L’alphabet

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Définition de l’alphabet

On désigne par « alphabet » (substantif masculin), faute de mieux, sous le nom des deux premières lettres du tableau des caractères grecs α et β (alpha et bêta), le catalogue des lettres qui servent, dans toutes les langues à la formation des mots. Voltaire a remarqué que ce que nous appelons « alphabet » n’a, en réalité, aucun nom dans les langues occidentales. « Or, comment s’est-il pu faire, dit-il, qu’on manque de termes pour exprimer la porte de toutes les sciences ? La connaissance des nombres, l’art de compter, ne s’appelle point un-deux, et le rudiment de l’art d’exprimer ses pensées n’a en Europe aucune expression propre qui le désigne. »

Le mot alphabetos n’est point dans l’ancien grec, pas plus que celui d’alphabetum dans le latin classique. On les trouve l’un et l’autre dans ces langues au moment de leur déclin. Alphabet a pour équivalent français abécé et abécédaire. Par syllabain, on entend l’alphabet de quelques langues, où, comme dans le japonais, chaque caractère est la représentation de toute une syllabe.

La naissance des alphabets

Selon Julius Klaproth1, les écritures chinoise, sanscrite et sémitique ont donné naissance aux divers alphabets des langues de l’Europe et à la plupart de celles de l’Asie. Les écrits cunéiformes, les divers systèmes d’hiéroglyphes et de pictographie, les runes scandinaves et anglo-saxons, les quippus, etc., ont aussi leurs alphabets particuliers. Les plus anciens sont l’alphabet cunéiforme (pessépolitain, babylonien, susicn, scythique ou médique), le hiéroglyphique égyptien, le phénicien, l’ancien alphabet hébreu, l’araméen, le numidique, le grec archaïque, l’étrusque, le palmyrénien, le latin, le koufique, le copte, le syriaque, le zend, le pehlvi, le magadha, le devânâgari ou sanscrit, etc. Ce dernier est la base des alphabets hindoui, bengalais, népalais, etc. — En outre, parmi les alphabets qui ne participent que de loin aux alphabets sanscrit, sémitique et chinois, ou qui même restent complètement isolés, on compte le barman, le siamois, le tibétain, le kalmouk, l’éthiopien, l’amharic, l’uriya, le telinganais, le karnata, le tamil, le bougi, le mayalim, le crec, etc.

On se sert de l’alphabet latin, légèrement modifié, pour l’anglais, le français, l’espagnol, le portugais, l’italien, le polonais, le hongrois, le hollandais, le flamand, le gallois, le basque, le catalan, etc. L’allemand, le suédois, le danois, le finlandais, l’islandais, l’irlandais, le lithuanien, le bohémien, l’esthonien, etc., emploient l’alphabet gothique, qui n’est autre que l’alphabet latin, dont les lettres affectent des formes anguleuses.

L’alphabet grec, avec des modifications plus ou moins sensibles, sert pour le russe, le serbe, le valaque, le bulgare, etc. Il est devenu d’un usage général chez les Slaves dans leurs livres liturgiques sous le nom d’alphabet cyrillien ou slavon. Les divers alphabets arabes (koufique, neskhi, etc.) ont donné leurs formes aux alphabets turc, hindoustani, persan, etc.

Le nombre et l’ordre des caractères des alphabets

Il y a des alphabets qui n’ont pas dix caractères ; d’autres en possèdent plus que le français : l’alphabet russe a 35 lettres ; l’hindoustani n’en a pas moins de 50 ; l’alphabet arabe comporte 28 lettres ; les clefs chinoises sont au nombre de plus de 200, pour des caractères innombrables. Aussi doit-on placer tout à fait à part l’alphabet chinois, si même ces représentations figuratives d’objets, réduites par l’usage à des signes moins compliqués, peuvent s’appeler un alphabet. Enfin, il y a des langues qui, n’étant point écrites, n’ont pas d’alphabet. C’est le cas, par exemple, de l’alphabet manuel à l’usage des sourds-muets.

L’ordre des caractères des alphabets n’est nullement méthodique. Dans aucun peut-être les consonnes ne sont classées par labiales, dentales, gutturales, etc., ou les voyelles séparées des consonnes. Il semble que le hasard ait présidé à l’énumération des lettres. Pour la plupart des alphabets, les caractères se tracent de gauche à droite ; mais il y en a, parmi les orientaux surtout, qui s’écrivent de droite à gauche. Certaines écritures reçoivent une disposition perpendiculaire. Il en est ainsi pour le chinois, le mandchou, le kalmouk, le japonais.

