Les cabarets littéraires

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Les cabarets littéraires

Le soir il y eut un grand souper chez Joassant, qui représenta le dernier cabaret de la littérature. C’était un endroit rue de Grenelle−Saint-Honoré, en face du passage Véro-Dodat, où passaient la nuit ceux qui revenaient tard des théâtres et des journaux.

(Champfleury, Les Aventures de Mlle Mariette,1853, p. 88)

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💡Un cabaret littéraire est un petit établissement de spectacle où l’on peut parfois prendre des repas, consommer des boissons, danser, et où se réunissent des gens de lettres, des artistes.
→ À lire aussi : Les salons littéraires. – Les cafés littéraires.

Présentation

Un cabaret littéraire est un spectacle de divertissement composé de chansons et de saynètes, mené par un présentateur. Le terme cabaret, qui signifiait initialement une taverne ou une auberge, désigne également l’établissement où se déroule ce type de spectacle : le plus souvent un lieu intime, comme un club ou un café, où les spectateurs dînent ou consomment.

💡 Origines des cabarets
Les spectacles accompagnant repas ou boissons sont appréciés depuis les origines des sociétés urbanisées. Parmi les ancêtres du cabaret moderne figurent les prestations des bouffons de cour, des comédiens ambulants, des musiciens et des amuseurs de tavernes. Le mélange de chansons populaires, de variétés et de sketches s’est développé en Europe à la fin du XIXe siècle, lorsque divers styles de cabaret sont apparus en France, en Allemagne et en Russie. Aux États-Unis, le terme cabaret désigne une forme de divertissement musical, destiné à un public restreint et exclusivement urbain.

À toutes les époques, il y a eu des lieux de réunion pour les esprits qu’un amour commun des choses de l’intelligence pousse à l’échange des idées par le jeu de la causerie et le mouvement de la discussion.

Dans l’ancienne Rome, c’est sous les portiques, aux salles de bains, aux jardins publics, que se réunissaient et conversaient les hommes livrés au culte des lettres. En France, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les beaux esprits et les esprits distingués se trouvent rassemblés dans les salons. Mais dès le XVe siècle on voit des poètes fréquenter le cabaret, et y puiser une inspiration facile, qui se sentait souvent « des lieux où fréquentait l’auteur ».

Les cabarets deviennent ensuite le rendez-vous ordinaire des poètes et des écrivains, avant que les salons ne s’ouvrissent pour les recevoir. Et à l’époque même où Paris leur offre de toutes parts des salons et des ruelles, beaucoup d’entre eux, par indépendance de caractère, préfèrent à l’étiquette de la haute société la liberté du cabaret, qui va bientôt remplacer du reste la réunion moins mêlée, mais non moins libre, du café.

→ À lire aussi : Les salons littéraires. – Les cafés littéraires. – Hôtel de Rambouillet.

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Le cabaret littéraire de la Pomme-de-Pin

C’est la Pomme-de-Pin, située près du pont Notre-Dame, dans la Cité, qui a la plus ancienne renommée de cabaret littéraire. Elle existe déjà au temps de François Villon, et personne n’ignore que Villon, « tout aux tavernes et aux filles, » passe une grande partie de son temps chez les taverniers, avec ses compagnons, les écoliers « povres housseurs ». La Pomme-de-Pin a sans doute la visite de Pierre Gringoire et des Enfants-sans-souci, pour qui il écrit. Il est probable aussi que François Rabelais s’y est arrêté plus d’une fois. Mathurin Régnier l’a glorifiée dans la peinture du nez authentique de son pédant :

Où maints rubis balez, tous rougissans de vin,
Montraient un hac itur à la Pomme-de-Pin.

Le même cabaret est, dans la première moitié du XVIIe siècle, l’endroit préféré des poètes « rouge trongne » et « goinfres », dont Saint-Amant est resté le type fameux. Ce dernier y a pour compagnon fidèle Faret, si connu par un vers de L’Art poétique de Nicolas Boileau, et qui prétend, suivant Pellisson, devoir une grande partie de sa réputation bachique à ce que son nom offre une excellente rime à cabaret. Parmi ceux qui suivent Saint-Amant et Faret, à la Pomme-de-Pin, on cite surtout :

