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Présentation

La fable, du latin fabula qui signifie « récit, fiction », est un petit récit à visée morale et didactique, qui met généralement en scène des animaux. Forme d’allégorie, la fable livre une leçon, un enseignement d’autant plus efficace qu’elle est attrayante, qu’elle suscite l’étonnement : la symbolique animale (ou végétale et parfois humaine) permet de révéler l’individualité de l’homme, ainsi que ses faiblesses.

Sorte d’apologue, mot issu du grec apologos et qui veut dire « récit à intention moralisatrice », la fable se distingue cependant de ce dernier par le développement plus ample de son élément narratif. Jean de La Fontaine, parlait pourtant d’apologue pour ses Fables : « L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme. Le corps est la fable ; l’âme, la moralité ». La fable se distingue également du conte, plus long, et de la parabole, particulièrement brève, qui ne met pas en scène des personnages.

→ À lire : Biographie de La Fontaine. – Le conte.
Genres de poésie » Le genre didactique.

Tentative de définition
Les mots fable, fabulistes, affabulation

Le mot fable, issu du latin fabula (« récit, propos »), apparaît vers 1155 et prend très vite le sens de « récit imaginaire, histoire ». Le caractère mensonger de la fable existe dès son origine en français, tout comme la définition « petit récit moralisant qui met en scène des animaux » (v. 1180). Au XVIIe siècle, le mot s’applique également à la mythologie de l’Antiquité païenne (on parle alors de fable des dieux grecs, par exemple). Le terme fabuliste, emprunté à l’espagnol fabulista en 1588, signifie quant à lui « conteur de mensonge ». C’est avec Jean de La Fontaine qu’il prend le sens d’« auteur de fable ». Le terme affabulation revêt au XVIIIe siècle le sens latin, qu’il a aujourd’hui perdu, de « moralité d’une fable ».

Cependant, si l’on remonte plus en amont, l’étymologie du mot fabula vient de fari, « parler », sens qui englobe non seulement l’idée de l’oralité, mais aussi de la parole vraie et de la parole mensongère. La parole est en effet bien au centre de la fable : « J’ai fait parler le loup et l’agneau. / J’ai poussé plus avant : les Arbres et les Plantes / Sont devenus chez moi créatures parlantes », « Car tout parle dans l’Univers », dit dans deux de ses Fables Jean de La Fontaine, qui raconte que sa muse « traduisait en langue des Dieux » les paroles de tout ce qui vit ici-bas. Le fabuliste La Fontaine se pose ainsi en interprète d’une parole divine, qu’il présente comme vraie.

La fable, entre mensonge et vérité

L’acception du mot fable est diversement interprétée par les fabulistes eux-mêmes et par leurs contemporains. Au IVe siècle av. J.-C., Platon, dans la République, se demande si « tout ce que disent les conteurs de fables et les poètes [n’est] pas le récit d’événements passés, présents ou futurs ». Posant ainsi la fable comme source possible de vérité, il ajoute également que Socrate considère « comme sœurs la poésie et nos fables ». Quintilien, dans L’Institution oratoire (v. 95 apr. J.-C.), distingue pour sa part trois formes de narration : « la fable, qui n’a rien de commun avec la vérité ni pour le fond ni pour la forme, et fait le sujet des tragédies et des poèmes ; l’argument, qui est fictif, mais vraisemblable, et fait le sujet des comédies ; l’histoire, ou exposition d’un fait ».

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La fable, entre divertissement et instruction

D’aucuns, comme Jean de La Fontaine, affirment le caractère didactique de la fable (« Je me sers d’animaux pour instruire les hommes »), d’autres n’y lisent que divertissement. Quoi qu’il en soit, la parole du fabuliste est bien marquée dans les fables, le conteur est présent, pour attirer l’attention ou pour instruire (« l’art d’instruire en amusant », explique le chevalier de Jaucourt dans L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers). Le fabuliste latin Phèdre (Ier siècle) précise en ce sens que ses deux vocations sont de faire rire (« risum movere») et de donner l’exemple (« exemplo movere »). Les interventions du fabuliste, son humour, son cynisme, ne sont en effet pas là vainement. Selon L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, c’est une « instruction déguisée sous l’allégorie d’une action », dont l’invention remonte à celle « de l’allégorie dont la fable est une espèce » ; selon le dictionnaire d’Émile Littré, c’est un « petit récit qui cache une moralité sous le voile d’une fiction et dans lequel d’ordinaire les animaux sont les personnages ».

