George Sand
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Auteurs français
George Sand
1804 – 1876
Les chefs-d’œuvre ne sont jamais que des tentatives heureuses.
(George Sand, François le Champi)
Sommaire
La critique s’est mille fois occupée des œuvres, de la puissance de pensée et de poésie, des tendances philosophiques, des doctrines religieuses et morales de George Sand.
George Sand (1804-1876) est une romancière française d’inspiration romantique, connue pour ses romans champêtres qui célèbrent la douceur de vivre dans la campagne berrichonne et pour sa vie passionnée.
→ Lumière sur La Petite Fadette (1849) de George Sand.
Années de début et libération de la femme
Mme Aurore Dupin, comtesse Dudevant, dite George Sand, est la petite fille de M. Dupin, ancien fermier-général. Son père meurt glorieusement au champ d’honneur, jeune encore, et dans le grade élevé qu’il avait conquis par son courage. Orpheline toute jeune et fort jolie, surtout d’une figure éminemment distinguée, George Sand se marie en 1822 à Casimir Dudevant, sous le régime dotal. Sa fortune était de 500,000 francs. Les premières années du mariage étaient heureuses et calmes. Jusqu’en 1825, rien ne trouble le bonheur, la tranquillité de cette union ; aucun nuage jaloux n’obscurcit cette lune de miel de trois ans, cette lune de miel dont la lueur était faible et peu rayonnante sans doute, mais du moins douce et limpide.
Mais ce bonheur paisible, cette vie pâle et monotone, cette vie sans flammes et sans éclairs, ne pouvaient longtemps suffire à l’âme orageuse et passionnée de la femme dont le génie bouillonnait sourdement comme la lave ardente mais encore cachée du volcan. Ce qu’il lui faut, c’est l’air, le ciel, les grands espaces, les monts escarpés, la liberté surtout, la liberté dans son vol immense !
Mme Dudevant aimait avec passion, avec l’instinct de sa gloire future, l’art, la poésie, la philosophie, la science, la littérature, tous ces champs vastes et fertiles ouverts à l’intelligence humaine, et dont les nobles moissons nourrissent l’âme et la pensée. Casimir Dudevant, au contraire, avait les goûts, les habitudes et le laisser-aller d’un gentilhomme campagnard, qui cultive en paix son domaine. C’était un homme marchant tranquillement et pas à pas dans l’obscur et trop prosaïque sentier de la vie commune. Mme Dudevant a souffert longtemps et a gardé dans son sein le secret de ses souffrances et de ses déchirements de cœur. Mais enfin cet homme, qui ne pouvait ni l’aimer ni la comprendre, lui devient insupportable.
Malheureuse avec son âme ardente et incomprise, continuellement froissée dans sa vie intime, dans ses relations du monde et même dans ses affections de mère, Mme Dudevant se révolte avec énergie contre le mariage, prend son vol et suit la vocation que lui indique son génie baptisé par la souffrance. La poète, à dater de ce jour, va se révéler avec éclat, avec splendeur.
Indiana paraît : la femme qui voulait décidément en finir, même avec son nom d’épouse, choisit et transforme le nom obscur d’un jeune ami et collaborateur, s’en empare, le taille à sa façon et l’adopte, non pour se cacher, mais pour abriter son œuvre sous ce voile pseudonyme. Maintenant, entre tous les noms contemporains qui brillent avec éclat et qui ont acquis une haute et incontestable célébrité, le nom de George Sand est assurément un des plus illustres et des plus glorieux !
Parcours rapide de ses œuvres
Indiana d’abord et sa ravissante sœur, Valentine ; Lélia, le poème sublime et la grande femme incomprise ; Jacques, l’homme sombre et fier entraîné au suicide par la trahison ; Leone Leoni, un récit rapide, une vie de femme sous la fascination d’un homme beau de génie mais livré au mal ; le Secrétaire intime ; André, livre simple et frais, modeste et gracieux comme une des fleurs de sa douce Geneviève , une des plus délicieuses femmes que George Sand ait peintes ; puis Simon et Mauprat, récits pleins de charme et d’intérêt ; enfin ses Lettres d’un Voyageur, livre de grande et flottante poésie.
