La chanson

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La chanson

La nuit embaumait les amandiers en fleurs. Tout le printemps montait de la terre, et les cafés faiblement éclairés du faubourg retentissaient de rires et de chansons.

(Louis Aragon, Les Beaux Quartiers, 1936, p. 300)

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Qu’est-ce que la chanson ?

La chanson est une petite pièce de vers qui se chante sur un air auquel elle est si intimement liée que musique et paroles restent inséparables. Toute poésie est susceptible d’être chantée, la poésie lyrique surtout, dont le nom rappelle l’instrument de musique (la lyre) qui en soutenait l’inspiration. Mais peu à peu, dans les divers genres, la musique et la poésie se sont séparées l’une de l’autre, pour ne plus se rencontrer qu’accidentellement. Leur alliance n’est restée indissoluble que dans la chanson. Une ode, un dithyrambe💡, une élégie, une complainte peuvent être mis en musique. Ils n’en ont pas moins été écrits, du moins chez les peuples modernes, pour être lus, déclamés, et non pour être chantés. Les Méditations d’Alphonse de Lamartine, malgré l’admirable musique composée par Louis Niedermeyer pour quelques-unes, ne sont pas des chansons.

💡 Un dithyrambe
Dans l’Antiquité grecque, un dithyrambe est un poème lyrique en l’honneur de Dionysos, sans doute improvisé à l’origine par les buveurs en délire, chanté par un chœur d’hommes déguisés en satyres, et caractérisé par une verve, un enthousiasme exubérants et désordonnés.
Par extension, c’est un poème lyrique exprimant l’enthousiasme. Au sens figuré, souvent péjoratif, il s’agit d’un éloge enthousiaste, souvent excessif, pompeux et emphatique.
→ À lire : Le dithyrambe.

La chanson a un caractère ordinairement badin, léger, amusant, délicat, satirique ou touchant, quelquefois même pieux ou élevé, où l’on exprime par le chant une pensée ou un sentiment qu’on cherche à rendre populaire. De nos jours, la chanson a élevé de nouveau le ton et s’est rapprochée de l’ode, soit dans les hymnes nationaux qui forment un groupe à part, soit dans les couplets philosophiques ou patriotiques de Béranger qui a tant reculé les limites du genre. De plus, elle peut traiter toutes sortes de sujets. Dans ce cas-là, il est nécessaire donc qu’elle puisse prendre tous les tons. La chanson se divise en stances ou strophes qui prennent le nom de couplets séparés le plus souvent par un refrain.

→ À lire : L’ode. – Le dithyrambe. – L’élégie. – La complainte. – La comptine. – La poésie lyrique. – Les thèmes lyriques. – La villanelle.

Le caractère de la chanson

La chanson, inspirée par le plaisir, prend, pour le chanter, une allure plus vive, une marche plus légère. Elle demande un esprit délié, une imagination enjouée, une douce sensibilité. Le moyen d’y exceller est d’unir une naïveté délicate à une piquante originalité. Ce genre de poésie doit présenter une suite d’idées naturelles et piquantes, d’images douces et gracieuses. Il faut que le style en soit léger, les expressions choisies et toujours exactes, la marche libre, les vers faciles et coulants, sans que les tours aient rien de forcé ; enfin, que tout y soit fini, sans que le travail s’y fasse sentir.

Le couplet et le refrain
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Les couplets doivent suivre, dans la chanson, les mêmes règles que les strophes de l’ode, avec cette différence que, dans les premiers, il est beaucoup plus facile d’admettre des licences. Chaque couplet doit être terminé par une pensée fine et saillante, ou un sentiment délicat. Il y en a qui ont un refrain, c’est-à-dire que chaque couplet finit par les mêmes vers.

Le refrain, qui doit être facile à retenir et à chanter, plaît beaucoup dans la chanson, et lui donne plus de grâce et de mérite. Il doit contenir le résumé frappant du sentiment de la pièce, l’idée principale de la chanson ; et cette idée doit être saillante, toujours liée naturellement avec celles qui la précèdent dans chaque strophe, et toujours amenée avec art.

Les types de chansons

La chanson n’a point de caractère fixe. Elle prend toujours tour à tour, d’après le sujet, celui de l’épigramme ou de la satire, du madrigal, de l’élégie, de la pastorale, de l’ode héroïque, et même de l’ode sacrée. De là, nous distinguons les chansons religieuses, les chansons nationales, patriotiques ou guerrières, les chansons satiriques ou vaudevilles, les chansons pastorales, les chansons bachiques, les chansons érotiques et la romance.

