L’emprunt

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L’emprunt

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Présentation

Le vocabulaire du français moderne est, pour l’essentiel, issu du latin. Au cours des siècles, la langue qui devenait le français s’est enrichie d’apports germaniques. À partir du Moyen Âge et surtout de la Renaissance, d’autres éléments d’origines diverses (grecs, arabes, italiens, espagnols…) sont venus s’ajouter au fonds français. Les échanges commerciaux, les voyages d’exploration, les campagnes militaires ont contribué à la connaissance de réalités nouvelles. Pour les désigner, des mots sont empruntés à toutes les langues de l’Europe et des autres parties du monde : portugais, hollandais, langues d’Amérique, d’Asie, d’Afrique. La plupart de ces emprunts sont complètement assimilés : comment reconnaître un mot arabe dans amiral, un mot aztèque dans chocolat, un mot italien dans saccager ? D’autres, en revanche, et notamment les plus récents, gardent la trace de l’appartenance à leur langue d’origine, et peuvent constituer autant de pièges orthographiques.

Un emprunt est donc un mot qui appartient à une langue étrangère et que l’on utilise en français (le terme anglais sandwich, l’italien piano, l’espagnol armada, le norvégien fjord, etc.).

Par les emprunts qu’il fait aux autres langues, le français enrichit son lexique. Ce phénomène n’est pas récent : les langues ont toujours emprunté les unes aux autres des termes qu’elles se sont appropriés ou qu’elles ont fini par abandonner. C’est par exemple au XVe siècle que l’on a emprunté badge à l’anglais ; l’italien duo a été, lui, introduit au XVIe siècle.

→ À lire : Histoire résumée du vocabulaire français. – Histoire de la langue française. – Les origines  des mots français.

La francisation des emprunts

Lorsqu’ils s’intègrent au lexique, les emprunts subissent le plus souvent des transformations. Cela est d’autant plus valable que l’emprunt est ancien : il faut plusieurs décennies pour que le caractère « étranger » du mot disparaisse.

Dans la prononciation

Les phonèmes pouvant être différents d’une langue à l’autre, il n’y a rien d’étonnant à constater que le premier degré de francisation des emprunts est leur prononciation. Tout d’abord, l’accent de mot, beaucoup plus présent dans des langues telles que l’anglais, l’italien ou l’espagnol, est très atténué lorsque le mot est prononcé par un francophone. De même, la distinction dans certaines langues entre voyelles longues et voyelles brèves disparaît en français. Ainsi Lied prononcé avec un long en allemand se prononce avec un bref en français. Par ailleurs, si un phonème est inconnu, il est remplacé par le phonème le plus proche. Les anglicismes en –ing sont le plus souvent prononcés et non comme en anglais. Enfin, il y a une certaine tendance à appliquer à la graphie du mot les phonèmes correspondants en français : la prononciation de shampoing correspond davantage à son écriture qu’à sa prononciation anglaise. De même, on prononce en français le plus souvent tagliatelle [ta.ɡlja.tɛl] avec un [ɡ] et non pas [ta.lja.tεl], comme en italien.

ℹ Note
Avec les réformes orthographiques de 1990, tagliatelle s’écrit également taliatelle.
→ À lire : Rectifications orthographiques : Les noms empruntés.

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Dans la graphie

L’emprunt s’intègre également en conformant sa forme graphique au système du français. Tout d’abord, lorsqu’un emprunt est fait à une langue écrite dans un alphabet autre que l’alphabet latin, il fait nécessairement l’objet d’une translittération : à chaque lettre ou signe de la langue source, on fait correspondre une lettre ou un graphème en alphabet latin qui est le reflet le plus proche du phonème transcrit. Pour les langues ayant le même alphabet que le français, l’emprunt se fait généralement avec sa graphie d’origine. Ce n’est qu’au fil des années que la graphie évolue pour s’adapter au système français. On a par exemple emprunté au XVIe siècle ghirlanda à l’italien. Les dictionnaires du XVIIe siècle enregistrent les deux graphies : ghirlande et guirlande ; au XVIIIe siècle, seule la forme guirlande est retenue.

Cette francisation entraîne inéluctablement des hésitations : deux, voire plusieurs formes existent pour un même mot. Aussi les Rectifications de l’orthographe parues au Journal officiel du 6 décembre 1990 encouragent-elles les francisations : « dans les cas où existent plusieurs graphies d’un mot emprunté, on choisira celle qui est la plus proche du français (exemples : des litchis, un enfant ouzbek, un bogie, un canyon, du musli, du kvas, cascher, etc.) ». De même, on préfère accentuer le e quand il se prononce /e/ (référendum plutôt que referendum, désidérata plutôt que desiderata, etc.).

→ À lire : Rectifications orthographiques de 1990 : Les noms empruntés. – Le tréma et les accents.

Dans la morphologie

Le problème se pose essentiellement pour les noms et les adjectifs : comment former leur féminin et leur pluriel ? Selon les règles de la langue source ou selon les règles du français ?

