Histoire de la France : le XIXe siècle

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Histoire de la France

Le XIXe siècle

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Introduction

Le XIXe siècle en France est une période de profonds changements et d’instabilité politique. Même si la Révolution française se termine en 1799 avec le coup d’état des brumairiens, l’onde de choc se prolonge jusque dans le dernier quart du XIXe siècle, lorsqu’enfin la France trouve l’équilibre politique républicain dont les insurgés de 1789 ont rêvé. L’héritage social et culturel de l’Ancien Régime est lourd, le pouvoir se place avant tout là où se trouve la puissance financière. En même temps, les bouleversements scientifiques et techniques changent la société française, une nouvelle classe émerge, celle du prolétariat et des ouvriers, plus mobile, moins conservatrice que les paysans. Profitant de l’affaiblissement de l’influence de la noblesse et du clergé sur les affaires du pays, la bourgeoisie libérale et réformatrice s’affirme désormais comme la classe sociale déterminante, stimulant l’essor industriel. Après la fin des ambitions napoléoniennes, les mutations s’opèrent lentement sur fond de crises et de ruptures qui reviennent avec une surprenante régularité tous les vingt ans. Deux empires (1803-1814 ; 1852-1870), trois monarchies (1815-1824 ; 1825-1830 ; 1830-1848), deux républiques (1848-1852 ; 1870), trois révolutions (1830, 1848, 1871), cette liste simplement numérique récapitule un siècle de vives turbulences dans l’histoire d’un pays en route vers une réconciliation nationale.

Le Consulat et l’Empire (1800-1814)

Le coup d’état du 18 brumaire n’est qu’un premier pas dans l’ascension rapide de Bonaparte au sommet du pouvoir. La Constitution de l’An VIII, préparée par les brumairiens du Consulat, confirme la prééminence du jeune général lorsqu’il est nommé premier consul en janvier 1800. Deux autres mesures importantes révèlent également la mentalité jacobine du nouveau dirigeant, soucieux de centraliser le pouvoir autour de sa personne. La première mesure concerne l’administration, avec la création des préfets, hauts-fonctionnaires nommés par l’Etat et qui ont pour mission principale de faire appliquer les décisions du pouvoir central et veiller à l’ordre des départements (préfectures) dont ils ont la charge. La seconde mesure concerne la création de la Banque de France, chargée de veiller à l’unité de la politique monétaire du pays. Cette Banque de France établira d’ailleurs en 1803 une nouvelle monnaie, le franc germinal, qui restera stable jusqu’en 1914.

Fidèle à ses idées inspirées du club des Jacobins, Bonaparte poursuit l’oeuvre politique de la Révolution: en 1801 est proclamé le Concordat, par lequel l’Eglise et le clergé, tout en conservant le soutien financier de l’Etat, ne sont plus associés aux affaires du gouvernement. Le catholicisme n’est donc plus religion d’Etat, mais demeure statutairement la première religion des Français. Le Concordat est un premier pas vers la séparation officielle de l’Eglise et de l’Etat, qui n’interviendra définitivement qu’en 1905. Par ailleurs, l’aspect législatif du pouvoir judiciaire se trouve soigneusement déterminé par le Code civil, qui définit les droits et les libertés du corps social, citoyens et corporations. Ouvrage original et unique, il marque la singularité française en matière de législation, il réaffirme des acquis de la Révolution, tels que la liberté d’entreprise et de la concurrence, ainsi que les droits fondamentaux des paysans en confirmant l’abolition des privilèges et le droit de propriété. En revanche, le code civil favorise une société qui repose sur l’autorité paternelle, plaçant les femmes sous la tutelle des hommes, renforçant le pouvoir des patrons sur les ouvriers.