La chanson religieuse

La chanson religieuse est celle qui roule sur des sujets de religion et de piété. Destinée à exprimer la gaieté et la joie, à récréer l’esprit, à toucher le cœur par de gracieuses images, la chanson, infidèle à sa mission, s’inspire trop souvent de souvenirs dangereux et de peintures licencieuses. C’est pour faire contrepoids à ce désordre qu’elle est quelquefois consacrée aux souvenirs de l’innocence, aux saintes joies de la vertu, aux allégresses d’une bonne conscience. Saint François d’Assise, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse, Fénelon ont composé des chansons sur des sujets de piété. Ce qui distingue la chanson religieuse du cantique, c’est que celui-ci, étant destinée à être chantée en chœur dans le lieu saint, doit toujours être grave et sérieux ; tandis que l’autre, qui doit être chantée parmi les beautés de la campagne, demande un ton moins grave, une mesure plus vive, une versification plus légère. En voici un exemple :

Bénissez le Seigneur suprême,
Petits oiseaux, dans vos forets ;
Dites sous ces ombrages frais :
`Dieu mérite qu’on l’aime !

Dans ces beaux lieux tout est fertile ;
J’y vois des fruits, j’y vois des fleurs,
Et je dis en versant des pleurs :
Je suis l’arbre stérile !

On peut citer comme modèles de chansons religieuses : l’Église de campagne et la Pauvre Lidwine, par Angélique Gordon ; le Voyageur par Béranger ; et le Bon Dieu du petit enfant.

→ À lire : Le cantique.

La chanson patriotique ou guerrière
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La chanson patriotique, nationale ou guerrière, est celle qui célèbre les gloires de la patrie, les hauts faits des grands capitaines, les victoires de l’armée. La chanson alors, inspirée par le sentiment élevé de la gloire et de l’amour de la patrie, ne se distingue pas de l’ode. Elle en a les accents, la force, la chaleur et l’élévation. Une des plus célèbres chansons de ce genre est le Chant de guerre de l’armée de Rhin, dont les paroles et la musique ont été composées en 1792, à Strasbourg, par Rouget de l’Isle, officier du génie. Les Marseillais, venus à Paris pour la seconde fête annuelle de la fédération, ayant fait connaître ce chant dans cette ville, on lui donna leur nom qu’il a toujours conservé, à savoir La Marseillaise. Béranger a fait plusieurs chansons nationales et militaires.

→ À lire : Les symboles de la République française » La Marseillaise.
→ Exercice à trous : La Marseillaise.

La chanson satirique ou vaudeville

On appelle chanson satirique ou vaudeville, celle qui critique les travers, les défauts, les actions répréhensibles, les mœurs irrégulières. Les événements remarquables par leur singularité ou leur importance sont aussi du domaine de la chanson satirique. La pensée qui termine chaque couplet doit être surtout être vive, piquante, avoir même quelque chose de caustique et de mordant. Mais il faut bien se garder de passer les bornes d’une critique fine et d’une raillerie délicate. On doit se contenter d’attaquer les vices et les ridicules généraux, sans donner dans l’odieux des personnalités. C’est uniquement par là que ces sortes de chansons peuvent être de quelque avantage à la société. Le sujet en est simple et le style familier. Voici un couplet d’un vaudeville de Panard :

Le perroquet et l’acteur
Tous deux récitent par cœur :
Voilà la ressemblance.
Devant le public assemblée,
L’un siffle, l’autre est sifflée :
Voilà la différence.

La romance

La romance, qui tient de l’élégie et de l’ode gracieuse, est une chanson tendre ou plaintive, presque toujours avec refrain, et ayant pour une sujet une histoire tragique ou touchante, un regret, une plainte, un souvenir douloureux, une aventure amoureuse. C’est l’élégie de la chanson. Elle rejette toute recherche d’esprit, l’esprit étant l’écueil du langage du cœur. Son caractère est la naïveté ; tout doit y être en sentiment ; et le style doit en être simple, naturel et délicat.

La timide romance exhale mollement
Une plainte sans art, fille du sentiment ;
Elle aime à parcourir le domaine des larmes.
Et doit à l’élégie une part de ses charmes.

La romance présente trop souvent un danger réel : c’est d’amollir le cœur et de l’accoutumer à une espèce de sensiblerie pour des choses futiles, et à une insensibilité trop fréquente pour des malheurs vraiment dignes de compassion.

→ À lire : La romance.

