L’expressionnisme (XXe siècle)

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Courants littéraires

L’expressionnisme littéraire

XXe siècle

Introduction

L’expressionnisme, en littérature, est mouvement d’avant-garde artistique, né au début du XXe siècle en Allemagne, qui a révolutionné les habitudes esthétiques en donnant la priorité absolue à l’expression violente des sentiments, au détriment de la représentation de la nature perçue par les sens.

Le terme expressionnisme est probablement employé pour la première fois lors de l’exposition de la Sécession berlinoise à Paris en 1911, par opposition au terme « impressionnisme ». C’est peut-être Kurt Hiller (1885-1972), la même année, qui emprunte le terme au vocabulaire des arts plastiques pour l’appliquer à la littérature.

Le mouvement dépasse les domaines artistiques et littéraires pour se définir comme une nouvelle attitude face au monde. La pensée expressionniste s’enracine dans une nouvelle vision de l’homme (liée aux travaux de Sigmund Freud sur l’inconscient) et dans une remise en question provocante et radicale des valeurs, des habitudes de pensée et des structures de la société contemporaine. De ce fait, il introduit dans le domaine littéraire et artistique des notions morales, telles que la volonté ou l’éthique.

Les Grands chevaux bleus (1911) de Franz Marc est représentatif du genre expressionniste en peinture.

Les Grands chevaux bleus (1911) de Franz Marc est représentatif du genre expressionniste en peinture.

Naissance et développement

L’expressionnisme, né en Allemagne en 1905, est d’abord un mouvement pictural, mais il s’étend progressivement à d’autres arts, et joue un rôle prépondérant dans les littératures allemande entre 1910 et 1922.

C’est d’ailleurs un peintre, Alfred Kubin, membre du Blaue Reiter, qui écrit ce qui est considéré comme l’un des premiers romans expressionnistes : L’Autre Côté (1909). Par la suite, le courant se répand, grâce à des manifestes et à des revues telles que Der Sturm (animée par Herwarth Walden) et Die Aktion (animée par Franz Pfemfert), et donne naissance à de nombreuses œuvres poétiques, narratives et théâtrales. Cette expansion doit également beaucoup à Kurt Hiller, un des animateurs de la vie culturelle expressionniste, et à Kurt Pinthus, auteurs de travaux critiques et d’anthologies poétiques dont Crépuscule de l’humanité (1919). Quelques éditeurs, comme Kurt Wolff, participent aussi à la promotion du mouvement. Partant d’Allemagne, le rayonnement de ce courant littéraire et artistique est sensible dans toute l’Europe centrale, mais n’atteint que très peu la France.

Art engagé, l’expressionnisme annonce et accompagne les bouleversements politiques que connaît l’Europe entre 1910 et 1920 : Première Guerre mondiale, révolution d’Octobre en Russie et effondrement du Reich en Allemagne. Au moment de l’avènement du IIIe Reich, un certain nombre d’expressionnistes fuient le régime hitlérien. Déclinant à partir de 1922, le mouvement se transforme pour s’intégrer progressivement à d’autres mouvements artistiques, notamment au surréalisme ; la Nouvelle objectivité s’érige pour sa part en réaction à l’expressionnisme à partir du milieu des années 1920.

→ Article connexe : Le Surréalisme. – Exercice : Le surréalisme.

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Révolution expressionniste
Esthétique du contraste

Comme en peinture, l’expressionnisme littéraire opère une rupture radicale avec les modèles de l’époque. Il se situe néanmoins dans la continuité de l’œuvre de poètes comme Friedrich Hölderlin, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et, dans une certaine mesure, du romantisme (pour l’importance accordée à l’expression des sentiments) et du symbolisme (pour l’esthétique de la stylisation et du symbole étrange frappant).

La marque expressionniste est particulièrement nette en poésie et au théâtre. Son esthétique est révolutionnaire dans la mesure où elle rompt avec un art où domine la notion du Beau et privilégie en revanche la violence de l’expressivité. Elle se signale en effet par l’excès sous toutes ses formes, et notamment dans l’expression des sentiments d’un Moi souffrant. Parmi toutes les manifestations des pulsions et des manques, c’est le cri qui est présenté comme l’expression la plus profonde de l’homme.

Sur le plan esthétique, la stylisation, poussée à l’extrême, tend à provoquer chez le lecteur, ou le spectateur, un choc émotionnel violent. Rompant avec la tradition naturaliste et psychologique, l’expressionnisme déforme donc la réalité telle qu’on peut l’observer dans son immédiateté : il dépasse l’apparence pour atteindre la vérité cachée des choses et des êtres.