Pour le pluriel, dans la plupart des cas, on applique facilement la marque en –s (des casinos, des anoraks, etc.). Cependant, il existe un certain nombre de mots où le pluriel de la langue source fait plus ou moins concurrence au pluriel français. C’est le cas notamment des pluriels en –es anglais que l’on rencontre aux côtés du –s français : des whiskys / des whiskies, des matchs / des matches, etc. C’est également le cas pour les mots italiens ou latins empruntés sous la forme du pluriel et pour lesquels on hésite donc à mettre une « deuxième » marque de pluriel. Ainsi, les dictionnaires enregistrent souvent des mots tels que confetti, lasagne, desiderata, addenda comme étant invariables. Cependant, dans l’usage, la forme en –s au pluriel n’est pas rare : des spaghettis, des lasagnes, des addendas, etc.

Les marques du féminin quant à elles ont plus de mal à s’imposer et généralement, l’emprunt reste invariable : la littérature yiddish, une attitude zen, une punk, etc. Cela s’explique sans doute par le fait que dans notre système l’adjonction du e au féminin s’accompagne souvent d’autres transformations (changement de consonne finale, doublement de la consonne, passage de –er à –ère, etc.) et que les finales des emprunts se prêtent difficilement à ces transformations.

→ À lire : Rectifications orthographiques de 1990 » La marque du nombre.
→ À lire : La morphologie. – Le pluriel des noms. – Le féminin et le pluriel des adjectifs. – Féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions.

Emprunt et héritage

Il faut bien distinguer l’emprunt de l’héritage. Le fonds du français est hérité en grande partie du latin : les mots latins se sont transformés au fil des siècles selon des lois phonétiques et ont donné peu à peu les formes que nous connaissons aujourd’hui (scolaescoleécole). Beaucoup plus tard, alors que la forme scola avait totalement disparu, on a repris, on a « emprunté » cette forme au latin pour former de nouveaux mots (scolaire, scolarité, etc.).

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Un autre exemple, le mot table est issu du latin tabula : on ne peut pas dire qu’il y ait emprunt au latin. Il s’agit d’une évolution normale de la langue, le terme employé est un héritage. Par contre, à des époques diverses, certains mots, surtout des mots savants, ont été empruntés au latin et refaits sur le modèle morphologique français : nullité = emprunt du latin médiéval nullitas.

Les emprunts de sens et de calque

Une langue peut également emprunter un sens à un mot de langue étrangère et l’appliquer au mot correspondant. Ainsi, le mot français culture signifie « civilisation » d’après le sens du mot allemand Kultur. Sévère a également pris le sens de « grave, difficile » d’après le sens de severe en anglais.

Le calque consiste à traduire littéralement une expression d’une langue étrangère : le français a ainsi créé au XVIe siècle bas-relief d’après l’italien basso-rilievo et au XIXe siècle chemin de fer d’après l’anglais railway.

Les faux emprunts

Notons enfin quelques mots créés en français avec l’apparence de mots étrangers. C’est le cas de motus et de rasibus par exemple qui n’existent pas en latin ou de motocross inconnu en anglais. Par ailleurs, le français emploie des mots tels que parking ou footing qui ont un autre sens en anglais que celui que nous lui donnons.

Mots d’origine italienne

Les mots d’origine italienne présentent essentiellement deux difficultés : le pluriel et la présence ou l’absence d’un accent aigu pour marquer le timbre du é.

En italien, le pluriel des mots masculins en o se fait en i, celui des féminins en a se fait en e. Beaucoup de mots italiens empruntés ont longtemps gardé un pluriel double, pluriel à l’italienne et pluriel français : un scenario, des scenarii ou des scenarios ; un impresario, des impresarii ou des impresarios.

Aujourd’hui, le pluriel français s’est généralisé, et, dans l’usage courant, on écrit des scénarios, des imprésarios. La généralisation du pluriel en s est allée de pair avec celle de l’accent aigu. Le pluriel à l’italienne des impresarii, des scenarii… n’est pas complètement abandonné, mais c’est désormais une graphie savante, réservée aux ouvrages spécialisés.

Certains mots ont été importés sous la forme du pluriel (gnocchi, graffiti, salami…, et presque tous les noms de pâtes alimentaires : macaroni, ravioli, spaghetti, etc.). Le français traite ces mots comme autant de singuliers, et on écrit au pluriel : des salamis, des graffitis, des gnocchis, des macaronis, des raviolis, des spaghettis. L’emploi au singulier est possible, notamment pour désigner une pâte considérée isolément : un spaghetti, un macaroni, un ravioli.

L’emploi du é pour noter le [e] fermé (sans accent) des mots italiens s’est généralisé en même temps que le pluriel en s. Dans l’usage courant, on écrit aujourd’hui : un imprésario, un scénario

Les graphies sans accent ne se trouvent plus que dans les ouvrages spécialisés. C’est le cas, en particulier, pour les termes de musique servant à noter le mouvement des morceaux (moderato, allegretto, allegro…). Employés en tant qu’adverbes, ces termes se rencontrent surtout dans les partitions musicales, au-dessus des portées. Ils gardent alors leur orthographe italienne.

