Le Naturalisme (XIXe siècle)

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Le Naturalisme

XIXe siècle

Introduction

Le Naturalisme est une école et une doctrine littéraire fondées par Émile Zola au début de la IIIe République. Plus anciennement, le mot naturalisme désignait en philosophie le « système de ceux qui attribuent tout à la nature comme premier principe » (Littré). En esthétique, le terme désignait la doctrine qui donne pour but à l’art l’imitation fidèle de la nature : c’est dans ce dernier sens que Baudelaire appelle Balzac un « naturaliste ».

Le Naturalisme, dont le principal porte-parole a été Zola, est caractérisée par la volonté de peindre la réalité sociale dans tous ses aspects (notamment les milieux prolétaires), le recours aux méthodes de la science, le rejet du style, de l’intrigue, des personnages.

Zola et le groupe de Médan

Zola parle déjà des « écrivains naturalistes » dans sa préface à Thérèse Raquin en 1867 ; c’est à la même époque qu’il conçoit le projet des Rougon-Macquart sur le modèle de la Comédie humaine, de Balzac : ce vaste cycle romanesque forme vingt volumes, publiés entre 1871 et 1893, et raconte, comme le dit son sous-titre, l’« histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire ».

Après cinq romans qui évoquent l’irrésistible ascension de personnages de bourgeois, Zola connaît un grand succès en 1877 avec l’Assommoir, qui raconte la « déchéance d’une famille ouvrière dans le milieu de nos faubourgs » (préface). Ce roman rivalise avec le Réalisme documentaire et « artiste » des frères Goncourt, qui avaient publié en 1865 Germinie Lacerteux, une étude d’après nature sur la dégradation pathologique d’une servante.

C’est à l’époque de la publication de l’Assommoir que Zola réunit tous les jeudis, dans la maison de campagne qu’il vient d’acheter à Médan, près de Paris, un groupe d’écrivains, parmi lesquels MaupassantHuysmans, Céard, Hennique et Alexis. La pensée de ce groupe s’affirme en 1880, avec la publication d’un volume collectif, les Soirées de Médan. Parallèllement se constitue une véritable doctrine à travers les articles de Zola lui-même (le Roman expérimental, 1880). Le mouvement est porté par le succès commercial du romancier et par les attaques violentes qu’il subit de la part de la France conservatrice : « M. Zola, écrit Barbey d’Aurevilly, se vautre dans le ruisseau et il le salit. » La composition du groupe, pris en pleine tempête de scandales, varie considérablement, au gré de la « trahison » de certains membres et de l’arrivée de nouveaux adeptes.

Le Naturalisme cependant influence le théâtre: on assiste à des mises en scène hyperréalistes d’adaptations de romans naturalistes, Zola publie son Naturalisme au théâtre (1881) ; entre 1887 et 1896, on monte au Théâtre-Libre les pièces d’Alexis, de Céard, d’Hennique, celles d’Octave Mirabeau et d’Henry Becque (les Corbeaux, 1882).

Cependant, le succès du Disciple (1889), récit du romancier naturaliste Paul Bourget, et une enquête du journaliste Jules Huret (1891) correspondent avec la fin du mouvement : Zola lui-même adopte alors une nouvelle orientation. Le Naturalisme n’en connaît pas moins une durable diffusion internationale, d’abord en Belgique avec Lemonnier et Eekhoud, puis dans de nombreux pays, et jusqu’au Japon, avec Tayama Katai.

L’histoire du Naturalisme s’ancre profondément dans la première période de la IIIe République, de la « débâcle » fondatrice de 1870 au tournant des années 1890 (c’est d’ailleurs avec le second Empire que s’achève l’histoire des Rougon-Macquart). Cette époque est marquée par la volonté des républicains modérés de se réconcilier avec l’Eglise, par l’abandon de tout espoir de restauration monarchique, et par un « retour offensif du mysticisme contre la science », retour décrié par Marcelin Berthelot, la figure emblématique du positivisme de la « République des savants ». Zola lui-même se retrouve au centre de l’histoire politique au moment de l’affaire Dreyfus, puisqu’il prend vigoureusement parti pour Dreyfus et, avec son article « J’accuse », paru le 13 janvier 1898, fait naître la figure de l’intellectuel engagé.

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La doctrine et l’écriture naturalistes

Balzac déjà avait représenté la ville comme une jungle et mis le Réalisme sous le signe des sciences naturelles, mais ses romans restaient des romans de l’« âme ». Zola, lui, légitime son entreprise littéraire par une référence systématique aux sciences de la nature : lutte pour la vie et sélection naturelle (Darwin, De l’origine des espèces, 1859), lois de l’hérédité (Lucas, Traité philosophique et physiologique de l’hérédité naturelle, 1850), démarche expérimentale et médicale (Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, 1865).