Le sacre de Napoléon 1er, empereur des Français, se déroule en décembre 1804 à Notre-Dame de Paris, en présence du pape venu de Rome. Le nouveau monarque absolu du peuple français est désormais prêt à conquérir l’Europe, et peut-être même le monde. Cette conquête commence cependant par une défaite contre les Anglais conduits par l’amiral Nelson, qui détruisent complètement la flotte française à Trafalgar, au large des côtes d’Espagne, en novembre 1805. Cette défaite va assurer à l’Angleterre la maîtrise des mers et la poursuite de ses ambitions coloniales aux dépens de la France, son concurrent principal. Ce revers maritime français est toutefois réparé par une série de victoires éclatantes des troupes impériales à Austerlitz (décembre 1805) contre les armées austro-russes et à Iéna, l’année suivante, contre la Prusse. En 1807, de nouvelles victoires contre la Prusse (Eylau et Friedland), qui permettent à Napoléon d’installer son frère Jérôme sur le trône de Westphalie, ainsi qu’un traité d’alliance avec le tsar de Russie (Tilsit), assurent à la France sa domination sur une vaste partie de l’Europe. Mais Napoléon pense toujours à l’Angleterre, protégée par les mers, et l’empereur décide en 1808 d’instaurer un blocus économique, interdisant tout commerce européen avec les Iles britanniques. En 1809, Napoléon remporte à nouveau une victoire à Wagram, contre les Autrichiens, ouvrant les territoires de l’Adriatique à l’empire français. En 1811, cet empire a atteint son apogée, les membres de la famille de Napoléon sont à la tête des différents états sujets de l’Empire. En même temps, l’insatisfaction monte et la résistance s’organise : la Prusse restaure son armée et la Russie rompt le traité de Tilsit, forçant les troupes françaises dans une campagne militaire en Russie qui se terminera par une retraite désastreuse où près de la moitié de la Grande Armée est anéantie.

La retraite de Russie amorce le déclin de l’Empire. En 1814, l’Europe entière forme une coalition contre la France, entraînant une confrontation à Leipzig, où les troupes françaises sont battues. La France est alors envahie et l’empereur doit abdiquer. Il est fait prisonnier et déporté à l’île d’Elbe, au large des côtes de Toscane. Napoléon s’en échappe cependant l’année suivante et en mars 1815, il parvient à reprendre le pouvoir, revenu depuis son départ à Louis XVIII, frère de Louis XVI. Mais ce retour de « l’ogre corse », ainsi qu’il est surnommé, est de courte durée, il se conclut par une ultime défaite contre les Anglais et les Prussiens le 18 juin, à Waterloo (Belgique). Les Cent Jours de Napoléon sont terminés, il est cette fois exilé à Sainte-Hélène, une petite île située dans l’Atlantique sud, à 6000 kilomètres de la France. La vie de Napoléon s’achève ici en 1821.

La fin de l’Empire coïncide avec la fin de la période révolutionnaire en France et des guerres continuelles qui l’ont marquée. Vingt ans de conflits ont fait plus de trois millions de morts en Europe, la France de 1815 est diminuée économiquement et socialement profondément divisée; avec le traité de Paris qui lui retire la Savoie, son territoire est réduit par rapport à l’état de ses frontières en 1789. Plus encore, l’image de la France s’est fortement détériorée, tous ses voisins se méfient désormais de cette nation révolutionnaire, ambitieuse et guerrière. Associant principalement l’Angleterre, l’Autriche et la Russie, la Sainte-Alliance est alors formée, elle prévoit une intervention militaire commune contre la France si la menace se réveillait à nouveau.

Le retour de la Monarchie (1815-1848)

Après l’épisode napoléonien des Cent Jours, la réinstallation de Louis XVIII sur le trône de France en juillet 1815 marque le début de la Restauration et le retour de la monarchie de droit divin en France. Cependant, le nouveau roi ne peut ignorer un quart de siècle de réformes et de changements. Il « octroie » ainsi au pays une Charte, qui n’est pas une constitution car elle dépend exclusivement du bon vouloir du monarque, mais elle maintient certains acquis fondamentaux de la Révolution, notamment ceux qui sont à l’avantage de la bourgeoisie. La Charte permet aussi la formation de partis, et l’assemblée se divise aussitôt en trois courants principaux : à gauche, les libéraux défendent les libertés de 1789 ; au centre, les constitutionnels sont partisans d’une Charte ouverte et démocratique ; enfin, à droite, les ultra-royalistes, soutenus par la noblesse, souhaitent le rétablissement des anciens privilèges. La Charte établit également le « suffrage censitaire », par lequel une certaine catégorie de la population – les plus riches – peut bénéficier, en l’achetant, du droit de vote. Sur une population de 32 millions d’habitants que compte la France à l’époque, environ cent mille personnes bénéficient de ce droit.