Dans plusieurs nouvelles, destinées à la Revue des deux mondes, ce recueil de la haute littérature en France, George Sand a semé, comme dans ses livres, beaucoup de poésie et de passion, de style et de pensée. Citons spécialement la Marquise, Lavinia, Melella, Aldo-le-Rimeur, cet admirable petit drame à la Don Juan, la dernière Aldini. George Sand est un des plus actifs collaborateurs de la Revue des deux mondes, et ses articles, roman, critique, poésie on philosophie, sont assurément les plus remarquables parmi toutes ces pages d’élite dues à la plume des meilleurs écrivains de l’époque.
Quand M. de la Mennais, voulant sans doute ressusciter et suivre l’Avenir foudroyé par le pape, prit la direction du Monde, George Sand a voulu s’associer à l’œuvre de l’illustre écrivain breton, et c’est dans le Monde qu’ont été publiées ses admirables Lettres à Marcie. – Le Monde, abandonné par M. de la Mennais, est bientôt abandonné de ses lecteurs et cesse de paraître ; mais, pour cela, George Sand n’a pas cessé d’être fidèle à M. de la Mennais, car un de ses derniers articles de controverse, tout récemment publié dans la Revue des deux mondes, défend avec énergie, avec puissance, avec chaleur, les doctrines radicales de son ancien collaborateur au Monde !
Liaisons
Pour échapper aux retours et aux instances de son mari, qui veut reconquérir sa femme, ou du moins revendiquer sa fortune, George Sand fait, en 1855, un voyage en Italie. Cette terre de soleil et de poésie, de ruines et de souvenirs, va impressionner son ardente et vive imagination. Pendant cette période, Alfred de Musset accompagne George Sand en qualité de secrétaire intime. Parti pour l’Italie, à Venise, le couple traversa une crise majeure. Depuis ce pèlerinage poétique, l’Italie respire dans le style magique de l’auteur de Lélia avec toutes ses brises de parfums, avec tous les rayons dorés et toutes les joies de son ciel voluptueux.
Cependant, Sand tombe amoureuse de Pagello, le médecin de Musset. Lorsque le manque d’argent se fait sentir, elle écrit, pour la Revue des deux mondes, les Lettres d’un voyageur. Sa relation houleuse avec Musset ne prend définitivement fin qu’en mai 1835. Le Secrétaire intime (1834) inaugure la série des romans vénitiens (Léone Léoni, 1834 ; Jacques, 1834) où, à l’image de leur auteur, les héros vivent des aventures passionnées. Dès cette époque, Sand est considérée par la critique conservatrice et catholique comme un auteur pernicieux.
George Sand, un nom d’homme
En adoptant un nom d’homme, George Sand s’est fait aussi une existence d’homme, s’est habillée en homme, vivant en toute insouciance et toute liberté sa vie nouvelle, usant toutefois largement et même avec inconstante humeur des droits d’empire et de conquête que lui donnent son heureux privilège de femme et le prestige éblouissant du génie. Aimant à s’entendre appeler son nom de George, fumant la cigarette en véritable dandy, lançant des mots spirituels, de vives et piquantes paroles entre deux nuages de fumée, le plus souvent vêtue comme les hommes, avec les plus beaux cheveux noirs qui se puissent voir, retombant en boucle ondoyantes sur le collet de velours de sa redingote, se mêlant gaiement et en libre et franc camarade aux artistes et aux poètes, George Sand, qui est la sœur du génie de lord Byron, était son frère de plaisir, et le joyeux et insouciant compagnie de sa vie folle, mobile et vagabonde !