Du point de vue de l’écriture, le naturalisme hérite des réalistes d’après 1850 tels que Champfleury ou Duranty, mais aussi du réalisme subjectif de Flaubert et surtout du souci documentaire et pourtant « artiste » des Goncourt, qui se disaient « à la fois des physiologistes et des poètes ». Pour se documenter, Zola fit un nombre important de lectures, mais il mena également de nombreuses enquêtes sur le terrain (les Carnets de ces enquêtes ont été publiés) : cette méthode lui a valu d’incarner à jamais le stéréotype du romancier « observateur », qui se répandra bien au-delà du naturalisme.

Selon Roland Barthes, le style naturaliste mélange les « signes formels de la littérature (passé simplestyle indirect libre, rythme écrit) et des signes non moins formels de réalisme (pièces rapportées du langage populaire, mots forts, dialectaux, etc.) », au point de constituer certains « tics » d’écriture : plages descriptives nourries de documentation mais intégrées grâce à une amorce de point de vue subjectif (« Ils s’arrêtèrent en face de la plage, à regarder. Des voiles, blanches comme des ailes d’oiseau », etc.).

Le Naturalisme de Maupassant est plus particulièrement marqué par l’héritage de son parrain, Flaubert : utilisation subtile des variations de points de vue, brouillage de l’image du narrateur (qui ne dit pas « je » mais s’exprime par divers biais : style indirect libre, ironie, ambiguïté du « on »)

L’imaginaire naturaliste

Les naturalistes se sont référés à Schopenhauer pour son pessimisme joyeux et surtout son idée d’une « volonté » amorale qui alimenterait la vie et ne se suspendrait que dans la contemplation esthétique (Zolala Joie de vivre ; MaupassantAuprès d’un mort). Cette force vitale, sous la forme de l’« instinct », du « tempérament », de la « fêlure héréditaire », de l’appétit (l’oie farcie de Gervaise), du désir, c’est-à-dire en fin de compte de la nature, est au cœur de l’imaginaire naturaliste. L’« histoire naturelle et sociale » des Rougon-Macquart et les références scientistes de Zola trouvent ici leur véritable explication, qui n’est plus tout à fait rationnelle.

Quand le personnage du roman naturaliste est coupé de cette nature, sa vie est étouffée (c’est le schéma développé dans des romans aux titres ironiques, comme Une vie, de MaupassantUne belle journée, de Céard ou la Joie de vivre, de Zola). Quand il est dominé par la nature, le personnage devient un « rapace », avide d’argent, de pouvoir, de vice, profondément immoral (ce sont les affairistes du second Empire chez Zola, ou le personnage principal de Bel Ami, de Maupassant). Parfois, son instinct dévorant l’amène à la déchéance : dans l’alcoolisme (Zolal’Assommoir) ou dans la prostitution (HuysmansMarthe ; Edmond de Goncourt, la fille Elisa ZolaNana). La foi religieuse devient parfois elle-même pulsion destructrice (les GoncourtMadame Gervaisais). Tout cela nous ramène à l’idée principale du Naturalisme : sous l’homme social se cache la bête (Zolala Bête humaine MaupassantToine).

Dans la vision naturaliste, les choses fabriquées par l’homme deviennent parfois corps humains, organes malades ou animaux : c’est le cas de la « Lison », locomotive-femme de la Bête humaine, de l’alambic avec son « bedon » et sa « sueur d’alcool » dans l’Assommoir, mais aussi du « Vaureux », « bête mauvaise » dans Germinal.

La nature est toujours là, à la fois fascinante et effrayante, profondément ambivalente puisqu’elle est à la fois destruction et désir, maladie et fécondité. Le voyage à la campagne permet au personnage citadin de retrouver un moment, pour le meilleur ou pour le pire, cette nature originelle (MaupassantUne partie de campagneSur l’eau). C’est aussi pour le meilleur ou pour le pire que le paysan reste à son enracinement (Zolala Terre). On ne s’étonnera pas que ce soit un écrivain naturaliste, Rosny aîné, qui ait inventé le roman préhistorique (la Guerre du feu, 1911).

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Cette ambivalence de la nature s’accorde à celle du rapport que les écrivains entretiennent avec la société : si Maupassant adopte un cynisme compatissant, Zola professe des opinions qui relèvent du progressisme bourgeois. Après la descente dans le tragique de l’« instinct » jusqu’à l’apocalypse de GerminalZola retrouvera la nature comme fécondité, promesse de renouveau et d’avenir radieux.

📽 Vidéo : L’essentiel à savoir sur le Naturalisme

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