  • Pierre Bardin, de l’Académie française, qui se noie en voulant sauver d’Humières, son élève, et dont Chapelain a dit, « que les vertus se noyèrent avec lui » ;
  • Carpentier de Marigny, l’auteur de piquantes Mazarinades ;
  • Pierre de Boissat, plus fameux par ses duels que par son Histoire Négro-pontine et son titre d’académicien ;
  • Vion Dalibray, le poète qui crible le parasite Montmour de ses épigrammes ;
  • Gilot, « le roi de la débauche » ;
  • René de Maricourt, auteur d’un Traité de la chasse et gentilhomme de la chambre du roi, qualifié de « noble ivrogne » par ses amis.
Le cabaret littéraire de la Croix-de-Lorraine

De tous les cabarets littéraires, celui qui est le plus fameux après la Pomme-de-Pin est la Croix-de-Lorraine. Il était situé sur la place du Cimetière-Saint-Jean. C’est dans la seconde moitié du XVIIe siècle qu’il a surtout la vogue. Son habitué le plus ordinaire est Chapelle👤. On y voit aussi Jacques Vallée Des Barreaux👤, David du Petit-Val👤, etc.

Chapelle, qui fait partie des réunions intimes de Nicolas Boileau, Molière, Jean Racine et Jean de La Fontaine, rue du Vieux-Colombier, les engage à transporter leurs séances et leurs soupers à la Croix-de-Lorraine. C’était vers l’époque de la brouille entre Racine et Molière. Celui-ci va fort rarement au nouveau lieu choisi pour les réunions. On sait, cependant, par Chapelle qu’il y assiste quelquefois, et que, malgré sa sobriété, il lui arrive de boire assez « pour, vers le soir, être en goguettes ». On sait que Chapelle parvient à enivrer Boileau même, au moment où celui-ci lui prêche la sobriété.

La tradition rapporte que les Plaideurs sont en grande partie composés à table à la Croix-de-Lorraine, et que Chapelle fournit à Racine quelques-uns des meilleurs traits de sa pièce. Durant les réunions, la Pucelle de Chapelain était placée sur la table, et celui qui a enfreint quelque statut de la société, devait en lire un certain nombre de vers. Les illustres amis s’assemblent souvent aussi au cabaret du Mouton-Blanc, situé de même place du Cimetière-Saint-Jean. C’est dans ce dernier qu’aurait été mis au jour le Chapelain décoiffé, suivant une tradition assez croyable. À cette époque, Antoine Furetière👤 fait partie de la société, qui reçoit en outre le duc de Vivonne, le chevalier de Nantouillet et quelques autres courtisans. Les réunions cessent vers 1665 ; mais Chapelle ne renonce pas pour cela au cabaret. Il y vit plus que jamais, et tombe des cabarets littéraires dans des tavernes de bas étage.

Notices biographiques
👤 Chapelle (1626-1686)
Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle, né en 1626 ou 1627 dans le faubourg parisien de La Chapelle-Saint-Denis, et mort en 1686, est un homme de lettres français du Grand Siècle, resté dans l’histoire littéraire pour avoir été l’ami intime de trois auteurs majeurs de l’époque : Cyrano de Bergerac, D’Assoucy et Molière.
👤 Jacques Vallée Des Barreaux (1599-1673)
Jacques Vallée, seigneur des Barreaux, né le 6 décembre 1599 à Châteauneuf-sur-Loire et mort le 9 mai 1673 à Chalon-sur-Saône, est un poète et épicurien français. Il est lié avec les beaux esprits de son temps : Jean-Louis Guez de Balzac, Chapelle, René Descartes et Théophile de Viau, qui lui adresse son poème Plainte à un sien ami.
👤 David du Petit-Val (159.?-1658)
Il est le fils de Raphaël du Petit-Val dont il obtient la survivance comme imprimeur ordinaire du Roi par lettres de provision dès le 25 juin 1609. Jusqu’en 1626, il publie parfois sous le nom de son père. Poète, chaque année, il est primé au concours des Palinods de Rouen de 1624 à 1633.
👤 Antoine Furetière (1619-1688)
Antoine Furetière, né le 28 décembre 1619 à Paris où il est mort le 14 mars 1688, est un homme d’Église, poète, fabuliste, romancier et lexicographe français.

