Règle des trois unités

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Règle des trois unités

– article détaillé –

Présentation

Le théâtre classique français (surtout la tragédie) était astreint à des règles assez rigoureuses. Nicolas Boileau les a formulées dans le chant III de son Art poétique. Une des règles principales du théâtre classique est la règle des trois unités, énoncée par Boileau en ces termes :

Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.

(Nicolas Bioleau, Art poétique. Ch. III, v. 45)

Cette règle est appelée règle des trois unités, parce qu’elle prescrit effectivement trois sortes d’unités : l’unité de lieu, l’unité de temps et l’unité d’action. Ces trois unités sont communes à la tragédie et à la comédie. L’unité d’action est la seule qui soit essentielle dans l’épopée.

Cette règle qui ne se trouve pas, comme on l’a cru, expressément formulée dans Aristote et que Mairet a définie dans le discours préliminaire de sa Silvanire, exige :

● que l’action dramatique ne se transporte pas, au cours d’un seul et même drame, dans des lieux divers par exemple, d’une ville dans une autre [unité de lieu];

● qu’elle ne dépasse pas les vingt-quatre heures [unité de temps];

● et qu’elle soit une, c’est-à-dire qu’elle ne renferme ni complications, ni épisodes étrangers au sujet essentiel du drame [unité d’action].

La règle des trois unités, scrupuleusement pratiquée par les poètes et les dramaturges de l’âge classique, a été très discutée pendant la période romantique. Alfred de Vigny, dans la Préface d’Othello et Victor Hugo, dans celle de Cromwell l’ont vivement attaquée.

Règles des trois unités : unité d'action, unité de temps et unité de lieu

 

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L’unité d’action

L’unité d’action exige que le drame ne roule que sur une intrigue principale et simple, à laquelle se rapportent et se subordonnent les épisodes ou les incidents qui naissent du sujet. La raison de cette unité se tire de l’intérêt que la tragédie et la comédie doivent inspirer, intérêt qui s’affaiblirait nécessairement en se divisant entre plusieurs actions principales, quoique réunies.

Dans la tragédie, l’unité d’action est formée de l’unité de péril; et dans la comédie, de l’unité d’intrigue.

Le théâtre grec est admirable par cette simplicité d’action, le théâtre anglais ne s’y est point assujéti, et le théâtre français, en suivant l’exemple des Grecs, ne s’y est point soumis à la rigueur. Une des principales causes pour lesquelles les tragédies ne sont pas si simples que celles des Anciens, c’est que nous y avons introduit la passion de l’amour, qu’ils en avaient exclue, et que cette passion étant naturellement vive et violente, elle partage l’intérêt, et place souvent une action importante à côté de l’action principale.

L’unité de temps

L’unité de temps consiste en ce que la durée de l’action dramatique soit renfermée dans l’intervalle d’un soleil à l’autre, lequel est de vingt-quatre heures. Cette règle est fondée comme la première sur l’intérêt de la tragédie et de la comédie, qui s’affaiblirait trop, si l’action pouvait se prolonger à plusieurs jours, à plusieurs années. Il faut que l’action réponde au temps, et le temps à l’action; c’est-à-dire, que l’étendue de l’action ne soit pas disproportionnée avec celle d’un jour, en présentant trop d’épisodes ou trop d’incidents; et que l’on puisse dire aussi que l’intervalle d’un jour n’est pas trop long pour son achèvement. Ainsi, l’action et sa durée doivent réciproquement se mesurer.

→ À lire : La littérature française au XVIe siècle.

L’unité de lieu

L’unité de lieu n’est pas moins fondée dans la nature que les deux autres. En effet, si les personnages d’une pièce ne peuvent se rencontrer successivement et avec bienséance dans un endroit commun; si les divers incidents exigent une trop grande étendue de terrain; enfin, si le théâtre représente successivement plusieurs lieux différents, et manquant de contiguité, le spectateur trouve toujours ces changemens incroyables, et son illusion se dissipe dans la confusion et l’invraisemblance.