Le règne de Louis XVIII (1815-1825) représente une période de calme et favorise une certaine prospérité économique pour le pays. Dans une atmosphère de relatif libéralisme politique, une réconciliation nationale s’opère entre le peuple ordinaire et la bourgeoisie d’une part – qui souhaitent éviter un retour à l’ordre ancien – et d’autre part les « émigrés » de la noblesse qui reviennent au pays, forcés à s’ajuster aux réalités nouvelles. Un changement de climat intervient cependant lorsque Charles X, frère de Louis XVIII, accède au trône en 1825. Les sympathies de Charles X envers le camp royaliste sont connues, et une partie de la noblesse croit alors que le moment est venu pour un retour à l’Ancien Régime. Charles X se fait d’ailleurs sacrer à Reims, selon la tradition dynastique et l’une de ses premières mesures est d’accorder aux anciens propriétaires de bien nationaux une forte indemnité, ce qui provoque la colère des libéraux. Charles X s’emploie ainsi à affaiblir pendant son règne les prérogatives de la Charte qu’il juge trop libérales. En mai 1830, il dissout l’Assemblée, espérant ainsi reconduire une majorité élargie; le même mois, dans le but de consolider son autorité et de favoriser de nouveaux débouchés commerciaux aux pays, Charles X ordonne une expédition militaire contre la ville d’Alger, qui est finalement prise en juillet. Toutefois, si l’expédition d’Alger est un succès, la dissolution de l’Assemblée aboutit à un échec, car l’opposition libérale sort renforcée de ces élections. Charles X tente alors un coup de force : par une série d’ordonnances, il dissout à nouveau la Chambre, supprime la liberté de la presse et réduit le nombre d’électeurs en augmentant le « prix » du droit au vote (le « cens »). Ces mesures provoquent la colère du peuple parisien, qui se révolte au cours de journées nommées les « Trois Glorieuses« , les 27, 28 et 29 juillet. L’insurrection provoque finalement la chute de Charles X, et son exil.

C’est au duc d’Orléans, descendant de Louis XIII, que revient le trône de France, qu’il assumera sous le nom de Louis-Philippe. Le nouveau roi n’apporte pas de changements radicaux à la Charte, mais durant son règne, la menace d’un retour au pouvoir des royalistes se fait moins pressante. Au plan de l’expression publique, les libertés de la presse sont fortement réduites à partir de 1835, à la suite d’un attentat manqué contre le roi. Alors que peuple continue à être tenu à l’écart du pouvoir, le suffrage censitaire est élargi, ce qui renforce le poids politique de la bourgeoisie libérale, qui bénéficie par ailleurs de l’expansion économique et industrielle du pays, surtout après 1840. L’industrie textile, la construction de machines, la métallurgie se développent fortement, favorisées par l’essor des chemins et fer et l’extraction du charbon. Ces industries s’installent dans certaines villes et régions (le Nord, Paris, Lyon) où main d’oeuvre et matières premières sont disponibles. Ces développements entraînent la formation d’une population ouvrière, le prolétariat, réceptive aux idées émergentes de théoriciens socialistes, dits « utopistes », tels que le comte Henri de Saint Simon (1760-1825) et Fourier (1772-1732), qui dénoncent la société capitaliste naissante, créée par la bourgeoisie.

C’est sous la monarchie de juillet de Louis-Philippe qu’a lieu un véritable réveil de la création littéraire, plutôt endormie pendant la Révolution et l’Empire. En 1830, Victor Hugo présente sa pièce Hernani, qui bouleverse les conventions classiques du théâtre, tout en faisant la synthèse de l’esprit du Romantisme, un mouvement autant artistique que politique par lequel se définissent la plupart des œuvres et des auteurs de l’époque, tels que Balzac et Stendhal pour le roman, Lamartine et Hugo pour la poésie, Delacroix et Géricault pour la peinture, Berlioz pour la musique. Les thèses essentielles du romantisme soutiennent qu’il faut rompre avec les formes contraignantes du classicisme, laisser libre cours à l’expression individuelle et aux sentiments, donner une place aux masses populaires, privées du droit de parole. C’est dans ce contexte de foisonnement d’idées généreuses, héritières des penseurs des Lumières, que se préparent lentement de nouveaux changements politiques.