Œuvres champêtres
En 1844, le Constitutionnel publie Jeanne, roman dont le personnage homonyme figure la paysanne inspirée, un de ces êtres à l’âme pure et primitive dont Sand aurait voulu repeupler le monde. Ce roman ouvre la série des œuvres champêtres, écrites entre 1845 et 1847 : le Meunier d’Angibault (1845), le Péché de Monsieur Antoine (1845), la Mare au diable (1846), François le Champi (1847-1848). Dans ce dernier récit, Sand imagine de faire parler un chanvreur de village, ce qui lui permet de puiser plus largement dans le patois berrichon et de donner à son récit l’atmosphère des veillées villageoises. Le milieu champêtre est présenté comme une société idéale ayant échappé à la perversion des valeurs ; en brossant le tableau d’un monde menacé, Sand veut en montrer la noblesse et même la grandeur, face à des auteurs qui, comme Balzac, peignait les paysans comme des êtres grossiers, dépourvus de sensibilité. Lors de la Révolution de 1848, elle prend position aux côtés de Ledru-Rollin. Son engagement donne lieu à une suite d’écrits passionnés. Le 3 mars, dans la Lettre à la classe moyenne, elle invite ses compatriotes à s’unir et à s’aimer « pour trouver la vérité socialiste ». Le 12 mars, dans la Lettre aux riches, elle explique que « La France était appelée à être communiste avant un siècle ». Animée par le même esprit, elle rédige neuf des seize numéros du Bulletin de la République et fonda son propre journal, la Cause du peuple, qui ne dépasse pas les trois numéros. L’écrasement par Cavaignac des émeutes populaires lui arrache ce cri : « J’ai honte aujourd’hui d’être française… Je ne crois plus à l’existence d’une République qui commence par assassiner ses prolétaires. » Elle quitte Paris dans la peur d’être arrêtée et révèle dans la Petite Fadette l’étendue de sa déception politique. Aux ambitions stériles et meurtrières de la ville, de la politique, de la révolution elle-même, George Sand oppose la poésie de la campagne. Critiques et public accueillent avec sympathie cette littérature « désengagée ».
Repli sur Nohant
Des embarras d’argent la contraignent à écrire pour le théâtre. Tandis qu’une vingtaine de ses pièces étaient montées à l’Odéon et au Gymnase, le théâtre de Nohant, créé par Chopin et pourvu d’une scène dès 1851, fonctionnait comme un champ d’expérience où « les Sand », leurs amis et jusqu’aux plus doués de leurs domestiques tentaient de se dédoubler.
Parallèlement, elle entreprend de rédiger sa propre biographie, qui parut sous le titre Histoire de ma vie (1854-1855). Ce chef-d’œuvre, qui consacre définitivement la figure de la femme de lettres, lui vaut beaucoup d’attaques. Mais les Goncourt y voient « d’admirables tableaux, des renseignements sans prix sur la formation d’une imagination d’écrivain, des portraits de caractères saisissants ».
La mort de Musset (1857) lui inspire un plaidoyer intitulé Elle et lui (1859), qui provoque un nouveau scandale. Ses œuvres autobiographiques et sa correspondance restent aujourd’hui particulièrement appréciées des spécialistes. Dans ses derniers romans, elle pardonne à la bourgeoisie, voire à l’aristocratie, évoquées sous des traits adoucis, mais prend pour cible l’Église, contre qui elle dirige l’essentiel des ses coups (les Beaux Messieurs de Bois-Doré, 1856-1858 ; Jean de la Roche, 1860 ; Mademoiselle de la Quintinie, 1863).
Le 15 décembre 1863, le Saint-Office met à l’index l’ensemble de son œuvre. George Sand ne prend aucun parti lors de la Commune et meurt en pleine activité le 8 juin 1876 (à 71 ans) à Nohant, à un moment où elle était devenue une figure rassurante de la République.
Notice d’Indiana
« J’ai écrit Indiana durant l’automne de 1831. C’est mon premier roman ; je l’ai fait sans aucun plan, sans aucune théorie d’art ou de philosophie dans l’esprit. J’étais dans l’âge où l’on écrit avec ses instincts et où la réflexion ne nous sert qu’à nous confirmer dans nos tendances naturelles. On voulut y voir un plaidoyer bien prémédité contre le mariage. Je n’en cherchais pas si long, et je fus étonné au dernier point de toutes les belles choses que la critique trouva à dire sur mes intentions subversives. La critique a beaucoup trop d’esprit, c’est ce qui la fera mourir. Elle ne juge jamais naïvement ce qui a été fait naïvement. Elle cherche, comme disent les bonnes gens, midi à quatorze heures, et a dû faire beaucoup de mal aux artistes qui se sont préoccupés de ses arrêts plus que de raison.