Selon Jean de La Fontaine, la fable a le plus souvent pour finalité de « vous persuader ». Fénelon veut quant à lui qu’on en nourrisse l’esprit de l’enfant. Il explique qu’elle doit faire parler les personnages, afin d’éveiller l’imagination des enfants, tout en exerçant leur jugement.

Certains la trouvent grossière, d’autres « simple et transparente », mais beaucoup s’accordent à parler de naïveté — dans le sens de « naturel, authentique ». En fait, la fable est aussi multiple que ses fabulistes. Jean-François Marmontel décrit d’ailleurs ainsi les principaux fabulistes dans L’Encyclopédie : « Ésope raconte simplement, mais en peu de mots ; il semble répéter fidèlement ce qu’on lui a dit, Phèdre y met plus de délicatesse et d’élégance, mais aussi moins de vérité. […] La Fontaine a répandu dans le sien tous les trésors de la Poésie, et il n’en est que plus naïf ». Parfois en prose (comme chez Ésope), parfois en vers (comme chez La Fontaine), quelquefois exclusivement animale (selon la définition d’Aristote), quelquefois mettant en scène animaux, plantes et hommes, tantôt politique, tantôt morale, la fable est un genre protéiforme qui se manifeste donc sous de multiples facettes.

Origines et évolution

Ésope. Estampe de Francisco de Goya (1746-1828).La fable est un genre commun à toutes les cultures et ses origines se perdent dans l’antiquité la plus reculée. Les fables dites indiennes sont popularisées au VIIe siècle par leur traduction en arabe, et inspireront Ibn’ Al-Muqaffa’ dans le livre de Kalila et Dimna. La tradition les porte à des auteurs légendaires dont on connaît Pilpay.

Les Grecs citaient comme le créateur de la fable Ésope (VIe siecle av. J.-C.) mais on en trouve chez Hésiode, dès le VIIIe siècle av. J.-C., telle la jolie fable « L’Épervier et le Rossignol ». Les fables ésopiques, rédigées en prose, furent mises en vers par Babrius (IIIe ou IIe siècle av. J.-C.). Chez les Latins, le fabuliste Phèdre est avant tout un moraliste, mais c’est aussi un poète ; le récit est évidemment subordonné à la morale, mais il n’est pas décharné comme dans les fables ésopiques. Il est narratif, dialogué, il a du mouvement et du naturel. Horace n’est pas un spécialiste de la fable, mais quand il en glisse une dans ses épîtres ou dans ses satires, il en fait un chef-d’œuvre.

Le genre fleurit au Moyen Âge. Le fabuliste grec Ésope était si populaire à cette époque qu’on appela Ysopets tous les recueils de fables : par exemple celui de Marie de France (XIIe siècle) et les fabliaux, où la moralité importe moins que l’observation. De nombreuses fables du monde entier — indiennes (celles de Bidpay) ou arabes (celles de Lokman, XIVe siècle) — sont également traduites pendant cette période.

À la Renaissance, Gilles Corrozet est le premier à produire une traduction libre en vers des Fables d’Ésope (Les Fables du très ancien Ésope, mises en rithme françoise, 1542). Par la suite, d’importants recueils de fables sont publiés, notamment Les Hecatomythium (1495) et Hecatomythium secundum (1499) du poète italien Laurentius Abstemius (Lorentio Astentio en italien) et le recueil de Fables de Gabriel Faërne (ou Gabriele Faerno), publié au XVIe siècle.