L’unité de lieu exige que non seulement le lieu général où une action se passe, comme un pays, une ville, soit déterminé, mais encore le lieu particulier, comme un palais, un vestibule, un temple, etc.

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Pierre Corneille a quelquefois violé cette règle. Cependant, toutes les tragédies de Jean Racine sont remarquables par cette unité de lieu qui, sans efforts et sans contrainte, y est partout scrupuleusement observée.

Réaction contre les règles des trois unités

La règle des trois unités, scrupuleusement pratiquée par les dramaturges de l’âge classique, a été très discutée pendant la période romantique. Alfred de Vigny, dans la Préface d’Othello et Victor Hugo, dans celle de Cromwell l’ont vivement attaquée.

Sur l’unité de lieu, Victor Hugo a écrit, faisant allusion à la vague antichambre qui est le lieu de l’action dans la plupart des tragédies de Corneille et de Racine :

Où a-t-on vu vestibule ou péristyle de cette sorte ? Quoi de plus contraire, nous ne dirons pas à la vérité, les scolastiques en font bon marché, mais à la vraisemblance ? Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local, pour se passer dans l’antichambre ou dans le carrefour, c’est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l’action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes, nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions. De graves personnages placés, comme le chœur antique, entre le drame et nous, viennent nous raconter ce qui se fait dans le temple, dans le palais, dans la place publique, de façon que souventes fois nous sommes tentés de leur crier : « Vraiment ! mais conduisez-nous donc là-bas ! On s’y doit bien amuser, cela doit être beau à voir ! » À quoi ils répondraient sans doute : « Il serait possible que cela vous amusât ou vous intéressât, mais ce n’est point là la question ; nous sommes les gardiens de la dignité de la Melpomène française. » Voilà !

(Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827)

Sur l’unité de temps, voici ce que dit également Victor Hugo :

L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de lieu. L’action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. Verser la même dose de temps à tous les événements ! appliquer la même mesure sur tout ! On rirait d’un cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les pieds. Croiser l’unité de temps à l’unité de lieu comme les barreaux d’une cage, et y faire pédantesquement entrer, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! c’est mutiler hommes et choses, c’est faire grimacer l’histoire. Disons mieux : tout cela mourra dans l’opération ; et c’est ainsi que les mutilateurs dogmatiques arrivent à leur résultat ordinaire : ce qui était vivant dans la chronique est mort dans la tragédie. Voilà pourquoi, bien souvent, la cage des unités ne renferme qu’un squelette.

Et puis si vingt-quatre heures peuvent être comprises dans deux, il sera logique que quatre heures puissent en contenir quarante-huit. L’unité de Shakespeare ne sera donc pas l’unité de Corneille. Pitié !

(Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827)

Que faut-il penser des railleries de Victor Hugo, et, d’une façon générale, des arguments avec lesquels on a attaqué la règle des trois unités?

Cette règle est-elle raisonnable? Est-elle absurde? Il faut bien convenir d’abord que les Anciens, dont on a si souvent invoqué l’autorité pour la soutenir, ne l’ont pas toujours pratiquée. C’est ainsi que dans Les Euménides d’Eschyle, par exemple, la première partie du drame se passe à Delphes dans le temple d’Apollon, tandis que la dernière partie se déroule à Athènes, devant la colline d’Arès.

De nos jours, si quelques auteurs l’appliquent inconsciemment, un grand nombre d’entre eux n’en tient nul compte.

Aussi cette règle peut-elle paraître, au premier abord, un précepte arbitraire et tyrannique, propre entraver l’heureuse initiative des dramaturges.

En réalité il n’en est rien. Il se peut bien, à la vérité, qu’actuellement elle ne s’impose plus comme par le passé. Il n’en est pas moins vrai qu’elle a plutôt favorisé en France l’établissement de la tragédie classique, en contraignant nos poètes à ramasser et à condenser l’action auparavant éparse et diffuse.

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