La littérature expressionniste se caractérise par l’abondance des images et des allégories. La syntaxe adoptée est volontiers malmenée, saccadée, discontinue ; des ruptures sont opérées dans les codes narratifs : absence d’un point de vue unique et de linéarité dans le récit, va-et-vient permanent entre le registre descriptif et poétique, etc. Sur d’autres plans, le lexique est mêlé et contrasté, les sonorités dissonantes, de telle sorte que l’ensemble du texte s’en trouve traversé par de violents contrastes. L’usage excessif et intempestif de ces procédés a pu conduire, peu à peu, à la création d’un certain poncif expressionniste.

Thématique engagée

Marquée par l’influence de philosophes comme Kierkegaard ou Nietzsche, la vision du monde des expressionnistes est sombre, révoltée et parfois exaltée. On reconnaît le mouvement littéraire à son discours engagé, lié aux tensions sociales de l’époque et qui prend explicitement parti contre les valeurs de la société bourgeoise et capitaliste. Se rapprochant du communisme, de l’anarchisme ou du pacifisme, l’expressionnisme dénonce en particulier l’aliénation de l’homme face à l’emprise croissante de la technique. Les auteurs du mouvement voient en outre dans la Première Guerre mondiale une confirmation de leurs prophéties pessimistes. Ils ne se contentent cependant pas de stigmatiser, par un ton parfois apocalyptique, la décadence de la société mais annoncent l’avènement d’une humanité nouvelle dans une vision messianique où domine l’idée de la fraternité.

Leurs œuvres sont aussi marquées par une thématique de la modernité et de ses symboles : la violence, la foule, les grandes villes, les usines, les machines, etc. Elles se caractérisent également par une large place accordée à la dimension imaginaire, aux mythes, au fantastique et à l’anticipation. Un des principes de cette forme d’art est de privilégier la subjectivité et de faire apparaître la réalité sous l’éclairage énigmatique de l’inconscient, du rêve, des états d’âme, voire de la folie. C’est ainsi que les œuvres expressionnistes peuvent prolonger les travaux de Freud.

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Le théâtre, un moyen d’expression privilégié

Issu de la peinture et par conséquent très visuel, le courant expressionniste trouve un mode d’expression privilégié dans le théâtre. En plus du renouvellement de la thématique et des procédés de l’écriture théâtrale, l’expressionnisme inaugure de nouvelles méthodes de mise en scène, ainsi que de direction d’acteur.

Souvent abstraits, les drames expressionnistes tendent à établir une communication directe — en fait, la moins intellectualisée possible — avec les spectateurs. Le jeu scénique met l’accent sur la gestuelle et la mimique. Les décorateurs usent de techniques similaires à celles des peintres expressionnistes pour produire une stimulation visuelle en harmonie avec le propos de la pièce, notamment par les jeux de lumière. Leopold Jessner (1878-1945) ainsi que Max Reinhardt sont parmi les metteurs en scène influents du mouvement. Max Reinhardt investit des lieux comme les églises, les cirques, les parvis de cathédrales ou la rue pour tenter de créer une communion totale entre le spectateur et la pièce. Leopold Jessner, intendant général des Staatliche Schauspiele (théâtres publics) de Berlin, par l’utilisation de perspectives distordues et plus encore par le jeu d’éclairage entre lumière et ombre (flash, zones, taches), élève le spectacle de la figuration à l’abstraction, cherchant à donner « au lieu de la fable, l’idée de la fable ». En France, seul le metteur en scène Gaston Baty a été influencé par l’expressionnisme.

Les auteurs dramatiques expressionnistes sont essentiellement de langue allemande. L’un des pionniers est Reinhard Johannes Sorge (1892-1916) avec Le Mendiant (der Bettler, 1912), dont la mise en scène par Max Reinhardt en 1917 est à l’origine du style d’éclairage caractéristique de l’expressionnisme. Deux pièces sont significatives de ce mouvement : en 1914, Le Fils (Der Sohn) de Walter Hasenclever (1890-1940) et, en 1919, La Conversion (die Wandlung) puis L’Homme-masse (Masse Mensch, 1921) de Ernst Toller. Il faut également citer Fritz von Unruh, Georg Kaiser, Friedrich Wolf (1888-1953), Paul Kornfeld (1889-1942). Les œuvres de jeunesse de Bertolt Brecht peuvent également être classées dans ce mouvement.

Littérature et poésie

En poésie, Gottfried Benn, avec Morgue (1912), se distingue, ainsi que la poétesse Else Lasker-Schüler, Georg Trakl (mort pendant la Première Guerre mondiale) et Franz Werfel, qui écrit également des pièces de théâtre.

Dans le genre narratif, moins exploré par les expressionnistes, se détache surtout le romancier Alfred Döblin qui collabore activement à Der Sturm et écrit en 1929 le célèbre Berlin Alexanderplatz. Les premières œuvres de Franz Kafka sont parfois rattachées à ce mouvement.

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