Stéphane Mallarmé
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Stéphane Mallarmé
1842 – 1898
Sommaire
Stéphane Mallarmé, né le 18 mars 1842 à Paris et mort le 9 septembre 1898 à Valvins, est un poète et écrivain français, chef de file du symbolisme, dont l’œuvre, caractérisée par une écriture hermétique et maniériste, constitue une méditation inachevée sur le langage et sur l’art. Sa poésie, complexe et énigmatique, explore souvent des thèmes tels que la musicalité du langage et la recherche de sens au-delà des mots. Mallarmé a influencé de nombreux écrivains et artistes du mouvement symboliste et continue d’être étudié pour sa contribution à la poésie française.
→ À lire : Stéphane Mallarmé : L’Après-midi d’un faune (1876).
Vie
De son vrai nom Étienne Mallarmé, Stéphane Mallarmé naquit le 18 mars 1842, à Paris. Orphelin de mère, enfant sensible et solitaire, il fut placé dans diverses pensions, à Auteuil puis à Sens, où il passa des années malheureuses. Il était destiné par sa famille à entrer dans l’administration mais, passionné par Edgar Allan Poe, « le poète las que la vie étiole », il préféra se tourner vers l’enseignement de l’anglais, à Tournon, Besançon, Avignon et enfin à Paris à partir de 1871. L’essentiel de l’existence de Mallarmé réside en vérité dans son expérience poétique et spirituelle.
Œuvre
Premiers poèmes d’un disciple de Baudelaire
Influencé par Théophile Gautier mais plus encore par Charles Baudelaire et par Edgar Poe, Mallarmé commença très jeune à écrire des poèmes dans l’ombre des parnassiens. Ceux qu’il envoya en 1866 au Parnasse contemporain furent tous acceptés. Parmi eux, « l’Azur » (« Je suis hanté. L’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! ») ou « Brise marine » sont devenus célèbres. Ces premiers poèmes, écrits entre 1862 et 1864, reprennent l’écriture et les motifs baudelairiens pour exprimer la douleur d’un idéal inaccessible. En 1866, l’œuvre connut un tournant (« je suis mort et ressuscité »).
La littérature comme « tâche spirituelle »
Mallarmé collabora encore à diverses revues, publiant une traduction de Poe, « le Corbeau », dans La Renaissance artistique et littéraire (1874) et donnant divers essais, comme « le Démon de l’analogie », paru dans La Revue du monde nouveau (1874).
C’est à partir de 1870 que sa poésie devint plus personnelle et plus hermétique. Les audaces lexicales et syntaxiques signent alors la « disparition élocutoire du poète, qui cède l’initiative aux mots » : citons « Le vierge et le vivace et le bel aujourd’hui… », « Une dentelle s’abolit… », et le sonnet en yx (« Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx… »).
Mallarmé composa alors un de ses chefs-d’œuvre, Hérodiade, pièce poétique sur la difficulté d’être et sur l’absence se présentant comme un fragment de drame en vers. Mallarmé déclarait que son but était d’y « peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit ». La pièce fut publiée à l’état fragmentaire dans le deuxième Parnasse en 1871, mais ne fut jamais achevée.
Son poème L’Après-midi d’un faune ayant été refusé par Lemerre en 1874, Mallarmé se consacra à des travaux littéraires plus « aisés », comme la rédaction d’une préface au conte Vathek de William Beckford (1876). Il écrivit aussi, parmi d’autres « tombeaux et hommages », Le Tombeau d’Edgar Poe (1877), un livre scolaire (Les Mots anglais) et l’adaptation française d’un essai de mythologie de G. W. Cox, Les Dieux antiques (1880). Ces deux derniers ouvrages gardent des traces des réflexions de Mallarmé sur le langage. L’Après-midi d’un faune fut finalement publié en 1876. En 1877, Mallarmé mit au point un recueil de ses poèmes, Les Poésies de Stéphane Mallarmé (1887), puis son Album de vers et de prose (1887). L’année suivante, il fit paraître ses traductions des poèmes de Poe.