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Un obstacle : la multiplicité des alphabets

La multiplicité des alphabets étant un des principaux obstacles à la diffusion des langues, plusieurs philologues2 ont essayé de ramener tous les alphabets à un seul, qui pourrait, Frédéric-Gustave Eichhoff3, rendre toutes les nuances phonétiques au moyen d’une cinquantaine de caractères. Guillaume Büttner4 croit qu’il n’en faudrait pas moins de trois cents ; mais Karl Lepsius5 a prouvé qu’un bien plus petit nombre pouvait suffire. Volney6 avait tenté d’appliquer l’alphabet latin aux langues orientales. Cette idée a été généralisée de nos jours. En 1854, le chevalier Bunsen (philologue et diplomate) s’est mis à ta tête d’un groupe de savants qui s’étaient donné la tâche de résoudre ce grand problème de la philologie. Il fut reconnu possible physiologiquement de définir la nature exacte de chaque son dans une langue donnée, et, après quelques hésitations entre les systèmes présentés par Karl Müller7 et Karl Lepsius, celui de ce dernier a été adopté. Les sociétés évangéliques s’efforcèrent particulièrement de faire prévaloir cet alphabet unique, et déjà de nombreuses traductions des Évangiles et d’autres ouvrages de propagande ont paru dans diverses langues de l’Afrique, de l’Amérique, de l’Asie et de l’Océanie, transcrites selon l’alphabet de Lepsius, qui comprend près de deux cents caractères pour répondre à la diversité des articulations de toutes les langues.


Notes

1. Julius Klaproth (1783-1835) fut un orientaliste allemand. Il naquit à Berlin et se livra d’abord à l’étude de la chimie et de la physique, puis s’adonna à l’étude des langues orientales. Il fut nommé en 1812 professeur de langues asiatiques à Vilnius, mais se vit empêché par la guerre de prendre possession de sa chaire, et vint en 1815 se fixer à Paris, dont il fit sa patrie adoptive. On a de lui : Asia polyglotta ou Classification des peuples de l’Asie d’après leurs langues (1823), Nouveau Mithridate ou Classification de toutes les langues connues

2. Un philologue est une personne qui s’occupe de philologie, spécialiste de philologie. La philologie est la science qui traite d’une langue d’un point de vue historique. Aujourd’hui, on donne le nom de philologues à ceux qui s’occupent de philologie comparée. 

3. Frédéric-Gustave Eichhoff (1799-1875), né au Havre, il fit de brillantes études à Paris et fut reçu docteur ès lettres en 1826. Certains des ses travaux figurent parmi les premières études comparées des langues indo-européennes. Des ses ouvrages : Études grecques sur Virgile (1825), Dictionnaire étymologique des racines allemandes (1840 ; en coll.), Essai sur la mythologie du Nord (1851), Tableaux littéraires de l’Allemagne et de l’Angleterre (1853), Grammaire générale, ou Comparaison des langues grecque, latine, française, gothique, allemande, anglaise et russe entre elles et avec le sanscrit, suivie d’extraits de poésie indienne (1867). 

4. Guillaume Büttner, naturaliste et philologue allemand, naquit en 1716. Il se voua surtout avec passion à l’histoire naturelle. Il profita de ses voyages pour apprendre non seulement la langue nationale du pays, mais encore les dialectes particuliers et les jargons provinciaux. Il est un de ces hommes qui ont très peu écri, et qui ont cependant laissé dans les sciences des traces plus durables qu’un grand nombre des écrivains les plus féconds. Il fut le premier qui envisagea les langues monosyllabiques de l’Asie méridionale sous leurs vrais rapports. Il mourut en 1801. On a de lui: Tableaux comparatifs des alphabets de différenst peuples dans les temps anciens et modernes (1repartie en 1771 ; 2e partie en 1779), Explication d’un Almanach impérial du Japon (1773), Sur les Chinois (1784), Tabula alphabetorum hodiernorum (1776). 

5. Karl Richard Lepsius (1810-1884) est un linguiste et égyptologue allemand. Il étudie les antiquités grecques de 1829 à 1832, et apprend le sanskrit et se dirige ensuite vers l’étude des hiéroglyphes. 

6. Volney (1757-1820) Érudit, philologue, orientaliste, historien, voyageur, homme politique  philosophe Constantin Français Chassebeuf, comte de l’empire, illustre l’esprit des « hommes de 89 » qui ont donné un substrat intellectuel à la période révolutionnaire. 

7. Karl Müller (francisé en Charles Müller), allemand né en 1813 et mort en 1894, est un philologue helléniste. Connu pour ses éditions de textes en grec ancien et ses traduction en latin (la langue scientifique de l’époque), il est aussi paléographe, historien, géographe et cartographe antiquisant). 


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