Alain-Fournier

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Auteurs français

Alain-Fournier

1886 – 1914

Alain-Fournier en septembre 1905 à la Chapelle d'Angillon.Présentation

Alain-Fournier est un écrivain français auteur d’un unique roman, Le Grand Meaulnes, récit poétique d’inspiration autobiographique. Il est né le 3 octobre 1886 à La Chapelle-d’Angillon dans le Cher et mort au combat le 22 septembre 1914 (à 27 ans) à Saint-Remy-la-Calonne. Mobilisé en 1914, il est tué lors d’une altercation avec des Allemands. La disparition du lieutenant Fournier, rapportée par la presse, impressionne fortement ses contemporains, bien qu’il n’ait été officiellement déclaré « mort pour la France » qu’en juin 1920. Il est ensuite décoré de la croix de guerre avec palme et nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Vie d’Alain-Fournier

Alain-Fournier, de son vrai nom Henri Alban Fournier, a eu une vie brève et intense, marquée par quelques étapes essentielles : une enfance nourrie des paysages du Berry et de la Sologne, sa rencontre en khâgne avec Jacques Rivière et l’amitié intense qui s’ensuit, l’amour passionné pour Yvonne de Quiévrecourt, croisée le jour de l’Ascension de 1905, le succès de l’unique roman Le Grand Meaulnes (1913) et sa mort sur le front, le 22 septembre 1914.

La Correspondance qu’il entretient avec Jacques Rivière, son beau-frère (1905-1914, publiée en 1926-1928) permet de cerner ses goûts littéraires : les symbolistes, Maurice Maeterlinck, Jules Laforgue, Francis Jammes, Arthur Rimbaud, André Gide, etc.

Le Grand Meaulnes
Genèse et caractéristiques

C’est pour dire la rencontre amoureuse qui alimente sa vie « de ferveur, de tristesse et d’extase » qu’Alain-Fournier veut écrire un roman. Il trouve son « chemin de Damas » en 1910 : « Je me suis mis à écrire simplement, directement, comme une de mes lettres […] une histoire assez simple qui pourrait être la mienne », écrit-il à sa sœur.

Le Grand Meaulnes retrace et transfigure l’adolescence de l’auteur lui-même. les paysages poétiques évoqués sont ceux de son enfance, et l’impossible amour d’Augustin Meaulnes pour Yvonne de Galais, qui connaît une fin tragique, transpose l’émerveillement et l’échec de son amour pour Yvonne de Quiévrecourt. En outre, le narrateur, François Seurel, emprunte à Alain-Fournier sa sensibilité et la ferveur de son amitié pour Jacques Rivière. Quant à Frantz, le « bohémien », il n’est autre que l’incarnation de son désir d’évasion et de sa rêverie romanesque.

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Le charme du récit tient au mélange du banal et d’une « dose latente de merveilleux », à la poésie des lieux, à la confusion des époques, à la sensibilité de l’adolescence et à la quête vaine de l’absolu qui oriente une sorte de parcours initiatique. Par ces traits, Le Grand Meaulnes n’est pas sans évoquer Sylvie de Gérard de Nerval.

Réception du roman

Le roman connaît dès sa parution un très large succès, lequel est encore renforcé par la mort prématurée et héroïque d’Alain-Fournier.

L’ouvrage paraît, il est vrai, au moment où le genre romanesque était en crise et où s’exprimait, chez les héritiers du symbolisme, la volonté d’un renouveau littéraire. Pour remplacer le naturalisme dans le roman, plusieurs formules avaient déjà été essayées : le roman d’analyse psychologique puis le roman poétique d’inspiration symboliste. Georges Rodenbach ou Francis Jammes avaient tenté de répondre au mot d’ordre de Remy de Gourmont lisant Gabriele D’Annunzio : « Tout roman qui n’est pas un poème n’existe pas. » De surcroît, les fondateurs de la Nouvelle Revue française (N.R.F.) (1909 pour la revue, 1911 pour la maison d’édition dirigée par Gaston Gallimard) étaient en quête d’un nouveau classicisme. Or l’alliance de la simplicité et de l’onirisme qui caractérisaient Le Grand Meaulnes lui permettait précisément de répondre à cette double attente et lui fit trouver sa place à la N.R.F. aux côtés, par exemple, des textes de Charles-Louis Philippe.

→ À lire : Alain-Fournier : Le Grand Meaulnes (1913).

Extrait : Le Grand Meaulnes (première partie, chapitre 15)

Le passage qui suit se situe au cœur de la « fête étrange », qui est l’un des morceaux les plus connus du roman. Égaré dans un coin perdu de Sologne, Meaulnes, le héros, a découvert un château peuplé de personnages mystérieusement déguisés. Parmi eux, une jeune fille blonde qu’il a vue dans un salon et qui l’a frappé par sa beauté. Au milieu de cet étrange décor — on célèbre des fiançailles qui n’auront pas lieu —, le grand Meaulnes s’apprête à aborder l’inconnue.

