Jean Giono : Colline (1928)
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Jean Giono
Colline (1928)
Sommaire
👤 Jean Giono
Jean Giono est un écrivain français, dont de nombreux romans ont pour cadre — voire pour personnage principal — la Provence. Il est né le 30 mars 1895 à Manosque et mort le 9 octobre 1970 dans la même ville. [Lire la suite de sa biographie]
📚 Autres œuvres : Le Hussard sur le toit (1951). – Un roi sans divertissement (1947). – Que ma joie demeure (1935). – Le Chant du monde (1934).
Présentation
Colline est un roman de Jean Giono, publié en 1928, aux éditions Grasset. C’est le premier roman de l’auteur et le premier de la « Trilogie de Pan ». Les deux autres seront : Un de Baumugnes (1929) et Regain (1930).
Dans Colline, Jean Giono exalte dans une langue riche et puissante les liens profonds qui lient les paysans à la nature.
La consécration
Giono, qui assume des fonctions dans une banque, écrit à ses heures perdues des poèmes en prose, dans lesquels il chante son amour pour la haute Provence qu’il habite, de courts récits évoquant des anecdotes ou des expériences personnelles, un roman même, Naissance de l’Odyssée, mais c’est avec Colline, écrit pour se divertir de ce lourd travail, qu’il entre de plain-pied dans l’univers et le style qui lui sont propres. L’auteur invente une forme d’écriture nouvelle en utilisant le langage des hommes de la campagne (langage populaire). Ce style d’écriture se retrouvera dans les deux livres de la Trilogie de Pan. Le genre se teinte ainsi d’un réalisme merveilleux : des faits réalistes entremêlés de l’interprétation irrationnelle des personnages, le surnaturel.
Le texte enthousiasme les milieux parisiens de l’édition, Giono est même pressenti pour le prix Goncourt. Sa vie se confond désormais avec celle de ses œuvres.
La colline en colère
La peur règne au village des Bastides-Blanches. Janet, le doyen, a la fièvre, il « déparle », il tient des propos étranges, des propos vengeurs, comme si les bêtes, les plantes, les rochers, la colline, parlaient à travers lui et lâchaient leur ressentiment contre l’aveuglement des hommes et leur brutalité de bêtes qui « tuent » la nature en se l’appropriant.
D’ailleurs la nature, les collines, les bosquets, les bêtes, l’air même, tout semble respirer, se rebeller, résister aux hommes. La source s’est tarie, elle ne chante plus dans la fontaine, la sécheresse gagne du terrain. Les habitants, derrière Jaume, s’organisent mais l’épreuve est rude et la mort rôde. Janet poursuit son chant de malédiction. Un incendie se déclare dans les collines. Au terme d’un combat épique avec le feu, l’idée germe de le tuer pour libérer le village. Mais Janet est déjà mort et tout rentre dans l’ordre. L’eau refait surface. Au matin, Jaume tue un sanglier venu s’abreuver et le village s’accorde autour de la viande partagée.
La Trilogie de Pan
Le succès de Colline libère l’inspiration de l’écrivain. Les deux romans suivants, Un de Baumugnes (1929) et Regain (1930), sont rattachés au premier pour former un ensemble intitulé P.A.N., chaque œuvre correspondant à une lettre du nom du dieu grec, symbole d’une nature puissante, féroce, désordonnée, agissant sur l’homme. L’univers propre de l’écrivain s’affirme avec force dans ce premier cycle romanesque.
La topographie emprunte à sa géographie personnelle — les plateaux de la haute Provence derrière Manosque ainsi que les montagnes des Alpes du Sud entre Gap et Grenoble — mais pour former une région imaginaire aux dimensions gigantesques dans laquelle de nombreux romans à venir situeront leurs actions. La nature occupe une place privilégiée à travers ses trois règnes, végétal, animal et aussi minéral. La terre vit, vibre, animée d’une force propre et les trois romans évoquent, sous différents aspects, « l’intime mêlée du paysage et de l’homme » (Luce Ricatte).
Dans Colline, les hommes font l’expérience brutale, violente, de cette vie de la terre, de la nature qui les environne : les paroles délirantes de Janet associées aux impressions angoissantes ressenties dans la colline devenue hostile provoquent une terreur panique et donnent une leçon « animiste » aux hommes. Elles éveillent en eux la vision, les obligent à voir, sentir cette vie qu’ils ignoraient jusque-là. Dans Regain, Panturle, le dernier habitant d’un village accroché au plateau, se met à vivre peu à peu de manière sauvage, en accord avec la force panique des éléments, jusqu’à ce qu’Arsule, jeune femme de passage, guidée par le fantôme de la Mamèche, une italienne installée au village dont elle est partie mystérieusement, vienne ranimer en lui sa vigueur d’homme. Le village revit alors et une nouvelle harmonie se tisse entre l’homme et la nature qu’il cultive.
C’est cette harmonie que les personnages du second roman vont, eux aussi, retrouver à la fin, lorsqu’Albin, Angèle et son petit rejoignent Baumugnes, le village d’où vient Albin, perché dans la « montagne des “muets” », « où on ne parle pas comme les hommes ». L’amour, la musique, dont Albin joue et par laquelle il communique avec Angèle que son père a enfermée pour la punir d’avoir fauté, l’amitié, celle d’Amédée, le narrateur, pour Albin, inscrivent les personnages dans des attitudes héroïques annonçant les grandes figures compatissantes, aimantes, qui parcourent l’œuvre de Giono.
Les trois romans inaugurent aussi ce qui fera la grande force de l’écrivain, à savoir son style parlé, son exploitation du langage populaire qu’il mêle à une langue poétique imagée, pour rendre sensible les impressions, les sensations, les sentiments des personnages et rendre tangible cette nature qui le fascine : le moindre souffle de vent, la moindre bête ou le moindre brin d’herbe se trouvent ainsi personnifiés, animés.
Le succès place Giono au cœur de l’effervescence artistique des années trente et notamment du cinéma. Les deux derniers textes font l’objet d’adaptations cinématographiques, réalisées par Marcel Pagnol et mettant en scène à chaque fois Fernandel, acteur provençal célèbre. Angèle, tiré d’Un de Baumugnes, en 1934, et Regain, en 1937. L’univers gionien inspirera d’ailleurs souvent Marcel Pagnol qui a acheté les droits de plusieurs textes et en a tiré le sujet de plusieurs de ses films, dont Jofroi (1934) et La Femme du boulanger (1938).
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