Victor Hugo : Ruy Blas (1838)

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Ruy Blas (1838)

– Victor Hugo –

Victor Hugo
Photoglyptie de Victor Hugo, par Étienne Carjat, 1876.Victor Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain français et chef de file du Romantisme français. Il est considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française. Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a eu un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l’histoire des lettres françaises au XIXe siècle. [Lire la suite de sa biographie]

Présentation

Ruy Blas est un drame en cinq actes et en vers de Victor Hugo, joué pour la première fois en 1838 à la Comédie-Française. Cette œuvre est emblématique du drame romantique, un genre que Hugo a contribué à populariser.

Le rôle-titre, créé par le grand acteur des boulevards Frédérick Lemaître, a été repris en 1879 par Mounet-Sully (Sarah Bernhardt jouait la reine), en 1954 par Gérard Philipe dans la mise en scène de Jean Vilar au TNP, et par Lambert Wilson en 1992 dans celle de Georges Wilson aux Bouffes du Nord.

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→ À lire aussi de Victor Hugo : Préface de Cromwell (1827). – Hernani (1830). – Notre-Dame de Paris (1831). – Les Contemplations (1856).

Résumé de l’intrigue

Pour se venger de la reine d’Espagne, Don Salluste veut la déshonorer. N’ayant pu obtenir ce service de son cousin Don César, gentilhomme devenu bandit, il l’envoie au bagne, et lui substitue Ruy Blas, laquais amoureux de la reine. Cette dernière, délaissée par le roi incapable, pousse en secret Ruy Blas au faîte du pouvoir. Devenu premier ministre, il tance vertement les ministres qui ne pensent qu’à se partager le bien public. Après le duo d’amour entre la reine et Ruy Blas surgit Don Salluste, qui veut exécuter son plan machiavélique. La situation semble un temps sauvée par le retour comique de Don César. La reine tombe malgré tout dans le piège en se rendant à un rendez-vous compromettant que Ruy Blas n’a pu faire annuler. Surprise par Salluste, elle est perdue. Se rebellant, le laquais tue son maître et avoue son identité à la reine ; d’abord ulcérée, elle lui pardonne et l’appelle par son vrai nom au moment où, s’étant empoisonné, il rend son dernier souffle.

Estampe de Jean-Baptiste Julien Caboche pour Ruy Blas de Victor Hugo, Paris : Théâtre de la Renaissance, 08-11-1838.

⬆ Estampe de Jean-Baptiste Julien Caboche pour Ruy Blas de Victor Hugo, Paris, Théâtre de la Renaissance, 08-11-1838.

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Personnages principaux

Ruy Blas : Le personnage principal, un jeune homme d’origine modeste, valet de Don Salluste. Il est noble d’esprit et tombe amoureux de la reine d’Espagne.

Don Salluste de Bazan : Un grand d’Espagne, ennemi juré de la reine, qui élabore un plan machiavélique pour se venger en utilisant Ruy Blas.

La Reine d’Espagne : Elle est au centre du complot de Don Salluste. Elle finit par tomber amoureuse de Ruy Blas, croyant qu’il est un noble.

Don César de Bazan : Le cousin de Don Salluste, un noble aventurier et bon vivant. Don Salluste utilise son identité pour faire passer Ruy Blas pour un grand d’Espagne.

Don Guritan : Un vieux et fidèle serviteur, amoureux de la reine, qui tente de la protéger et d’alerter sur les manigances de Don Salluste et Ruy Blas.

Don Manuel Arias : Un ministre du roi, un personnage secondaire qui participe aux intrigues de la cour.

Montazgo : Le secrétaire de Don Salluste, complice de ses machinations.

Covadenga : Un autre ministre, impliqué dans les affaires politiques de la cour.

Le Comte de Camporeal : Un noble espagnol, impliqué dans les intrigues de la cour.

Don Antonio Ubilla : Un autre noble espagnol, membre de la cour royale.

Casilda : La suivante de la reine, qui joue un rôle secondaire dans la cour.

Ces personnages forment le cadre de l’intrigue de Ruy Blas, où les intrigues de pouvoir, les amours contrariées et les drames personnels se mêlent pour créer une œuvre riche en émotion et en tension dramatique.

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Thèmes principaux

Ruy Blas de Victor Hugo aborde plusieurs thèmes principaux, typiques du drame romantique et caractéristiques de l’œuvre de Hugo. Voici les principaux thèmes explorés dans la pièce :

La dualité sociale
Le contraste entre les classes sociales est un thème central de la pièce. Ruy Blas, bien que d’origine modeste, possède des qualités exceptionnelles qui le distinguent et lui permettent de s’élever dans la société. Cependant, ses origines le rattrapent et il est finalement piégé par les préjugés de son époque.

L’amour impossible
L’amour entre Ruy Blas et la reine d’Espagne est marqué par l’impossibilité et la tragédie. Leur amour est voué à l’échec en raison des différences de statut social et des intrigues de la cour. Cet amour impossible est un motif récurrent dans le romantisme, illustrant les tensions entre le désir personnel et les contraintes sociales.

La vengeance et la manipulation
Don Salluste de Bazan incarne la vengeance et la manipulation. Son plan pour se venger de la reine en utilisant Ruy Blas montre comment le pouvoir et la malveillance peuvent détruire des vies innocentes. Ce thème met en lumière la corruption et les machinations politiques de la cour.