La seconde République (1848-1852)

La fin du règne de Louis-Philippe est précipitée par une crise économique qui apparaît en 1847, les mauvaises récoltes, la baisse des ventes industrielles entraînent une montée rapide du chômage et du mécontentement. L’opposition libérale exige des réformes, les paysans et les ouvriers réclament du travail. Le gouvernement, inquiété par cette agitation, interdit en février 1848 un banquet de protestation prévu à Paris. Une nouvelle fois, la foule parisienne se révolte, organise des barricades dans la capitale ; le 23 février, le roi renvoie Guizot, son premier ministre, tandis que la garde royale tire sur les manifestants, faisant une cinquantaine de morts. Le roi abdique le lendemain et aussitôt, la République est proclamée. Le gouvernement provisoire est dirigé par Lamartine, un républicain modéré, mais il comprend aussi des membres plus radicaux, tels que le socialiste Louis Blanc, ainsi qu’un simple ouvrier, nommé Albert. Le gouvernement adopte le drapeau tricolore, abandonné depuis la Restauration.

D’autres mesures suivent très vite : le suffrage universel, qui exclut néanmoins la moitié de la population, les femmes ; le droit au travail, qui astreint le gouvernement à fournir du travail à tous. Cette mesure, très coûteuse pour l’Etat, conduit à la création des ateliers nationaux, permettant ainsi aux chômeurs de retrouver un revenu. La journée de travail est fixée à dix heures maximum ; la peine de mort pour délit politique est abolie ; la liberté totale de la presse est assurée ; enfin, l’esclavage dans les colonies est aboli. Cette République sociale est généreuse, idéaliste, elle est le fruit d’idées et de combats d’hommes dont l’expérience politique et de gestion des affaires est cependant limitée. Pour cette raison, l’enthousiasme du début ne peut résister à une montée persistante de l’agitation. En fait, les républicains sociaux se retrouvent minoritaires à l’Assembée dès les premières élections. Les ateliers nationaux sont supprimés en juin, quelques mois après leur création, provoquant des manifestations d’ouvriers qui sont durement réprimées par l’armée. La bourgeoisie conservatrice, inquiète de voir l’anarchie s’installer dans le pays, s’associe avec les monarchistes pour adopter en novembre une nouvelle Constitution qui met le pouvoir entre les mains d’un président, éligible pour quatre ans seulement. Proposé par Thiers (qui avait déjà soutenu en 1830 Louis-Philippe), le nouveau président sera largement élu par le peuple français, dès décembre 1848, il s’appelle Louis-Napoléon Bonaparte, il est le neveu du grand empereur.

Encore une fois, ce mouvement populaire qui fait tomber dictatures et régimes autoritaires va être progressivement étouffé par le nouvel arrivant. L’Assemblée, qui renforce dès 1849 sa majorité de députés conservateurs et monarchistes, vote en 1850 des lois allant clairement à l’encontre de l’esprit révolutionnaire de 1848 : l’enseignement est pratiquement confié à l’Eglise et une nouvelle loi électorale supprime de facto le vote ouvrier en imposant une résidence continue d’au moins trois ans, ce que la plupart des ouvriers, forcés à l’errance dans leur quête de travail, ne peuvent pas établir. Le corps électoral passe ainsi de près de dix millions en 1848 à un peu moins de 7 millions. Par ailleurs, devant une Assembée réticente, le président cherche à prolonger de dix ans son mandat, qui doit s’achever en 1852, ainsi qu’il est prévu par la Constitution. Le 2 décembre 1851, jour anniversaire du sacre de Napoléon 1er et de la victoire d’Austerlitz, Louis-Napoléon Bonaparte réalise son propre coup d’Etat, un peu plus d’un demi-siècle après le 18 Brumaire de son oncle illustre. Il dissout l’Assemblée nationale, restaure le suffrage universel, rédige une nouvelle Constitution et organise un plébiscite pour ratifier sa prise de pouvoir. L’armée réprime durement les insurgés et arrête les opposants dont une dizaine de milliers sont déportés en Algérie et en Guyane. Bonaparte remporte le scrutin, grâce au nombre important d’abstentions et au vote conservateur massif des paysans et de la bourgeoisie des provinces, qui craignent le retour de l’anarchie. Un an plus tard, le 2 décembre à nouveau, le président contraint le Sénat, dont les membres sont tous nommés par lui, à accepter une nouvelle Constitution proclamant le second Empire. La seconde République est définitivement morte, elle n’a jamais bien vécue.

