. (L’Air et les Songes)
  • La mort de l’eau est plus songeuse que la mort de la terre : la peine de l’eau est infinie. (L’Eau et les Rêves)
  • La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. (La Formation de l’esprit scientifique)
  • Une connaissance générale est presque fatalement une connaissance vague. (La Formation de l’esprit scientifique)
  • Toute connaissance est une réponse à une question.
  • Face au réel, ce qu’on croit savoir clairement offusque ce qu’on devrait savoir.
  • Nous sommes dans un siècle de l’image. pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l’action de l’image.

Autres citations de Gaston Bachelard.

 

Articles connexes

Suggestion de livres

La poétique de l'espace: Édition établie par Gilles HieronimusLa formation de l'esprit scientifique
La dialectique de la durée: Édition établie par Élie DuringGaston Bachelard, Poétique des images

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