En tant que noms, ils font partie de l’usage courant. Ils prennent alors, s’il y a lieu, l’accent aigu notant la prononciation fermée de e, et la marque du pluriel : des allégrettos, des allégros, des largos… (= des morceaux joués allegretto, allegro, largo).

Mots d’origine anglaise

Outre leur prononciation (les sons de l’anglais sont souvent difficiles à prononcer pour un Français), les mots d’origine anglaise posent des problèmes de graphie : le système de l’orthographe anglaise est au moins aussi complexe et aussi peu régulier que celui de l’orthographe française.

Les pluriels anglais sont pour la plupart marqués par la présence d’un s, comme les pluriels français. Cependant, l’adjonction du s s’accompagne parfois d’autres modifications : les mots en –ch, –x, –ss, par exemple, font leur pluriel respectivement en –ches, –xes, –sses (match, matches ; sandwich, sandwiches ; box, boxes ; boss, bosses), ceux en –y font leur pluriel en –ies (garden-party, garden-parties). Les mots composés avec –man (« homme », qui joue en anglais un rôle comparable à celui de nos suffixes –eur ou –iste) font leur pluriel en –men (jazzman, jazzmen).

Comme pour les mots italiens, le français a longtemps conservé pour certains mots un pluriel double, pluriel à l’anglaise (des matches, des sandwiches, des garden-parties) et pluriel français (des matchs, des sandwichs, des garden-partys) ; d’autres mots, box et boss, par exemple, se sont alignés dès l’origine sur le pluriel des mots français en –x et en –s et on a toujours écrit des box, des boss ; en revanche, on a longtemps hésité à écrire des jazzmans.

Le pluriel double reste en usage pour beaucoup de mots d’origine anglaise ; néanmoins, la tendance actuelle est à l’alignement sur le français. On incline aujourd’hui à écrire plutôt des matchs, des sandwichs, des gardens-partys, des jazzmans.

Mots d’origine latine

Les emprunts directs au latin ont été faits surtout à partir de la fin du XIIIe siècle et se sont multipliés du XIVe au XVIe siècle. À partir du XVIIe siècle, ils ont connu une certaine défaveur. Les emprunts au latin entretiennent avec les autres emprunts et avec le reste du vocabulaire français un rapport particulier, dans la mesure où ils représentent souvent une forme savante qui double une forme populaire issue du latin par évolution phonétique. Ainsi le mot latin clavicula s’est-il transformé au cours des siècles en notre moderne cheville. Au XVIe siècle, les anatomistes ont emprunté au latin le mot clavicule, avec le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Ainsi, deux mots français n’ayant entre eux aucun rapport de sens ou presque, sont issus du même mot latin, clavicula ; ils forment ce que les historiens de la langue nomment des « doublets ».

Les accents n’existaient pas en latin. Pendant longtemps, on a écrit sans accents les mots latins comportant un [e] fermé : artefact, criterium, deleatur… Aujourd’hui, beaucoup de ces emprunts ne s’écrivent plus que sous la forme francisée : critérium, duodénum, fac-similé. D’autres ont une forme double : française (artéfact) et latine (artefact).

→ À lire : Les mots latins admis en français.

Emprunts à d’autres langues

La tendance est actuellement à assimiler au système graphique du français les emprunts aux autres langues, du moins en ce qui concerne le pluriel et les accents. On écrit de plus en plus fréquemment : des lieds (et non plus des lieder), des lands (et non plus des Länder), des leitmotivs (et non plus des leitmotive).

Les signes auxiliaires nécessaires aux transcriptions des langues écrites dans des alphabets non latins restent utilisés dans les ouvrages spécialisés, mais on tend de plus en plus à en limiter l’emploi dans l’usage courant (par exemple, on écrit nirvana et non plus nirvâna).

→ À lire : Les mots français d’origine arabe.

Emprunt dans le dictionnaire

Emprunt est un substantif masculin. C’est l’action de recevoir à titre de prêt. En particulier, il s’agit d’un acte par lequel une collectivité, un organisme public demande au public des capitaux à titre de prêt.

Quelques syntagmes
Emprunt national, publicemprunt de la ville de Paris, de la S.N.C.F. – emprunt à court, à long termecouvrir, lancer un emprunt.
Emprunt forcé : Emprunt dont la souscription est obligatoire.
Emprunt perpétuel : Emprunt public à l’égard duquel le souscripteur ne pourra jamais exiger le remboursement du capital qu’il a souscrit.

Au figuré, un emprunt désigne le fait de prendre quelque chose pour se l’approprier, pour l’utiliser ou l’imiter. De là, dans la critique littéraire, l’emprunt implique le fait de prendre chez un auteur un procédé, un fait littéraire pour se l’approprier, pour l’utiliser ou l’imiter. Et en linguistique, l’emprunt est le fait pour une langue d’incorporer une unité linguistique, en particulier un mot, d’une autre langue.

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