Autres cabarets littéraires
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Il y a, en général, dans les maisons fréquentées par les écrivains au XVIIe siècle un luxe et une apparence de bon ton qui les mettent bien au-dessus des simples tavernes et les rendent plus semblables aux cafés d’aujourd’hui qu’aux lieux auxquels on a conservé le nom de cabarets. Les maisons qui ont la vogue à la fin du siècle et la gardent encore au commencement du suivant, celle de Forel près du Théâtre-Français, celle de Rousseau dans la rue d’Avignon, le cabaret de la Guerbois aux environs de la butte Saint-Roch, sont en tout point dignes de recevoir les sociétés qui s’y réunissent. Celles-ci se composent de poètes et de financiers, deux classes qui sont au mieux à cette époque. Guillaume Amfrye de Chaulieu👤 et Charles-Auguste de La Fare👤 en sont surtout l’ornement. Ils y unissent à la facilité des mœurs la gaieté et l’aimable badinage de leurs vers. Nous rappellerons enfin le cabaret du restaurateur Landelle, au carrefour Bussy, ou se réunissent Charles Collé, Alexis Piron, Pierre Gallet, Bernard-Joseph Saurin, Louis Fuzelier, etc., et qui sous le nom de Caveau est resté célèbre dans l’histoire de la chanson.

Il y a en outre plusieurs grands seigneurs, dont les plus connus sont le marquis de Laval et le gros comte d’Harcourt, qui, dans la gaieté de ces réunions de francs buveurs, n’est plus appelé que « le Rond ». Toute cette société fréquente aussi le cabaret du Cormié, rue des Fossés-Saint-Germain, et celui de la Fosse-aux-Lions, tenu par la Coiffier, célèbre pâtissière, qui a la première l’idée de traiter à tant par tête.

Vers la même époque ou peu après, Guillaume Colletet, pour se délasser des conversations poétiques du cardinal de Richelieu, va « chopiner » à la Croix-de-Fer, petit cabaret de la rue Saint-Denis. Benserade, aussi souvent qu’il le peut, quitte la gêne de la cour pour le cabaret du Bel-Air, près le Luxembourg, où il passe des journées entières à faire des bouts-rimés avec Hugues de Lionne, qui devient un des plus remarquables diplomates, ou bien à écrire de petits vers que le compositeur Lambert, homme d’esprit et bon convive, a mis en musique sur la table même. Mézeray, qui est conduit à la goutte par « la fillette et la feuillette », s’habitue si bien au cabaret de Lefaucheur, à La Chapelle Saint-Denis, qu’il finit par y établir son cabinet de travail, et qu’il fait du cabaretier son ami et son légataire universel. Au nombre des écrivains qui sont, au moins pendant quelques années, les hôtes assidus des cabarets, il ne faut oublier ni François Le Métel de Boisrobert, ni Jean de Mairet, ni Scarron.

Il ne faut pas omettre non plus, parmi les cabarets de renommée, l’Écu d’argent, dans le quartier de l’Université ; le Panier-Fleury, rue Tirechappe ; les Bons-Enfants, près du Palais-Royal ; le Petit-Panier, rue Troussevache ; le Chesne-Verd, à côté du préau du Temple ; le Petit-More, à Vaugirard ; la maison de la Duryer, à Saint-Cloud.

Notices biographiques
👤 Guillaume Amfrye de Chaulieu (1639-1720)
Guillaume Anfrie (ou Anfrye), abbé de Chaulieu, né à Fontenay-en-Vexin au Domaine de Beauregard en 1639 et mort à Paris le 27 juin 1720, est un poète français. Il excellait dans le genre des « vers de société ». Fontenay et la Retraite sont parmi les mieux connues de ses poésies d’inspiration anacréontique. Ses travaux ont été édités avec ceux de son ami le marquis de La Fare en 1714, 1750 et 1774.
👤 Charles-Auguste de La Fare (1644-1712)
Charles-Auguste, marquis de La Fare, comte de Laugères, baron de Balazuc, né à Valgorge dans le Vivarais en 1644 et mort à Paris en 1712, est un poète et mémorialiste français. Il fréquente les salons littéraires et les fêtes des Grandes Nuits de Sceaux de la duchesse du Maine, membre des chevaliers de l’Ordre de la Mouche à Miel, au Château de Sceaux.

Articles connexes

Suggestion de livres


L’histoire du dernier des cabarets littéraires

Le cabaret du Chat Noir à Montmartre (1881-1897)

Les cafés politiques et littéraires de Paris

Denis Diderot – Salons : Salon de 1767

Salons européens

Le Salon de Madame Truphot

Le Salon Littéraire, 1842

Salon littéraire et narratif, 1843
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