On aborda devant un bois de sapins. Sur le débarcadère, les passagers durent attendre un instant, serrés les uns contre les autres, qu’un des bateliers eût ouvert le cadenas de la barrière… Avec quel émoi Meaulnes se rappelait dans la suite cette minute où, sur le bord de l’étang, il avait eu très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille ! Il avait regardé ce profil si pur, de tous ses yeux, jusqu’à ce qu’ils fussent près de s’emplir de larmes. Et il se rappelait avoir vu, comme un secret délicat qu’elle lui eût confié, un peu de poudre restée sur sa joue…
À terre, tout s’arrangea comme dans un rêve. Tandis que les enfants couraient avec des cris de joie, que des groupes se formaient et s’éparpillaient à travers bois, Meaulnes s’avança dans une allée, où, dix pas devant lui, marchait la jeune fille. Il se trouva près d’elle sans avoir eu le temps de réfléchir :
« Vous êtes belle », dit-il simplement.
Mais elle hâta le pas et, sans répondre, prit une allée transversale. D’autres promeneurs couraient, jouaient à travers les avenues, chacun errant à sa guise, conduit seulement par sa libre fantaisie. Le jeune homme se reprocha vivement ce qu’il appelait sa balourdise, sa grossièreté, sa sottise. Il errait au hasard, persuadé qu’il ne reverrait plus cette gracieuse créature, lorsqu’il l’aperçut soudain venant à sa rencontre et forcée de passer près de lui dans l’étroit sentier. Elle écartait de ses deux mains nues les plis de son grand manteau. Elle avait des souliers noirs très découverts. Ses chevilles étaient si fines qu’elles pliaient par instants et qu’on craignait de les voir se briser.
Cette fois, le jeune homme salua, en disant très bas :
« Voulez-vous me pardonner ?
— Je vous pardonne, dit-elle gravement. Mais il faut que je rejoigne les enfants, puisqu’ils sont les maîtres aujourd’hui. Adieu. »
Augustin la supplia de rester un instant encore. Il lui parlait avec gaucherie, mais d’un ton si troublé, si plein de désarroi, qu’elle marcha plus lentement et l’écouta.
« Je ne sais même pas qui vous êtes », dit-elle enfin.
Elle prononçait chaque mot d’un ton uniforme, en appuyant de la même façon sur chacun, mais en disant plus doucement le dernier… Ensuite elle reprenait son visage immobile, sa bouche un peu mordue, et ses yeux bleus regardaient fixement au loin.
« Je ne sais pas non plus votre nom », répondit Meaulnes.
Ils suivaient maintenant un chemin découvert, et l’on voyait à quelque distance les invités se presser autour d’une maison isolée dans la pleine campagne.
« Voici la “maison de Frantz”, dit la jeune fille ; il faut que je vous quitte… »
Elle hésita, le regarda un instant en souriant et dit :
« Mon nom ?… Je suis mademoiselle Yvonne de Galais… »
Et elle s’échappa.

(Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty, Anthologie des littératures de langue française, Paris, Bordas, 1988)

 Citations choisies d’Alain-Fournier
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  • Un homme qui a fait une fois un bond dans le Paradis, comment pourrait-il s’accommoder ensuite de la vie de tout le monde ? (Le Grand Meaulnes)
  • Peut-être quand nous mourrons, peut-être la mort seule nous donnera la clef et la suite et la fin de cette aventure manquée. (Le Grand Meaulnes)
  • Le passé ne peut renaître. (Le Grand Meaulnes)
  • Ce qui me plaît en vous, ce sont mes souvenirs. (Le Grand Meaulnes)
  • Voici le bonheur, voici ce que tu as cherché pendant toute ta jeunesse, voici la jeune fille qui était à la fin de tous tes rêves ! (Le Grand Meaulnes)
  • Le bonheur est une chose terrible à supporter. Surtout lorsque ce bonheur n’est pas celui pourquoi on avait arrangé toute sa vie. (Correspondances, Jacques Rivière – 22 Juillet 1913)
  • L’amour comme un vertige, comme un sacrifice, et comme le dernier mot de tout. (Correspondances, Jacques Rivière)
  • Seules les femmes qui m’ont aimé peuvent savoir à quel point je suis cruel . (Correspondances, Jacques Rivière)
  • Le mariage est une chose impossible et pourtant la seule solution. (Correspondances, Jacques Rivière)
  • L’approche est toujours plus belle que l’arrivée. (Correspondances, Jacques Rivière)
  • Il y a chez elle une confiance, une joie et une force cachées qu’il faut découvrir, comme une source entre les feuilles. (Correspondances, Jacques Rivière)
  • La plupart du temps, nous mourons de faiblesse, nous ne mourons de ne rien oser.
  • Je cherche la clé des évasions vers ces pays désirés, et c’est peut-être la mort.
  • Les plus beaux jours de ma vie sont ceux où j’ai pensé le plus ardemment à vous. (Correspondances, Yvonne de Vaugrigneuse)
  • Mais ce que j’aime en vous surtout, c’est que vous n’êtes pas seulement un professeur, qui se grise à expliquer les choses mais vous les montrez, vous les faites voir, et pour cela vous devenez poète et visionnaire. (Correspondances, Charles Péguy)
Œuvres principales
  • Le Grand Meaulnes (1913)
  • Miracles (recueil de poèmes et de nouvelles rassemblés et présentés en 1924 par Jacques Rivière)
  • Correspondances (avec Jacques Rivière, sa famille, René Bichet, André Lhote, Charles Péguy, Madame Simone)
  • Chroniques et critiques (articles de journaux et revues)

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