Le second Empire (1852-1870)

Sans grande surprise, le nouvel empereur Napoléon III s’attache dès le début de son règne à renforcer son emprise sur la nation. La police joue un rôle prépondérant dans ce contexte, elle est chargée de surveiller de près les citoyens et d’éliminer toute opposition. La presse est étroitement contrôlée par une série de lois qui obligent les journalistes à obtenir une autorisation avant de publier; le droit de réunion est limité, la correspondance est secrètement épiée. Victor Hugo est forcé à l’exil. En province, une propagande soigneusement entretenue vante les mérites du régime. L’empereur épouse en 1853 une comtesse espagnole, Eugénie Maria de Montijo de Guzman, admirée en France; tout en exerçant une influence importante sur l’empereur, elle entretiendra une longue amitié avec la reine Victoria. Cette situation où règne l’ordre rassure la bourgeoisie industrielle, un climat économique favorable s’installe, le marché du travail s’améliore sensiblement. En 1857, assuré de son assise politique, l’empereur dissout l’Assemblée. Les élections lui renvoient une majorité massive : 90% des nouveaux députés sont dans son camp. L’année suivante, Napoléon III et l’impératrice Eugénie échappent à une tentative de meurtre par un activiste italien, Felice Orsini ; cet attentat provoque aussitôt la promulgation d’une loi de sûreté générale qui entraîne l’arrestation de centaines d’opposants au régime.

Sur le front extérieur, l’Empire cherche à affirmer son influence et à élargir son domaine colonial : la Nouvelle-Calédonie est annexée en 1853 ; la conquête du Sénégal débute en 1854 ; la totalité de l’Algérie est désormais acquise avec l’occupation de la Kabylie en 1857 ; Napoléon III visite l’Algérie en 1860 ; en Chine, la France reçoit des concessions dans plusieurs villes à la suite des traités de Nankin (1842) et de Tientsin (1858) ; l’armée française intervient aussi au Liban (1860), puis au Mexique (1861) ; enfin, un protectorat sur le Cambodge est instauré en 1863. Parallèlement à ces expéditions militaires, la multiplication d’œuvres littéraires révèle un intérêt croissant pour les contrées lointaines : Un Voyage en Orient (1851) de Gérard de Nerval le Roman de la Momie (1857) de Théophile Gautier, une fresque littéraire sur une Egypte idéalisée ; Salammbô (1862) de Gustave Flaubert, écrit après un voyage en Turquie et en Egypte en 1849-51. Les peintres voyagent également, physiquement ou mentalement, trouvant l’inspiration dans de nouveaux thèmes et lumières : Delacroix et Gérôme en particulier, mais aussi Ingres, qui n’a jamais visité l’Orient, et plus tard, Renoir.

Par ailleurs, cette seconde moitié du XIXe siècle inaugurée par l’Empire consacre un nouvel état d’esprit et des mentalités. Les progrès spectaculaires de la science dans tous les domaines, et surtout leurs multiples applications pour l’activité industrielle favorisent l’émergence d’une pensée rationaliste qui affirme la prééminence de l’empirisme scientifique dans toute activité humaine. Dans la lignée des philosophes des Lumières qui défendaient la supériorité de la raison sur la superstition, Auguste Comte (1798-1857) est le maître à penser de ce nouveau positivisme, qui fonde la sociologie moderne. En revanche, d’autres théoriciens font dériver ce nouvel esprit vers des théories racialistes inspirées de l’évolutionnisme darwinien : Essai sur l’inégalité des races humaines (1853) du diplomate Arthur Gobineau (1816-1882) ; Les lois psychologiques de l’évolution des peuples (1894) du médecin-naturaliste Gustave Le Bon (1831-1941). La production littéraire est marquée également par ce nouvel esprit: avec l’essoufflement du romantisme politique et artistique, la générosité et l’idéal font place à un certain réalisme dans le style et les sujets traités. Ce réalisme est déjà présent dans les œuvres de Balzac et de Flaubert, mais il s’affirme plus encore avec les écrits de Maupassant, des frères Goncourt, et plus tard d’Émile Zola, le chef de file du Naturalisme, une vision de la littérature censée rendre compte de la société et de ses phénomènes avec le maximum de vérité et d’objectivité.

