Roland Barthes : Le Degré zéro de l’écriture (1953)

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Roland Barthes

Le Degré zéro de l’écriture (1953)

Ce que je goûte dans un récit, ce n’est donc pas directement son contenu ni même sa structure, mais plutôt les éraflures que j’impose à sa belle enveloppe.

(Roland Barthes, Le Plaisir du texte, 1973)

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Photo de Roland Barthes👤 Roland Barthes
Roland Barthes, né le 12 novembre 1915 à Cherbourg et mort le 26 mars 1980 à Paris, est philosophe, critique littéraire et sémiologue français. Il est l’un des principaux animateurs du post-structuralisme et de la sémiologie linguistique et photographique en France. [Lire la suite de sa biographie]

Présentation

Le Degré zéro de l’écriture est un essai de Roland Barthes, publié en 1953. Il s’agit de son premier ouvrage. Antérieurement, il a écrit quelques articles, notamment un portant le même titre (1947), mais dont il ne reprend presque rien d’autre en 1953.

Le Degré zéro de l’écriture a eu une influence dans le milieu universitaire des études littéraires dans les années 1950 à 1970. C’est un des fondements de l’influence de Roland Barthes, même si des ouvrages ultérieurs ont eu plus de notoriété. En 1999, il a été classé parmi les cent livres du siècle par le journal Le Monde (en 63e place).

« Qu’est-ce que la littérature ? »

S’appuyant sur Marx et sur Brecht, Roland Barthes part du questionnement sartrien de « Qu’est-ce que la littérature ? » (Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, 1947). Depuis Flaubert, la diversité des écritures possibles exige de l’écrivain un choix moral : comment, bien que pris dans le « mythe Littérature », hâter la décomposition de la conscience bourgeoise ? Dans l’idéologie, quelle utopie produire ?

Réconcilier l’écrivain et la littérature
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Barthes part du constat que l’universel bourgeois de l’institution « Littérature » s’est fractionné. L’écrivain garde aujourd’hui la conscience tragique d’un monde social divisé. Le langage en s’opacifiant est devenu objet, et l’acte d’écrire problématique. Depuis le « meurtre » mallarméen du langage, l’impasse littéraire indique l’impasse sociale. L’écriture classique était communication euphorique, jouissance naïve de ses rituels devenus « Nature ». L’écrivain, aujourd’hui, sait que l’espace littéraire est celui de sa liberté ; écrivant, il doit moralement choisir. Barthes repère quatre types d’écritures historiquement possibles : l’« artisanale » et la « populiste » sont des échecs. La « blanche », écriture « neutre », « degré zéro » des signes littéraires, est utopie contre idéologie, tout comme ce parler qui submerge l’écrit dans l’« écriture parlée ».

Prémices de la réflexion barthésienne

Dans Le Degré zéro de l’écriture, premier jalon de la réflexion barthésienne sur la littérature et le langage, l’utopie prend encore la forme de l’universalité sociale, et rêve l’indifférenciation communiste d’une société où l’opposition entre les classes sociales aurait disparu. Barthes restera subtilement fidèle à ce manifeste, mais à Marx il substituera plus tard Fourier, proposant une utopie du pluralisme et de la différence, dont la forme littéraire serait le fragment : « Par la bande, grignoter la doxa ».

Contenu de l’ouvrage
Première partie

Elle est consacrée à l’analyse de divers modes d’écriture. Le mode politique donne lieu à des pages brillantes, souvent polémiques, sur l’écriture révolutionnaire, l’écriture bourgeoise, marxiste ou intellectuelle. Ce sont autant de « mythologies » de la forme écrite, où est dénoncée la fausseté des rapports entre le langage et le monde, dès qu’une médiation s’y agrège de manière parasite.

« L’écriture du roman » est décrite comme la fabrication d’une fausse évidence qui masque l’absence de réalité sous une fabulation crédible. Barthes s’attache à deux conventions du roman : le passé simple et la 3e personne. La poésie, quant à elle, et particulièrement la poésie moderne, échapperait au jeu des masques de l’« écriture ». Elle ne serait que langue et style ; à travers elle, « l’homme affronte le monde objectif sans passer par aucune des figures de l’Histoire ou de la sociabilité ».

Seconde partie

Elle développe l’histoire de l’écriture. Barthes montre la naissance d’une mauvaise conscience de l’écrivain, voire d’un tragique de la littérature dans la France du XIXe siècle. Gustave Flaubert en serait l’exemple privilégié. Après lui, la littérature n’aurait pu choisir qu’entre l’exposition et la présentation de son propre masque (« Je suis littérature », proclame le roman naturaliste, tout en prétendant dire le réel) et le sabordage, le silence d’un Rimbaud ou d’un Mallarmé. Dans cette situation, le « degré zéro » apparaît comme une innocence reconquise. Barthes entrevoit chez certains écrivains de son temps l’utopie d’une réconciliation entre la littérature et le monde, au-delà d’une société qui demeure irréconciliée.

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