Influence de la chanson

La chanson, et surtout la chanson patriotique, a toujours exercé une grande influence sur les peuples. Plus d’une victoire même a dû être attribuée à des chansons guerrières. En France, la Chanson de Roland a servi jusqu’à la bataille de Poitiers, à animer le soldat dans le combat. Les sectaires et les révolutionnaires se sont souvent servis de la chanson comme moyen de propagande, depuis Arius, les Vaudois, les Albigeois, jusqu’à Luther et à la Révolution française qui s’est résumée dans la Marseillaise. De tous les peuples de l’Europe, le peuple français est celui dont le naturel est plus porté à ce genre léger de poésie. La galanterie, le goût du plaisir, la vivacité, la gaieté, le penchant à la satire, qui les caractérisent, ont produit des chansons ingénieuses dans tous les genres.

Fille aimable de la folie,
La chanson naquit parmi nous ;
Souple et légère elle plie
Au ton des sages et des fous.

On peut assurer, l’histoire à la main, qu’il n’y a pas eu en France un seul événement public, de quelque nature qu’il fût, qui n’ai été la matière d’un couplet ; et rien n’est plus vrai que ce vers :

Le Français rit de tout, même de ses malheurs.

Ainsi la Ligue et la Fronde font éclore des milliers de chansons pleines de sel et de traits heureux. Celles du temps de Louis XIV ont plus de finesse et de grâce que les refrains de la Fronde et le sel en est moins âcre. Quoi de plus plaisant et de plus gai que ce couplet sur Villeroi, fait prisonnier dans Crémone :

Palsambleu, la nouvelle est bonne,
Et notre bonheur sans égal ;
Nous avons recouvre Crémone,
Et perdu notre général.

Ce tour d’esprit n’a rien de perdu dans la suite, et est toujours resté le même en France : témoin ce couplet sur la déroute de Rosbach, si prompte et si imprévue ; c’est le général qui parle :

Mardi, mercredi, jeudi,
Sont trois jours de la semaine ;
Je m’assemblerai le mardi ;
Mercredi, je fus en plaine ;
Je fus battu le jeudi.
Mardi, mercredi, etc.

Nous aurions pu nommer, parmi les trouvères chansonniers du Moyen Âge, Raoul de Coucy, mort au siège de Saint-Jean-d’Acre (actuellement Acre) ; Maurice et Pierre de Craon (Mayenne) du XIIe siècle ; Thibaut de Champagne et Audefroy-le-Bastard, du XIIIe siècle. Leurs chansons, aujourd’hui très recherchées, sont trop souvent licencieuses. Nous devons adresser le même reproche au chansonnier du XIXe siècle, Béranger (surnomme « chansonnier national »), qui, dans presque toutes ses poésies, outrage la morale et la religion. Il chante le vin et le plaisir ; il se jette dans la satire politique ; il manie l’ironie voltairienne ; il célèbre les gloires ou déplore les malheurs de la patrie ; il s’abandonne à des effusions intimes ; il traite en poète les questions brûlantes de philosophie sociale. Tout cela sans que le couplet de chanson tourne à la strophe et sans s’affranchir du refrain. Autour de Béranger, il serait injuste d’oublier ses contemporains Désaugiers, Armand Gouffé, Ourry, Rougemont, Étienne, Brazier, Debraux, et les autres membres du Caveau ; et puis Pierre Dupont, Nadaud, sans compter les auteurs de paroles de romances. Nous mettons aussi à part des chansonniers de profession les poètes lyriques, dont les inspirations, d’abord indépendantes de tout concours musical, ont servi de thème à des compositions mélodiques et leur ont dû parfois un regain de popularité.

La chanson ne s’est développée nulle part autant qu’en France, où elle semble un produit spontané du génie national. Nous la retrouverons, chez les autres nations, comme une branche de la poésie lyrique, sous divers noms : en Italie, canzone ; en Provence, sirvente ; en Allemagne, lied, etc.