A partir de 1860, un certain libéralisme politique s’installe progressivement en France. Napoléon III, dont la santé se détériore, a perdu beaucoup de son crédit auprès des industriels français après la signature d’un accord commercial avec l’Angleterre qui ouvre à cette dernière le marché français; par ailleurs, le clergé est mécontenté par un accord diplomatique avec le Piémont qui rend la Savoie et Nice à la France mais fait perdre une province à la papauté de Rome. L’empereur cherche ainsi à se réconcilier avec le peuple en accordant plus de libertés à la presse et aux assemblées, où la représentation républicaine s’agrandit peu à peu. En 1864, le droit de grève sous certaines conditions est accordé, les organisations syndicales sont tolérées. En 1867, les députés bénéficient du droit d’interpellation, qui peut forcer les ministres à venir défendre leur politique devant le corps législatif. En 1868, les lois sur la presse sont supprimées, les réunions électorales sont autorisées. Aux élections législatives de l’année suivante, l’opposition gagne un nombre de représentants sans précédent, conduisant à l’adoption le 20 avril 1870 d’une nouvelle Constitution à caractère parlementaire et véritablement démocratique par laquelle les deux chambres détiennent le pouvoir législatif et les ministres sont responsables devant elles. Pour ratifier cette Constitution, Napoléon III convoque un nouveau plébiscite qu’il remporte avec un nombre de voix pratiquement égal à celui obtenu lors de son coup d’état de 1851. Cet extraordinaire retournement sera cependant de courte durée : à l’automne, la guerre contre la Prusse va changer toutes les données.

La IIIe République (1870-1940)

Forcée à entrer en guerre par la Prusse de Bismarck, la France, mal préparée, subit immédiatement un revers: Napoléon III est fait prisonnier à Sedan le 1erseptembre 1870 et Paris est assiégé par les troupes prussiennes. A l’intérieur de la capitale, la résistance s’organise. Gambetta, député républicain, proclame le 4 septembre la fin de l’empire et la nouvelle IIIe République avant de rejoindre en ballon la ville de Tours. Le siège de Paris dure plus de quatre mois, provoquant une famine, aggravée encore par une vague de froid sans précédent. Des élections législatives en février 1871 renvoient à l’Assemblée une majorité de députés monarchistes qui sont favorables aux conditions de paix imposées par la Prusse. Une nouvelle fois, il apparaît évident que si Paris et les grandes villes sont républicaines et jacobines, la province est conservatrice et monarchiste. En mars, le gouvernement nouvellement élu, avec Thiers à la tête de l’exécutif, s’installe à Versailles, tandis que le peuple de Paris forme un gouvernement insurrectionnel, la Commune. Les communards adoptent le drapeau rouge, dénoncent l’armistice avec l’Allemagne, proposent des réformes fondamentales en faveur des ouvriers et pour l’éducation (école laïque et gratuite). Les Versaillais organisent un nouveau siège de la capitale et le 21 mai, l’assaut final contre les fédérés de Paris est ordonné. De violentes batailles ont lieu pendant une semaine, faisant de nombreux morts. La supériorité en nombre et en armes des Versaillais donne finalement la victoire au gouvernement légitimiste. Une des plus terribles répressions de l’histoire de France prend alors place : 25000 Parisiens sont fusillés, une autre dizaine de milliers sont condamnés et déportés. Le mouvement ouvrier est totalement décapité, la première révolution prolétarienne anticapitaliste est écrasée. La Commune possède une héroïne, Louise Michel, institutrice, qui a participé à tous les combats. L’Etat ne fusillant que les hommes, elle est jugée puis déportée en Nouvelle-Calédonie. Elle est amnistiée en 1880, avec tous les autres communards. Elle a publié ses Mémoires en 1886.

Le traité de paix de Francfort (10 mai 1871) contraint la France à abandonner à l’Allemagne ses deux provinces à la frontière du Rhin, l’Alsace et la Lorraine. La France doit aussi payer une lourde indemnité de guerre, mais pour l’essentiel, la « République sans républicains » est sauvée. En 1873, le conservateur Thiers est remplacé à la tête du pouvoir exécutif par un légitimiste, le maréchal Mac-Mahon, qui a dirigé la répression contre la Commune. Le gouvernement poursuit alors une politique active de promotion de valeurs morales, tout en surveillant de près une possible renaissance du mouvement ouvrier. A l’occasion de révisions des lois constitutionnelles, Mac-Mahon est officiellement désigné en 1875 président de la République, le chef de l’Etat sera désormais élu pour sept ans. Mais dès l’année suivante, le climat politique se retourne, les républicains reviennent en force dans les chambres, qu’ils contrôlent totalement en 1879, forçant la démission de Mac-Mahon.

