Anecdotes de la vie littéraire

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Anecdotes de la vie littéraire

📝 Recueillies par Louis Loire.

Une lecture amusante est aussi utile à la santé que l’exercice du corps.

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(Alphonse Karr)

Présentation

Une anecdote est un petit fait historique survenu à un moment précis de l’existence d’un être, en marge des événements dominants et pour cette raison souvent peu connu. C’est également une petite aventure vécue qu’on raconte en soulignant le pittoresque ou le piquant.

En 1876, Louis Loire a recueilli une série d’anecdotes de la vie des grands auteurs français. Il les publie dans son ouvrage intitulé Anecdotes de la vie littéraire, paru chez E. Dentu (libraire-éditeur).

Parce que,  comme le dit Alphonse Karr, « une lecture amusante est aussi utile à la santé que l’exercice du corps », vous trouverez, dans cet article, quelques-unes des anecdotes recueillies par Louis Loire concernant François de Malherbe, Pierre Corneille, Jean de La Fontaine, Molière, Nicolas Boileau, Fontenelle, Jean Racine, Voltaire, Beaumarchais, Chamfort, Charles Nodier, Mme de Staël, François-René de Chateaubriand, Alphonse de Lamartine, Alexandre Dumas père et Gérard de Nerval.

François de Malherbe

Portrait de François de Malherbe.Malherbe dînait un jour chez l’archevêque de Rouen ; sur la fin du dîner, il s’endormit. Le prélat, qui devait prêcher, l’éveille et l’invite au sermon :
– Dispensez-m’en, je vous en prie, monseigneur, dit Malherbe ; je dormirai bien sans cela.

● Voici comment Racan raconte les derniers moments de ce poète :
« Avant de mourir, il s’éveilla en sursaut pour reprendre son hôtesse — qui lui servait de garde — d’un mot qui, à son gré, n’était pas bien français ; et comme son confesseur lui en fit la réprimande, il déclara qu’il voulait défendre jusqu’au dernier soupir la pureté de la langue française. »

→ À lire : Biographie de François de Malherbe. – Les thèmes poétiques de Malherbe.

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Pierre Corneille

Portrait de Pierre Corneille.Corneille avait une mise fort négligée. Quand ses amis, qui souhaitaient le voir parfait en tout, lui faisaient remarquer ce léger défaut, il souriait et disait :
— Je n’en suis pas moins pour cela Pierre Corneille.

● Il s’est peint dans ces six vers, qui se trouvent dans un billet adressé à Pellisson :

En matière d’amour, je suis fort inégal :
J’en écris assez bien et le fais assez mal.
J’ai la plume féconde et la bouche stérile ;
Bon galant au théâtre et fort mauvais en ville ;
Et l’on peut rarement m’écouter sans ennui
Que quand je me produis par la bouche d’autrui.

→ À lire : Biographie de Pierre Corneille.

Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine par Hyacinthe Rigaud, en 1690.

La Fontaine avait reçu un billet pour assister aux obsèques d’une personne de sa connaissance.
Quelque temps après, ayant oublié que cette personne était morte, il alla chez elle pour lui demander à dîner.
— Mais mon maître est mort depuis huit jours, lui dit le domestique.
— Ah ! répondit La Fontaine, je ne croyais pas qu’il y eût si longtemps.

● Le Bonhomme, — comme on le nommait, — était plus malin que naïf, ce que beaucoup ignorent.
Ayant été invité à dîner par des financiers, qui désiraient jouir de la conversation de l’auteur des Fables, La Fontaine dégusta le fin dîner qui lui était servi en véritable appréciateur de la bonne chère, sans dire une seule parole.
Les convives espéraient qu’il les dédommagerait au dessert ; mais, ce moment arrivé, La Fontaine se lève et déclare qu’il est temps pour lui de se rendre à l’Académie.
Tout le monde est stupéfait, on lui objecte qu’il est trop tôt.
— Ah ! eh bien, je prendrai le plus long, répond-il.
Le repas était bon ; mais il paraît que les convives ne lui plaisaient guère.