Le XVIIe siècle conserve la tradition des fabulistes Ésope et Phèdre ainsi que celle des des légendes de l’Indien Pilpay. Le Suisse Issac Nicholas Nevelet traduit les Fables d’Ésope en latin (reprises par Jean Beaudoin dans les Fables d’Ésope phrygien, 1631) tandis qu’un avocat, François Pithou, exhume et fait publier en 1596 par son frère Pierre les Fables de Phèdre, oubliées depuis des siècles. Par ailleurs, sous l’influence janséniste, le classicisme préfère considérer l’apologue dans sa perspective didactique : c’est un récit qui s’ouvre ou se ferme sur une « morale », c’est-à-dire une leçon de sagesse. L’apologue est donc un moyen de former le jugement moral.

Jean de La Fontaine par Hyacinthe Rigaud, en 1690.

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Cette double tradition s’enrichit du goût de l’époque pour l’aspect ludique de la fable. Ainsi, une triple influence préside à la refonte du genre par La Fontaine. C’est lui qui donne à la fable ses lettres de noblesse, élevant le genre à la dignité de la poésie. Il transforme le genre — considéré jusqu’alors comme dépourvu de dignité littéraire — et ajoute à son seul rôle didactique une réelle vocation littéraire. La Fontaine choisit la fable, grâce à laquelle il entrevoit la possibilité de pratiquer une poésie naturelle, spontanée, pleine d’élégante simplicité, propre à plaire au public des salons. Dès la publication du premier livre des Fables, une véritable mode est lancée : « Il n’y a pas d’instruction qui soit plus naturelle et qui touche plus vivement que celle-ci », écrit l’académicien Antoine Furetière en 1671. Le nom de Jean de La Fontaine s’inscrit ainsi au terme d’une longue histoire du genre et ses Fables sont largement inspirées des fables d’Ésope, de Phèdre et de tous leurs héritiers ainsi que de celles de Bidpay. Cependant, en le renouvelant de façon magistrale, le fabuliste a permis au genre d’atteindre son apogée.

Les imitateurs de Jean de La Fontaine ont été légion, mais peu d’entre eux ont atteint sa renommée : ni les Fables (1727-1738) de John Gay, ni celles de Gotthold Ephraïm Lessing (1759), ni les Fabulas literarias (1782) de Tomás de Iriarte n’atteignent la qualité littéraire des fables de celui-ci. Seul Ivan Andreïevitch Krylov (1768-1844) fait figure de novateur en brossant dans chacune de ses Fables (1809-1843) un savoureux tableau du peuple russe. Aux XIXe et XXe siècles, Le Livre de la jungle (1894-1895) de Rudyard Kipling, La Ferme des animaux (1945) de George Orwell ou La Fable du monde (1938) de Jules Supervielle cultivent à leur tour l’esprit de la fable. Bien que l’institution scolaire en ait fait, pendant trois siècles, un usage légitime, mais réducteur, la fable ne cesse de séduire. Elle s’adresse, en outre, à un lectorat indifférencié, même si Robert Desnos a composé Trente Chantefables pour les enfants sages (1944).

Structure et protagonistes
Une fable en trois temps

La structure traditionnelle de la fable est cependant presque toujours la même : énonciation d’une problématique (« La raison du plus fort est toujours la meilleure », « le Loup et l’Agneau » de Jean de La Fontaine), le récit d’une action et enfin une conclusion soit directement ancrée dans le récit avec une apothéose finale et pertinente (« Le Loup l’emporte, et puis le mange, / Sans autre forme de procès », op. cit.), soit sous forme de moralité (« Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : / Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,/ Tout petit prince a des ambassadeurs, / Tout marquis veut avoir des pages. », « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf » de Jean de La Fontaine).

Un bestiaire riche et souvent conventionnel

Dans la fable occidentale, le bestiaire, assez varié, se compose essentiellement d’animaux stéréotypés, et le lien entre ces animaux et les caractères humains reste assez conventionnel. Ainsi, l’animal représentant le plus souvent le pouvoir et la grandeur est le Lion ; pour figurer la cruauté, la férocité et par là l’autoritarisme, le Loup est reconnu comme la figure idéale. Le Renard est pour sa part rusé et intelligent, le Chien fidèle, l’Âne stupide, l’Agneau doux, la Fourmi besogneuse, etc.

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