La démocratie républicaine est désormais installée en France, elle ne sera interrompue que quelques années au cours du siècle suivant, pendant la seconde Guerre mondiale. Or, le camp républicain se partage déjà entre réformistes (radicaux) et modérés (« opportunistes »). C’est le camp des modérés qui domine l’Assemblée, et sous la présidence du premier chef de l’Etat républicain, Jules Grévy, le premier ministre Jules Ferry prend en 1881 l’initiative de mesures populaires : liberté totale pour la presse et enseignement primaire laïc et gratuit pour tous, obligatoire de 6 à 13 ans. La liberté d’association sera votée en 1884, de même que l’élection des maires des communes, jusque là désignés par l’Etat. Cette même année, il est décidé que Paris sera l’hôte d’une Exposition Universelle en 1889, pour fêter le centenaire de la Révolution. En 1887 commence alors la construction d’une étrange structure de fer qui doit célébrer la puissance industrielle de la France. Deux ans plus tard, la Tour Eiffel est achevée.

Entre-temps, la politique coloniale française se poursuit, nettement plus agressive, soit sous forme de protectorat, qui laisse une marge de souveraineté aux peuples soumis par la France, soit sous forme de colonisation pure et simple, l’administration du pays occupé dépendant directement de la métropole. La première forme est en fait souvent le prélude à la seconde. Entre 1874 et 1900, les corps expéditionnaires font tomber de nombreuses régions sous la tutelle française : en Afrique, après l’Algérie, c’est le Congo, le Soudan, la Tunisie, le Maroc, le Gabon, le Niger, le Dahomey, le Tchad, la Haute-Volta, Madagascar. En Asie, que l’on atteint beaucoup plus facilement depuis la mise en service en 1869 du canal de Suez, la péninsule indochinoise (Annam, Cambodge, Laos) passe entièrement sous contrôle français. En Chine, la France renforce ses positions dans le sud (Yunnan, Canton) mais aussi sur la côte est, à Shanghaï; en 1900, la France participe au corps expéditionnaire européen qui écrase la révolte des Boxers. Le domaine colonial de la France atteint son apogée durant cette période, il couvre une superficie seize fois plus grande que celle de la métropole.

La droite républicaine se maintient au pouvoir exécutif mais doit faire face à la montée de l’opposition de la gauche radicale, ainsi que des socialistes. Le peuple français se méfie également de ce gouvernement né du massacre de la Commune, qui a épousé les valeurs bourgeoises, et dont la corruption de certains de ses membres devient apparente à la suite de quelques « affaires ». En 1891, le jour de la Fête du Travail, célébrée par les ouvriers depuis l’année précédente, les troupes tirent sur un rassemblement de manifestants à Fourmies (Nord) qui réclament la journée de travail limitée à 8 heures. En 1893, la menace socialiste se fait plus pressante, 50 députés, dont Jules Guesde et Jean Jaurès, arrivent à la Chambre. L’année suivante, le président Sadi Carnot est assassiné par un anarchiste italien qui voulait venger ses camarades militants condamnés à mort et dont la grâce avait été refusée par le président.

Le siècle se conclut par une « affaire » qui révèle clairement les divisions profondes au sein des Français: le procès du capitaine Dreyfus, un officier juif de l’armée française condamné injustement en 1894 pour trahison et espionnage. L’écrivain Émile Zola prend la tête du mouvement dreyfusard lorsqu’il publie le 13 janvier 1898 dans le journal L’Aurore une lettre ouverte au président, intitulée J’accuse, dans laquelle il dénonce une série d’officiers qui ont manipulé l’instruction. Cet article, qui vaut une condamnation à son auteur et son exil pour un an, provoque un débat sans précédent dans la société française, mettant au jour les tendances xénophobiques d’une section de la population française, représentée par la droite nationaliste, militariste et antisémite. La République est même mise en danger, ce qui provoque une alliance entre socialistes et modérés. L’Affaire Dreyfus révèle aussi le rôle naissant de la presse écrite, un « quatrième pouvoir » qui ne cessera pas de s’affirmer au cours du XXe siècle.

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