● Le Bonhomme entendant plaindre le sort des damnés au milieu des flammes disait :
— Je me flatte qu’ils s’y accoutument et qu’à la fin ils sont là heureux comme le poisson dans l’eau.

→ À lire : Biographie de Jean de La Fontaine. – La Fontaine et la fable. – La fable.

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Molière

Molière disait que le mépris était une pilule qu’on pouvait bien avaler, mais qui ne pouvait guère se mâcher sans faire la grimace.

→ À lire : Biographie de Molière.

Nicolas Boileau

Portrait de Nicolas Boileau.Boileau était toujours d’une grande exactitude dans ses rendez-vous, et voici quelle était sa raison :
— Je ne me fais jamais attendre, car j’ai observé que les défauts d’un homme se présentent toujours à l’esprit de celui qui l’attend.

● Le vieux médecin Falconet, si connu par sa vaste érudition, a conté plusieurs fois qu’un jour il alla voir Boileau à sa maison d’Auteuil.
On parla des génies de la France.
— Je n’en connais que trois, s’écria l’auteur du Lutrin : Corneille, Molière
— Sans doute Racine est le troisième ? repartit Falconet en l’interrompant.
— Racine, répliqua Boileau avec humeur, n’est qu’un bel esprit, à qui j’ai appris difficilement à faire des vers ; le troisième… c’est moi.

→ À lire : Biographie de Nicolas Boileau.

Fontenelle

● Voici l’éloge qu’il faisait de La Fontaine :
— Il était si bête, qu’il ne savait pas qu’il valait mieux qu’Ésope et Phèdre.

Fontenelle, rencontrant un homme de sa connaissance qui venait de se marier, lui demanda si sa femme était jolie.
— Elle est très-aimable ; elle a de l’esprit, des lumières.
— Ce n’est pas ce que je vous demande, répliqua Fontenelle ; est-elle jolie ? Une femme n’est obligée qu’à cela.

→ À lire : Biographie de Fontenelle.

Portrait de Racine, par François de Troy.

Jean Racine

● Pendant que tous les amis de Racine le félicitaient de l’art avec lequel il avait traité un sujet aussi simple que celui de Bérénice, l’auteur demanda à Chapelle, qui seul gardait le silence, ce qu’il pensait de sa pièce, celui-ci répondit malicieusement :
— Marion pleure, Marion crie, Marion veut qu’on la marie.

→ À lire : Biographie de Jean Racine.

Voltaire

Portrait de Voltaire par Nicolas de Largillierre (vers 1724-1725) château de Versailles

● Lorsqu’il était encore très-jeune, son père lui proposait une charge de conseiller au Parlement, qu’il lui voulait acheter.
— Mon père, lui dit Voltaire, je ne veux pas d’une considération qui s’achète ; je saurai m’en faire une qui ne vous coûtera rien.

Voltaire avait un frère aîné aussi ardent pour les disputes théologiques que le cadet l’était pour celles du Parnasse.
Leur père disait, pour résumer son opinion sur ses deux enfants :
— J’ai pour fils deux fous, l’un en prose et l’autre en vers.

Voltaire demandait à d’Argenson une place à l’Académie des sciences et une place à l’Académie des inscriptions.
— Pour l’Académie des sciences, dit le ministre, attendez que Fontenelle soit mort.
— Il n’a que cent ans, s’écria Voltaire, je serai mort avant lui.
— L’Académie des sciences, passe encore, dit d’Argenson ; mais pourquoi seriez-vous de l’Académie des inscriptions et belles-lettres ?
— Pourquoi ? dit Voltaire en relevant la tête avec orgueil, parce que j’écrirai mon nom sur tous les monuments de mon siècle.

Voltaire faisait un jour l’éloge du célèbre naturaliste Haller.
Quelqu’un lui dit :
— Ces sentiments sont d’autant plus beaux de votre part que Haller dit de vous pis que pendre.
Voltaire, qui ignorait ce détail, répondit, avec son fin sourire :
— Après tout, peut-être que nous nous trompons tous les deux.

