Les théories littéraires

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Les théories littéraires

La grandeur de Dostoïevsky vient de ce qu’il n’a jamais réduit le monde à une théorie, de ce qu’il ne s’est jamais laissé réduire par une théorie. Balzac a toujours cherché une théorie des passions ; c’est une grande chance pour lui qu’il ne l’ait jamais trouvée.

  (André Gide, « Feuillets », in Journal, 1918, p. 662)

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Qu’est-ce qu’une théorie ?

Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est l’ensemble de notions, d’idées, de concepts abstraits appliqués à un domaine particulier. En particulier, c’est l’ensemble de notions, de connaissances abstraites organisées en système (avec une finalité didactique).

Dans le domaine scientifique, une théorie implique une construction intellectuelle, hypothétique et synthétique, organisée en système et vérifiée par un protocole expérimental. C’est l’ensemble de lois formant un système cohérent et servant de base à une science, ou rendant compte de certains faits.

Au sens péjoratif et dans le langage courant, une théorie représente l’ensemble de spéculations, d’idées gratuites ou irréalistes exprimées de façon sentencieuse ou pédante et présentées de manière plus ou moins scientifique. Le mot hypothèse est alors plus approprié.

C’est le philosophe grec Aristote qui fonde la tradition occidentale des théories littéraires (Poétique, v. 340 av. J.-C.). Après lui, de nombreux auteurs réfléchissent à la manière de concevoir les œuvres et de définir la littérature, ses genres et ses formes.

→ À lire : La littérature. – Les genres littéraires.

Théories et manifestes littéraires

Les écrivains explicitent fréquemment leur esthétique, et, le cas échéant, celle du mouvement littéraire auquel ils appartiennent. Leurs textes théoriques sont autant de jalons dans l’histoire littéraire.

À la Renaissance, la Défense et illustration de la langue française (1549) de Joachim Du Bellay présente les conceptions poétiques de la Pléiade (Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay, Rémy Belleau, Jean-Antoine de Baïf, Étienne Jodelle, Pontus de Tyard et Peletier du Mans) : il s’agit de rompre avec les pratiques médiévales et de s’inspirer des modèles antiques pour renouveler en profondeur la poésie française.

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Au XVIIe siècle, François de Malherbe puis Nicolas Boileau (Art poétique, 1674) codifient les règles de l’esthétique classique, fondées sur la clarté, la mesure et l’équilibre.

Au début du XIXe siècle, les œuvres romantiques deviennent elles-mêmes de véritables manifestes. Victor Hugo, dans la préface de Cromwell (1827), défend l’alliance du grotesque et du sublime, et le mélange des genres. À la fin du siècle, avec la multiplication des écoles et des courants, les écrivains renouent avec le manifeste et la théorie. Le Roman expérimental (1880) d’Émile Zola théorise le Naturalisme, dont l’analyse sociale s’inspire des méthodes de Claude Bernard. Le Manifeste du symbolisme (1886) de Jean Moréas défend une poétique idéaliste recourant au symbole.

Au XXe siècle, le Manifeste du surréalisme (1924) d’André Breton jette les bases d’une révolution littéraire et artistique fondée sur l’exploration de l’inconscient et du surréel. Dans Pour un nouveau roman (1963), Alain-Robbe Grillet tente de théoriser et de synthétiser les expériences convergentes mais dissemblables de plusieurs romanciers (Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Claude Simon, Jean Ricardou, Robert Pinget, Claude Ollier, Michel Butor) qui, refusant d’écrire une histoire, racontent l’histoire  de leur propre travail d’écriture.

La pratique de la critique donne aux écrivains le moyen d’exprimer leurs idées esthétiques et de réfléchir aux relations entre création et perception du texte. Ainsi fait Charles Baudelaire dans sa critique artistique, musicale et littéraire Notes nouvelles sur E. A. Poe (1857). Ainsi fait également Marcel Proust (Contre Sainte-Beuve, posthume, 1954), qui refuse en critique l’interprétation biographique et le jugement de valeur, et pour qui la réflexion esthétique est inséparable du travail de création.

Approches critiques

La critique littéraire est une pratique ancienne qui s’est longtemps incarnée dans les formes du commentaire, de l’art poétique et du traité esthétique ou rhétorique. C’est au XXe siècle qu’elle prend son sens moderne. Essentiellement fondée sur l’érudition et sur la théorisation, elle classe, analyse et interprète les œuvres. Censément plus objective que la critique journalistique, elle n’exclut pourtant pas tout jugement de valeur.

Premier critique moderne, Saint-Beuve (1804-1869) construit sa critique psychologique sur l’Évaluation de la personnalité de l’écrivain (Port-Royal, 1840-1859 ; Causeries du lundi, 1851-1862).

À cette pratique subjective, s’oppose la critique positiviste qui défend une méthode scientifique et objective. Hippolyte Taine (1828-1893) étudie les œuvres en fonction de leur milieu (Essai de critique et d’histoire, 1857). Dogmatique attaché au classicisme, Ferdinand Brunetière (1849-1906) classe les genres littéraires en s’inspirant de Darwin (L’Évolution de la critique, 1890). Son élève Gustave Lanson (1857-1934) met au point une méthode historique à partir de l’étude des sources (Histoire de la littérature française, 1894).

Au XXe siècle, les pratiques antérieures sont remises en cause par la « nouvelle critique », qui recourt aux sciences humaines. Inaugurée par Freud, la psychocritique applique aux textes littéraires la méthode et les outils de la psychanalyse (Charles Mauron, Des Métaphores obsédantes au mythe personnel, 1963 ; Julia Kristeva, Semeiotikè. Recherches pour une sémanalyse, 1969). La sociocritique de György Luckács (La Théorie du roman, 1920) et de Lucien Goldmann (Pour une sociologie du roman, 1964) allie méthode structuraliste et analyse marxiste.

À partir de la linguistique, la critique structuraliste, quant à elle, étudie le texte comme une structure créatrice de sens, indépendante de l’auteur et du contexte historique. À la suite des formalistes russe (Vladimir Propp, Tzvetan Todorove), Roland Barthes insiste sur la prééminence de la forme et du langage dans le fonctionnement du texte littéraire (Le Degré zéro de l’écriture, 1953 ; Le Plaisir du texte, 1973).

La « nouvelle critique » s’est peu à peu imposée à l’Université tandis que le structuralisme est aujourd’hui remis en cause. Très diversifiée, la critique littéraire actuelle se tourne vers l’étude génétique, poétique et sémiotique. Elle prend également en compte les théories de l’énonciation et celles de la lecture. Elle s’enrichit, en outre, des apports de la phénoménologie.

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Suggestion de livres


Défense et illustration
de la langue française

L’Art poétique

Fiche de lecture :
Le Manifeste du surréalisme

Introduction à la psychocritique

Manuel de sociocritique

Morphologie du conte

Degré zéro de l’écriture

Pour une lecture littéraire
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