Vocabulaire de la chanson
  • Barcarolle (n.f.) : Chanson italienne rythmée chantée à Venise par les gondoliers. Par extension, air de musique instrumentale ou vocale fondé sur ce rythme ternaire, très en vogue à l’époque romantique.
  • Berceuse (n.f.) : Chanson ou rythme cadencé imitant le mouvement d’un berceau, aux sonorités douces et monotones que l’on fredonne pour endormir les enfants.
  • Cantilène (n.f.) :
    • Vieilli. Chant parfois opposé comme chant profane au motet, chant religieux.
    • Littérature médiévale. Poème lyrico-épique, de forme relativement brève, destiné à la psalmodie publique.
    • Poème de forme brève, d’inspiration lyrique et aux harmonies douces. Par extension, romance simple et monotone, du ton de la complainte. Par métonymie, mélodie apparentée à celle de la cantilène.
  • Cantique (n.m.) : Chant d’action de grâces à la gloire de Dieu. Par extension, chant en langue vulgaire chanté dans les offices religieux.
  • Carmagnole (n.f.) : Chanson dont on chantait le refrain en dansant en rond, sa danse.
  • Chanson (n.f.) : Petite composition chantée, de caractère populaire, d’inspiration sentimentale ou satirique, divisée en couplets souvent séparés par un refrain.
  • Chansonnier (n.m.)
    • Vieilli. Celui qui composait des chansons (paroles et musique). – Emploi adjectival : Un poète, un trouvère chansonnier ; une nation chansonnière.
    • Courant : Artiste qui chante ou dit des couplets satiriques ou humoristiques de sa composition dans les cabarets, les cafés, un caveau.
    • Recueil de chansons.
  • Chansons, airs à boire : Chansons que l’on chante à la fin d’un repas et dans lesquelles on célèbre le vin.
  • Chanson de table : Chanson chantée pendant les repas ; chanson qui a un caractère léger.
  • Complainte (n.f.) :
    • Chant plaintif ; lamentations.
    • Chanson populaire à déroulement généralement tragique et ayant pour thème un sujet pieux ou les faits et gestes d’un personnage légendaire.
  • Comptine (n.f.) : Chanson enfantine au rythme scandé servant à déterminer le rôle des participants à un jeu.
  • Couplet (n.m.) : Strophe d’un texte chanté.
  • Hymne (n.m.) :
    • [Chez les Anciens] Chant ou poème composé en l’honneur d’un dieu ou d’un héros et souvent intégré dans une liturgie.
    • [Dans la tradition chrétienne, le plus souvent au féminin] Poème qui célèbre la gloire de Dieu et qui, dans la liturgie romaine, est un élément de l’office divin ou de la messe.
    • Domaine profane, le plus souvent au masculin : Chant ou poème lyrique célébrant une personne, un sentiment, un événement, une chose. En particulier, chant solennel célébrant la patrie et ses défenseurs.
  • Refrain (n.m.) : Répétition d’un ou plusieurs mots, d’un ou plusieurs vers à la fin de chaque couplet d’une chanson, d’un poème. Par métonymie, Chanson à refrain ; chanson en général. Au figuré, répétition de paroles, d’actes. Synonymes : rengaine, ritournelle.
  • Rengaine (n.f.) : Refrain populaire, connu de tous ; chanson qui lasse à force d’être ressassée.
  • Ritournelle (n.f.) : Chant ou chanson à refrain, facile et monotone.
  • Romance (n.f.) :
    • Littérature/Musique : Pièce de vers, d’inspiration populaire, naïve, qui traite de sujets élégiaques, amoureux et qui peut être mise en musique. Par métonymie, air sur lequel (peut) se chante(r) cette composition poétique.
    • Courte pièce vocale d’un style assez élevé, généralement divisée en couplets et refrains, et portant sur des sujets tendres, mélancoliques. Parfois péjoratif, chanson populaire, d’un caractère généralement sentimental, émouvant (jusqu’à l’excès).
  • Scolie (n.m.) : [Antiquité] Chanson de table chez les anciens Grecs.
  • Séguedille (n.f.) :
    • Danse populaire andalouse, à trois temps vifs, caractérisée par un rythme marqué par les castagnettes, durant quatre mesures, entre les couplets chantés.
    • Musique et chant qui accompagnent cette danse.
  • Tyrolienne (n.f.) : Air populaire des Alpes du Tyrol exécuté en jodlant.
  • Villanelle (n.f.) : [Aux XVe et XVIe siècles] Chanson à danser d’inspiration populaire et pastorale.
Syntagmes
  • Chanson à boire, de guerre, de marche, de noce, de table, des trépassés.
  • Chanson de conscrit, de corsaire, de cow-boys, des faneuses, des lavandières, de marins, de nourrice, du pêcheur, des rameurs, du régiment, des vendanges.
  • Chanson comique, courtoise, érotique, funèbre, gaillarde, langoureuse, libertine, naïve, patriotique, réaliste, révolutionnaire, triste.
  • Chanson bretonne, de café-concert, gitane, tzigane.
  • Ancienne, belle, charmante chanson.
  • Recueil de chansons.
  • Entonner, fredonner, siffler une chanson.

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