→ À lire : Biographie de Voltaire.

Beaumarchais

Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, d'après Jean-Baptiste Greuze, 1895 (Versailles, Musée du Château).

● On sait que Beaumarchais était fils d’un horloger.
Un grand seigneur le voyant passer dans la galerie de Versailles, et voulant l’humilier, s’approche et lui dit :
— Ah ! monsieur de Beaumarchais, je vous rencontre à propos : ma montre est dérangée ; faites-moi le plaisir d’y donner un coup d’œil.
— Volontiers, monsieur, mais je vous préviens que j’ai toujours eu la main extrêmement malheureuse.
Le gentilhomme insiste. Beaumarchais prend la montre et la laisse tomber.
— Oh! monsieur, que je suis désolé ; mais je vous l’avais bien dit, et c’est vous qui l’avez voulu.
Les rieurs ne furent pas du côté du gentilhomme.

● Le valet de Beaumarchais se grisait régulièrement chaque fois que son service était fini. Un matin cependant, il entra chez son maître dans un état complet d’ébriété.
— Quoi ! lui dit Beaumarchais, déjà ivre de si grand matin !
L’autre lui répond en trébuchant :
— Pardonnez-moi, monsieur, c’est d’hier soir.

→ À lire : Biographie de Beaumarchais.

Chamfort

Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort. Photo : Leemage / Imago.Chamfort étant allé se loger au Palais-Royal, Marmontel lui dit en riant que les habitantes de ce lieu étaient bien dangereuses.
— Je ressemble à la salamandre, lui répondit Chamfort ; je vis dans les flammes.

Chamfort était un fort bel homme ; à ce mérite, il enjoignait un autre : Mme la princesse de Craon disait à une de ses amies :
— Vous ne voyez en lui qu’un Adonis et c’est un Hercule !

● Lorsque Chamfort fut reçu à l’Académie française, Rivarol dit à propos de cette élection :
— C’est une branche de muguet entée sur des pavots.
« Cette branche de muguet, a dit Sainte-Beuve, avait l’orgueil du cèdre. »

● Rulhières disait un jour à Chamfort :
— On m’accuse d’avoir fait bien des méchancetés, et pourtant je n’en ai fait qu’une.
— Quand finira-t-elle ? repartit Chamfort.

● Caractérisant d’un trait l’esprit dédaigneux de Suard, il disait :
— Le goût de cet homme est le dégoût.

→ À lire : Biographie de Chamfort.

Charles Nodier

Charles Nodier par Paulin Guérin - Musée national du Château de Versailles

● Il y avait une discussion à l’Académie sur la prononciation de la lettre ; après bien des débats, un immortel, peu compétent en la matière, propose de prononcer le t comme un c quand il se trouverait entre deux voyelles. Charles Nodier, souvent caustique, lui dit :
— Mon cher collègue, prenez picié de mon ignorance, et faites-moi l’amicié de me répéter, la moicié des belles choses que vous venez de dire.

→ À lire : Biographie de Charles Nodier.

Mme de Staël

● Mme de Staël, dans une dissertation très-spirituelle, venait de juger les différents partis qui avaient successivement gouverné la France.
Tout le monde applaudissait. Bonaparte seul se taisait. Elle s’en aperçut :
— Eh bien, général, est-ce que vous n’êtes pas de mon avis ?
— Madame, je n’aime pas que les femmes se mêlent de politique.
— Vous avez raison, général ; mais, dans un pays où on leur coupe la tête, il est naturel qu’elles aient envie de savoir pourquoi.

● Mme de Staël s’écriait dans un moment d’enthousiasme un soir dans son salon :
— Quel bonheur si l’on pouvait être reine pendant vingt-quatre heures ! Que de belles choses on dirait !
Ce qui faisait faire cette réflexion au comte de Sabran :
— Elle voudrait que le monde fût un salon, et en être le lustre.

→ À lire : Biographie de Madame de Staël.

