Gérard de Nerval : Les Chimères (1854)

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Gérard de Nerval

Les Chimères (1854)

Il est sage d’aimer dans la belle saison de l’âge plus sage de n’aimer pas.

(Gérard de Nerval, Les Chimres, 1854)

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👤 Gérard de Nerval, né le 22 mai 1808 à Paris, ville où il est mort le 26 janvier 1855 (à 46 ans), est un écrivain français d’inspiration romantique dont l’œuvre « surnaturaliste » est une exploration poétique des frontières incertaines du rêve et du réel. [Lire la suite de sa biographie]
→ Lumière sur les Filles du feu (1854), et Aurélia (1855).

Présentation

Les Chimères est un recueil de sonnets de Gérard de Nerval, publié en 1854, en dernière partie des Filles du feu. Ce recueil a marqué l’histoire de la poésie française par le langage qui s’y développe et par la force poétique qui en émane. Malgré la clarté de la langue, le sens profond de ces poèmes reste aujourd’hui encore obscur. Beaucoup de critiques se sont penchés et se penchent encore sur ces poèmes afin notamment de discuter de la présence de clefs supposées, généralement symboliques ou ésotériques.

→ À lire : Le sonnet. – Genres de poésies.

Une longue mise en forme

Les Chimères ne sont pas l’intégralité, mais un choix de douze des sonnets écrits par Nerval : El Desdichado, Myrtho, Horus, Antéros, Delfica, Artémis, Le Christ aux oliviers (cinq sonnets), et Vers dorés.

Les poèmes étaient déjà écrits depuis quelque temps ; certains étaient déjà parus en revue, parfois sous la forme de petits ensembles. On constate que Nerval a procédé, pour cette publication définitive, à diverses permutations de quatrains et de tercets d’un sonnet à l’autre et à des réécritures de détail, changeant ponctuellement un mot, démarche qui témoigne de la fine ciselure de ces pièces.

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Une facture classique

Nerval s’inscrit, par le choix de la forme fixe du sonnet, dans la grande tradition poétique française qu’il renouvelle profondément par l’usage qu’il fait de l’alexandrin. Le vers nervalien est effectivement quasiment clos sur lui-même, l’auteur cherchant à faire coïncider le mètre et la syntaxe en une sorte de sentence. La langue et le vocabulaire sont en outre extrêmement simples, l’article défini est employé de façon systématique, ce qui renforce cette impression. Mais le sens de ces formules semble pourtant énigmatique et insaisissable du fait de leur concision et des enchaînements par juxtaposition, ce qui fait de l’ensemble une sorte d’incantation où rythmes et sonorités ont un rôle essentiel.

→ À lire : Règles de la versification française.

Une poésie esotérique

Le titre des Chimères évoque une créature hybride, un assemblage composite — ce qui rappelle le mode de composition du recueil —, mais aussi des figures imaginaires, produits de l’imagination. Nerval explique que ces sonnets ont été « composés dans un état de rêverie supernaturaliste, comme diraient les Allemands […] ils perdraient de leur charme à être expliqués ». Si sa « dernière folie » est « de [se] croire poète », les sonnets ne sont pas pour autant le fruit de crises de folie, mais bien celui d’un travail de la forme et des références. Cela se manifeste à travers un fort symbolisme (nombres, objets, plantes, lieux, personnages…) et des références mythiques et mythologiques nombreuses et variées, à l’image du syncrétisme spirituel qui se fait jour.

Les Chimères sont en fait l’histoire d’un passage, celui d’un monde ancien à « l’esprit nouveau », du singulier au collectif et à l’universel : d’emblée se posent la question de l’identité et le drame de la communication (« El Desdichado »), mais les tensions se résolvent dans une réconciliation finale de l’homme et du monde, grâce à la connaissance qu’il en a acquise (« Vers dorés »).

Choix d’un sonnet : El Desdichado

Je suis le ténébreux, – le veuf, – l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ? … Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J’ai rêvé dans la grotte où nage la sirène…

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron ;
Modulant tout à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

(Gérard de Nerval, « El Desdichado », in Les Chimères, 1854)

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