→ À lire : Stéphane Mallarmé : L’Après-midi d’un faune (1876).
Le Maître de la rue de Rome
Peu à peu, son œuvre poétique avait été reconnue, notamment grâce à Paul Verlaine et ses Poètes maudits (1883) et grâce à Joris-Karl Huysmans (avec À rebours, 1884), à qui en retour le poète rendit hommage avec Prose pour Des Esseintes en 1885. Mallarmé commença alors à être connu dans un milieu restreint et ses « mardis », au 89 de la rue de Rome, attirèrent bientôt, aux côtés des vieux symbolistes, une cour de jeunes écrivains : Gustave Kahn, Saint-Pol Roux, Henri de Régnier, Paul Claudel, Paul Valéry, André Gide et Pierre Louÿs.
Le « Livre » comme œuvre d’art totale
À sa retraite en 1893, Mallarmé s’installa dans sa maison de campagne à Valvins, près de la Seine, pour composer son Grand œuvre, le « Livre », mais il fut emporté prématurément, le 9 septembre 1898, alors qu’un poème qui condensait une grande partie de ses aspirations poétiques venait de paraître dans la revue Cosmopolis, « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » (1897).
Ce poème se présente comme une vaste phrase dont la typographie complexe forme une constellation noire sur les pages blanches. Le Grand œuvre inachevé de Mallarmé resta donc simplement une « étude en vue de mieux » : « Il n’y a pas d’héritage littéraire […] croyez que ce devait être très beau. »
Les articles réunis en 1897 (Crise de vers, La Musique et les Lettres, etc.) sous le titre de Divagations donnent une idée de la méditation de Mallarmé sur la crise de la littérature et la nécessité de lui restituer sa valeur sacrée.
Publications posthumes
Une grande partie des textes de Mallarmé fut publiée après sa mort : une édition augmentée des Poésies de Stéphane Mallarmé parut en 1899, ses Vers de circonstance en 1920 et Igitur ou la Folie d’Elbehnon (conte fantastique et philosophique écrit entre 1867 et 1870) en 1925. Son abondante correspondance a également fait l’objet d’une édition entre 1959 et 1985. On a en outre réédité La Dernière Mode, un magazine féminin que le poète écrivit et publia.
Poétique
Stéphane Mallarmé avait perdu sa mère à l’âge de six ans, et vu mourir sa sœur Maria alors qu’il en avait treize. Cette double mort et ce double amour enfantin expliquent selon certains l’irrésistible nostalgie des premiers poèmes.
L’érotisme de sa poésie restait marqué par ces deux femmes absentes, donc idéalisées et inaccessibles. Il évoqua d’une part les jeunes filles chastes, farouches, intangibles mais nues et désirables (c’est la chasteté d’une Hérodiade), et il peignit par ailleurs des amantes sous des traits maternels.
Peu à peu, cependant, « en creusant le vers », Mallarmé se dégagea de cette sensualité originelle pour prendre une direction sans précédent. Son œuvre est en effet la première qui rompt toute attache avec l’expérience humaine pour devenir expérimentation sur la littérature. Mallarmé souhaite égarer son lecteur par le jeu des coupes, des inversions, des rejets, par la complexité de la construction et la rareté du vocabulaire (utilisé pour son sens étymologique plus que pour son sens actuel), cela afin de l’engager dans l’obscurité sacrée d’un poème qu’il ne peut éclairer qu’à condition de le reconstruire. Mallarmé souhaite faire du vers « un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire » qui « rémunère le défaut de la langue ».
Car, pour ce poète, le mot poétique est l’absence de la chose : « Je dis une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets. » L’enjeu de cette poésie est la création d’un Poème qui constituerait un absolu (Mallarmé propose ainsi, en quelque sorte, le versant poétique de l’idéalisme hégélien).
L’œuvre inachevée de Mallarmé nous suggère aussi que l’échec de la littérature est peut-être une des conditions mêmes de l’expérience littéraire.