François-René de Chateaubriand

Portrait de François-René de Chateaubriand● Les embarras d’argent qui assaillirent la vieillesse de Chateaubriand le forcèrent à vendre d’avance ses Mémoires d’outre-tombe et à hypothéquer son cadavre. On lui fit une pension de 20,000 francs par an. Comme il ne mourait pas assez vite et que le marché devenait mauvais, on ne voulut plus lui donner que 12,000 francs. Il convint qu’il avait tort de tant durer et accepta la diminution.

→ À lire : Biographie de Chateaubriand.

Alphonse de Lamartine

Portrait d'Alphonse de Lamartine, par François Gérard (Baron), 1831.

● Quand, en 1832, Lamartine alla siéger à la Chambre des députés, un de ses amis lui disait :
— De quel parti serez-vous ?
— Du parti social.
— Social, lui fut-il répondu, qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est qu’un mot.
— Non, dit Lamartine, c’est une idée.
— Mais encore, où siégerez-vous ? Il n’y a place pour vous sur aucun des bancs de la Chambre.
— Eh bien, répliqua-t-il avec un demi-sourire confiant et moqueur, je siégerai au plafond.
Et de fait, jusqu’en 1848, Lamartine fut toujours seul de son parti.

→ À lire : Biographie d’Alphobse de Lamartine. – Lamartine : Qu’est-ce que l’histoire ?

Honoré de Balzac

Portrait d'Honoré de Balzac.● Il donna bien du tourment à Balzac, ce mur ; on le reconstruisit cinq ou six fois, et toujours il s’effondrait chez le voisin.
Enfin Balzac finit par acheter le morceau de terrain dans lequel son mur se plaisait tant à se coucher.
Le jour où cette affaire fut conclue, il disait avec satisfaction à son ami Gozlan :
— C’est cher, mais cet égal, on est toujours bien heureux de pouvoir s’écrouler chez soi : mon pauvre mur pourra du moins mourir dans son lit.

● Quelqu’un disait à Balzac :
— On croit que vous êtes millionnaire. Tout Paris prétend que vous possédez un million, un million que vous cachez.
— Ah ! je possède un million ! s’écrie-t-il en couvrant de ses yeux solaires son interlocuteur ; ah ! je cache un million ! Eh bien, oui, je cache un million…
Et il ajouta :
— Dans un pot à beurre.
Et son doigt, courbé en serre d’oiseau, indiquait l’orifice du pot à beurre où il avouait avoir enterré son million.

Balzac fit deux tentatives pour entrer à l’Académie. Quand le docte aréopage dut délibérer, on donna pour prétexte du refus « qu’il n’était pas dans un état de fortune convenable. »
« Puisque l’Académie ne veut pas maintenant de mon honorable pauvreté, écrivit à cette occasion Balzac à Charles Nodier, il faudra bien que plus tard elle se passe de mes richesses. »

→ À lire : Biographie d’Honoré  de Balzac.

Alexandre Dumas père

Alexandre Dumas sortant de déjeuner chez un ministre, rencontre un ami qui lui demande comment s’est passé ce déjeuner.
— Bien, répondit Dumas, mais sans moi je m’y serais cruellement ennuyé.

● Une grande dame, indignée du langage que Dumas prêtait à une femme du monde dans un de ses romans, lui disait :
— Mais où. donc, monsieur Dumas, avez-vous vu les dames titrées que vous mettez en scène ?
Et le romancier de répondre avec sa bonhomie habituelle :
— Chez moi, madame.

→ À lire : Biographie d’Alexandre Dumas père.

Gérard de Nerval

Photographie de Gérard de Nerval par Félix Nadar

● Il était d’une extrême bonté, ce pauvre grand écrivain, qui mourut d’une mort si affreuse.
Déjeunant un jour dans un café à la mode, il aperçoit sur son assiette un cloporte :
— Garçon ! s’écrie-t-il, dorénavant, vous me servirez les cloportes à part.

● Lorsqu’il eut sa maladie cérébrale, on le confia aux soins du docteur Blanche. Quand on lui demandait :
— Qu’avez-vous ?
— Une fièvre chaude, compliquée de médecins.

→ À lire : Biographie de Gérard de Nerval.

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