Montaigne : Essais (1580)

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Les Essais (1580)

– Michel Eyquem de Montaigne –

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MontaigneLes Essais est un ouvrage de Michel Eyquem de Montaigne, publié pour la première fois en 1580. Montaigne, né le 28 février 1533 et mort le 13 septembre 1592 au château de Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne), est un écrivain français, héritier de l’humanisme, qui, dans un livre unique, les Essais, a mené à bien « le projet de se peindre » et, par-delà, celui de décrire « l’humaine condition ».
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💡 Les Essais, « Des Cannibales » (I, 31) et « Des coches » (III, 6) sont l’une des œuvres au programme du bac de français pour l’année scolaire 2019-2020.
Consultez la liste des œuvres.

Un ouvrage rebelle à toute classification

Bien qu’ils fourmillent d’anecdotes et de renseignements sur la vie de Montaigneje suis moi-même la matière de mon livre »), les Essais ne sont, à proprement parler, ni une autobiographie ni même une confession. Par nature rebelles à la classification par genre, ils associent à l’écriture une réflexion personnelle et spirituelle sur le monde et sur soi, et apparaissent comme un champ de connaissance où l’auteur expérimente sa pensée, l’essaye, la pèse et la met à l’épreuve.

Conçue à l’origine comme un ornement intellectuel à la louange de l’ami disparu, La Boétie, cette œuvre est devenue le miroir d’une vie et d’une personnalité, dont les reflets sont aussi variés que peuvent l’être les expériences de l’être humain qui, dans les faits, en est devenu le véritable sujet.

Organisation des essais

Composés de trois livres et de cent sept chapitres, il est malaisé d’y discerner un ordre tranché. Le Livre I, qui peut sembler plus anecdotique que les suivants, est consacré à différentes observations, d’ordre politique ou ethnographique, ainsi qu’à des réflexions philosophiques sur la mort, la solitude, l’éducation, l’amitié. Le Livre II est centré davantage sur la peinture que Montaigne fait de lui-même et de ses sentiments, tandis que le Livre III, publié pour la première fois dans l’édition de 1588, approfondit la réflexion et comporte le récit des voyages de l’auteur. Quoi qu’il en soit, il serait vain de vouloir donner un ordre trop strict à ce livre qui se veut composé « à saut et à gambade », de sorte que la pensée glisse naturellement d’un sujet à un autre.

Publiés pour la première fois en 1580, corrigés et augmentés une première fois pour la version de 1588, et, de nouveau, sur les annotations manuscrites de l’auteur pour l’édition posthume de 1595, les Essais sont pour ainsi dire composés de « strates » superposées. Montaigne n’a cessé d’expérimenter les limites de son propre texte, l’enrichissant selon le principe des « allongeails ».

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Une œuvre « en mouvement »

C’est ainsi qu’il est difficile de discerner un dessein bien uni à cette œuvre, où Montaigne, quand il reprend le cours de ses réflexions, change volontiers de point de vue, autorisant, de ce fait, des lectures partielles, invitant même le lecteur à peser les opinions, puisque « chaque chose a plusieurs biais et plusieurs lustres ». Un des principes de l’œuvre est en effet la diversité : diversité de l’observateur (qui évolue), diversité du monde (qui change), diversité du lecteur enfin (dont le rôle primordial est parfaitement pris en compte).

Les Essais sont donc, selon le titre de l’étude d’un de ses exégètes Jean Starobinski, une œuvre « en mouvement » (Montaigne en mouvement, 1982). Consubstantiels à leur auteur, ils forment un livre au second degré où le « je » de celui qui écrit conduit la réflexion autant qu’il en est l’objet. Par ailleurs, la poétique du recueil est fondée sur « l’art de conférer » c’est-à-dire de converser. Dès lors que l’enchaînement des idées se produit par le jeu aléatoire des associations, il apparaît que le chemin intellectuel parcouru par Montaigne est proposé en modèle au lecteur qui est implicitement invité à « s’essayer » à son tour, le but final étant de parvenir à une connaissance de soi-même et de l’homme en général, tant il est vrai que « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition » (Essais, III, 2).

Extrait : Livre troisième, chapitre 6

Dans cet extrait des Essais, inspiré entre autres de l’Histoire générale des Indes de Lopez de Gomara, Montaigne critique la barbarie des Espagnols durant les conquêtes du Nouveau Monde. Évoquant les massacres, il souligne leur cruauté, condamne leur gratuité (ils ne répondent pas aux nécessités de la guerre) et la vénalité qui les guide (les Espagnols n’ont pas agi pour la foi catholique, mais pour voler un trésor). La critique, indignée et courageuse, rare à l’époque, prend pour cibles des soldats égarés — justement punis par Dieu ou par les souverains de Castille —, mais épargne encore les décideurs politiques.

À une autrefois, ils mirent brusler pour un coup, en mesme feu, quatre cens soixante hommes tous vifs, les quatre cens du commun peuple, les soixante des principaux seigneurs d’une province, prisonniers de guerre simplement. Nous tenons d’eux-mesmes ces narrations, car ils ne les advouent pas seulement, ils s’en ventent et les preschent. Seroit-ce pour tesmoignage de leur justice ou zele envers la religion ? Certes, ce sont voyes trop diverses et ennemies d’une si saincte fin. S’ils se fussent proposés d’estendre nostre foy, ils eussent consideré que ce n’est pas en possession de terres qu’elle s’amplifie, mais en possession d’hommes, et se fussent trop contentez des meurtres que la necessité de la guerre apporte, sans y mesler indifferemment une boucherie, comme sur des bestes sauvages, universelle, autant que le fer et le feu y ont peu attaindre, n’en ayant conservé par leur dessein qu’autant qu’ils en ont voulu faire de miserables esclaves pour l’ouvrage et service de leurs minieres : si que plusieurs des chefs ont esté punis à mort, sur les lieux de leur conqueste, par ordonnance des Rois de Castille, justement offencez de l’horreur de leurs deportemens, et quasi tous desestimez et mal-voulus. Dieu a meritoirement permis que ces grands pillages se soient absorbez par la mer en les transportant, ou par les guerres intestines dequoy ils se sont entremangez entre eux, et la plus part s’enterrerent sur les lieux, sans aucun fruict de leur victoire.

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