[📽 Vidéo] 15 citations choisies de Stéphane Mallarmé
- Oui, je le sais, nous ne sommes que de vaines formes de la matière, mais bien sublimes pour avoir inventé Dieu et notre âme. (Correspondance 1862-1871)
- Je travaille, et m’applique à vieillir aux heures de loisir. (Correspondance 1862-1871)
- Tout écrivain complet aboutit à un humoriste ! (Théâtre, je t’adore)
- Ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers, c’est avec des mots. (Variété)
- Le monde est fait pour aboutir à un beau livre. (L’interview de Jules Huret)
- Sait-on ce que c’est qu’écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur. (Quelques médaillons et portraits en pied)
- Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve. (Enquête sur l’évolution littéraire)
- Le splendide génie éternel n’a pas d’ombre. (Poésies (1898), « Toast funèbre »)
- La tombe aime tout de suite le silence. (Quelques Médaillons et portraits en pied)
- Dire au peintre qu’il faut prendre la nature comme elle est, vaut de dire au virtuose qu’il peut s’asseoir sur le piano. (Le Ten O’clock de Monsieur Whistler)
- Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.
- Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef.
- Un grand écrivain se remarque au nombre de pages qu’il ne publie pas.
- Toute âme est une mélodie qu’il s’agit de renouer.
- Les chats sont des êtres faits pour emmagasiner la caresse.
- Écrire, c’est déjà mettre du noir sur du blanc.
Bibliographie
- Hérodiade, 1864-1867
- Brise Marine, 1865
- Don du Poème, 1865
- L’Après-midi d’un faune, 1876
- Préface au Vathek de William Beckford, 1876
- Les Mots anglais. Petite Philologie à l’usage des classes et du monde, chez Truchy, 1877
- Les Dieux antiques, chez Jules Rothschild, 1880
- Album de vers et de prose, 1887
- Pages, 1891
- Oxford, Cambridge, la musique et les lettres, 1895
- Divagations, 1897
- Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, 1897
Publications posthumes
- Poésies, 1899
- Vers de circonstance, 1920
- Igitur, 1925
- Thèmes anglais pour toutes les grammaires, préface de Paul Valéry, 1937
- Pour un tombeau d’Anatole
- Les Poèmes en prose de Stéphane Mallarmé, Émile-Paul Frères, 1942
- Dialogue. 1893-1897, avec Francis Jammes, 1943
- Nursery Rhymes, 1964
Traductions de l’anglais
- Le Corbeau d’Edgar Poe (The Raven), avec illustrations par Édouard Manet, Paris, éditions Richard Lesclide, 1875
- L’Étoile des fées de Mme W.C. Elphinstone Hope, 1881
- Poèmes d’Edgar Poe, avec illustrations par Édouard Manet, Bruxelles, Edmond Deman, 1888
- Le Ten O’Clock de M. Whistler, 1888
- La Valentine de James Abbott McNeill Whistler, 1888
- Contes indiens de Mary Summer, 1893, rééd. en 1927
Correspondance
- « Lettres inédites à Théodore Aubanel » (commentées par André Thérive), in La Revue universelle, tome XV, 1er octobre 1923
- Correspondance, édition de Lloyd James Austin et Henri Mondor en 8 tomes, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1959-1983
- Lettres à Méry Laurent, Paris, Gallimard, 1986
- Correspondance. Lettres sur la poésie, préface de Yves Bonnefoy, édition de Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1995
- Correspondance (1854-1898), édition de Bertrand Marchal, publié sous la direction de Jean-Yves Tadié, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 2019
Articles connexes
- Auteurs du XIXe siècle.
- Histoire de la France : le XIXe siècle.
- La littérature française du XIXe siècle.
- Stéphane Mallarmé : L’Après-midi d’un faune (1876).
- Courants littéraires » Le Symbolisme. – Le Parnasse.
- Genres littéraires » La poésie.
- Le genre poétique. – La poésie : repères historiques.
Suggestion de livres
Correspondance complète, 1862-1871 | Écrits sur l’art | Igitur – Divagations – Un coup de dés | Un coup de dés jamais n’abolira le hasard |
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