L’héroïsme et la dignité
Ruy Blas est présenté comme un héros romantique, noble d’esprit et courageux malgré ses origines modestes. Il incarne la dignité et la grandeur morale, contrastant avec les personnages corrompus de la cour. Sa lutte pour l’honneur et l’amour, malgré les obstacles insurmontables, en fait une figure héroïque et tragique.

La corruption et l’injustice
La pièce dénonce les injustices sociales et la corruption des classes dirigeantes. La cour d’Espagne est dépeinte comme un lieu de débauche et de trahison, où les intrigues politiques et les ambitions personnelles priment sur le bien-être du peuple et la justice.

La fatalité
Comme dans beaucoup de tragédies romantiques, la notion de fatalité joue un rôle clé. Les personnages semblent souvent condamnés par leur destin, et malgré leurs efforts pour échapper à leur sort, ils sont inévitablement rattrapés par les forces sociales et politiques qui les entourent.

En combinant ces thèmes, Victor Hugo crée une œuvre riche et complexe qui explore les profondeurs de l’âme humaine et les tensions sociales de son époque, tout en offrant un commentaire poignant sur la condition humaine et les injustices de la société.

Une parabole politique

« Le peuple, ce serait Ruy Blas », écrit Hugo dans la préface. Le laquais devenu ministre est une parabole historique : en 1838, la monarchie de Juillet, fondée sur le suffrage censitaire, réserve la responsabilité politique aux plus fortunés, refusant encore au peuple l’accès au pouvoir et le droit à la parole que la Révolution française avait pourtant institués dans les principes. Cette contradiction historique est symbolisée par le nom du héros, mi noble (Ruy), mi populaire (Blas). Pour parvenir au pouvoir, il doit usurper l’identité d’un grand d’Espagne ; il ne parle pas en son nom propre, c’est pourquoi son discours aux ministres, certes fondé en raison mais miné par une situation d’énonciation fausse, ne peut être entendu. Cas typique de la parole des héros hugoliens, cette inadéquation fait le plus souvent de leur discours une parole juste, mais vaine.

« Le peuple, qui a l’avenir et qui n’a pas le présent »

En situant son histoire à l’étranger et au XVIIe siècle, Hugo, échaudé par l’expérience de Marion Delorme et Le roi s’amuse, peut non seulement échapper à la censure, mais encore penser le présent en représentant le passé. Loin de mettre l’accent sur la punition méritée d’un héros tragique luttant par orgueil contre les lois de la cité, le destin dramatique de Ruy Blas, en contradiction avec la légitimité de sa quête, montre un peuple « qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ». Hugo ne pense certes pas l’histoire en termes de lutte des classes, comme Marx le fera dix ans plus tard en observant la Révolution de 1848, mais il montre l’échec d’une quête individuelle et idéaliste. À la fin du siècle, Zola imputera cet idéalisme à Hugo, en lui reprochant le caractère invraisemblable de ces amours d’une reine et d’un laquais, dans lesquelles il ne parvient plus à lire les vrais problèmes sociaux de son temps.

Brouillage des emplois tradidionnels

La reine, abandonnée de son mari incapable et contrainte par une étiquette sévère, est opprimée ; elle aussi est une figure du peuple. En appelant par son nom le laquais qui lui avait caché son extraction populaire, elle effectue par la parole l’abolition de la distance sociale, mais cet acte ne s’effectue qu’au prix de la mort du laquais, et leur amour ne sera pas consommé.

Prenant en charge l’essentiel du grotesque, le personnage de Don César, gueux magnifique, subvertit lui aussi les oppositions traditionnelles puisque, étant de noble souche, il refuse de se compromettre avec les puissants, et redistribue l’argent qu’il gagne ou qu’il vole. Il est l’ami d’infortune de Ruy Blas, son jumeau symbolique dont il partage les contradictions. L’acte IV est consacré aux péripéties cocasses occasionnées par son retour inopiné : il s’agit d’un grotesque bouffon, sur fond de mangeaille et d’ivresse, de duel, de rendez-vous galants, mais aussi d’un grotesque sombre, puisque l’intervention de Don César est finalement inutile, et n’empêche pas la fin dramatique.

Un chef-d’œuvre de dramaturge

Construite sur une intrigue de forme classique, la pièce est riche en retournements de situation saisissants. On y retrouve les principales structures de la dramaturgie hugolienne : le lien des quêtes amoureuse et politique, le thème des frères jumeaux, l’identité usurpée, l’intronisation et la chute du héros, une fin sublime et frustrante à la fois, qui laisse le spectateur méditer sur les rouages de l’histoire.

Gérard Oury a très librement adapté l’intrigue dans sa comédie La Folie des grandeurs (1971), avec Yves Montand, Louis de Funès, Alice Sapritch, sur une musique de Michel Polnareff.

[📽 Vidéo] 20 citations choisies de Victor Hugo
🎵 Poème mis en chanson et en musique : Le soleil et la marguerite

Le soleil et la marguerite est un poème de Victor Hugo, qui a été mis en musique et en chanson. À l’origine, ce poème s’intitule Unité. Il a été écrit en 1836 (juillet). Il est extrait du recueil Les Contemplations, du livre premier de la partie Autrefois, poème XXV.

XXV – Unité

Par-dessus l’horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l’heure du couchant;
Une humble marguerite, éclose au bord d’un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l’avoine folle,
Blanche, épanouissait sa candide auréole;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l’éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
Et, moi, j’ai des rayons aussi ! » lui disait-elle.

Granville, juillet 1836

(Victor Hugo, Les Contemplations, « Autrefois », Livre premier : Aurore, XXV : Unité, Pagnerre, 1856, p. 103)

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