Sous tous les régimes et dans tous les temps, il y a eu, d’ailleurs, une race de critiques qui, au mépris de leur propre talent, se sont imaginé devoir faire le métier de dénonciateurs, de pourvoyeurs du ministère public ; singulière fonction pour des gens de lettres vis-à-vis de leurs confrères ! Les rigueurs des gouvernements contre la presse n’ont jamais suffi à ces critiques farouches. Ils voudraient qu’elles portassent non seulement sur les œuvres, mais encore sur les personnes, et, si on les écoutait, il serait défendu à certains d’entre nous d’écrire quoi que ce soit. Du temps que je fis Indiana, on criait au saint-simonisme à propos de tout. Plus tard, on cria à toutes sortes d’autres choses. Il est encore défendu à certains écrivains d’ouvrir la bouche, sous peine de voir les sergents de ville de certains feuilletons s’élancer sur leur œuvre pour les traduire devant la police des pouvoirs constitués. Si cet écrivain fait parler noblement un ouvrier, c’est une attaque contre la bourgeoisie ; si une fille égarée est réhabilitée après expiation, c’est une attaque contre les femmes honnêtes ; si un escroc prend des titres de noblesse, c’est une attaque contre le patriciat ; si un bravache fait le matamore, c’est une insulte contre l’armée ; si une femme est maltraitée par son mari, c’est la promiscuité qui est prêchée. Et de tout ainsi. Bons confrères, saintes et généreuses âmes de critiques ! Quel malheur qu’on ne songe point à établir un petit tribunal d’inquisition littéraire dont vous seriez les tourmenteurs ! Vous suffirait-il de dépecer et de brûler les livres à petit feu, et ne pourrait-on, sur vos instances, vous permettre de faire tâter un peu de torture aux écrivains qui se permettent d’avoir d’autres dieux que les vôtres ?
Dieu merci, j’ai oublié jusqu’au nom de ceux qui, des mon premier début, tentaient de me décourager, et qui, ne pouvant dire que cet humble début fût une platitude complète, essayèrent d’en faire une proclamation incendiaire contre le repos des sociétés. Je ne m’attendais pas à tant d’honneur, et je pense que je dois à ces critiques le remerciement que le lièvre adressa aux grenouilles, en s’imaginant, à leurs terreurs, qu’il avait droit de se croire un foudre de guerre. (Nohant, mai 1832) »
(George Sand, « Notice », in Indiana, Amandine Lucile A. Dudevant, 1852)
📽 15 citations choisies de George Sand
- La nature est une oeuvre d’art, mais Dieu est le seul artiste qui existe, et l’homme n’est qu’un arrangeur de mauvais goût. (François le Champi)
- La nature est éternellement jeune, belle et généreuse. Elle possède le secret du bonheur, et nul n’a su le lui ravir. (La Mare au diable)
- Les papillons ne sont que des fleurs envolées un jour de fête où la nature était en veine d’invention et de fécondité. (Contes d’une Grand-Mère)
- Le malheur, en s’attachant à moi, m’enseigna peu à peu une autre religion que la religion enseignée par les hommes. (Indiana)
- Écrivez, pendant que vous avez du génie, pendant que c’est le dieu qui vous dicte, et non la mémoire. (Correspondance)
- L’homme qui a un peu usé ses émotions est plus pressé de plaire que d’aimer. (Indiana)
- Aimer sans être aimée, c’est vouloir allumer une cigarette à une cigarette déjà éteinte.
- Dieu qui voit nos larmes à notre insu, et qui, dans son immuable sérénité, nous semble n’en pas tenir compte, a mis lui-même en nous cette faculté de souffrir pour nous enseigner à ne pas vouloir faire souffrir les autres. (Histoire de ma vie)
- Les déceptions ne tuent pas et les espérances font vivre. (Le Marquis de Villemar)
- Le cigare est le complément indispensable de toute vie oisive et élégante.
- Laissez-moi fuir la menteuse et criminelle illusion du bonheur ! Donnez-moi du travail, de la fatigue, de la douleur et de l’enthousiasme. (La Comtesse de Rudolstadt)
- Voilà l’innocence, voilà la perfection, voilà la beauté de l’âme dans celle du corps. Voilà celui que j’aime, que je sers et que je prie. L’amour divin est dans une de ses caresses, et je vois le ciel dans ses yeux bleus. (Histoire de ma vie)
- On se donne bien de la peine et on s’impose bien des privations pour guérir le corps ; on peut bien, je pense, en faire autant pour guérir l’âme. (Lélia)
- Je travaille la nuit, je monte à cheval le jour, je joue au billard le soir, je dors le matin. C’est toujours la même vie. (Correspondance)
→ Autres citations de George Sand.
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