Répétitions et reprises, accumulations, oppositions

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Mettre une idée en valeur (1/2)

Répétitions et reprises, accumulations, oppositions

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💡 À lire également : Mettre une idée en valeur (2e partie) : interrogation et exclamation, apostrophe.

Les effets d’insistance et les effets de répétition

● La langue littéraire, comme la langue parlée, produit un heureux effet de style lorsqu’elle projette en tête de la phrase ou lorsqu’elle rejette à la fin un mot important, sujet ou complément.
Exemples :

  • Il avait dû s’endormir, ce mystérieux camarade que la guerre m’avait envoyé. (Pierre Benoît) → Le sujet est annoncé par le pronom il.
  • Pourtant, la vraie vengeance, elle, arrive plus tard. (André Thérive). → Le sujet est repris par le pronom elle.
  • Ces gens, ces femmes dans les portes, toutes les fois qu’on se retourne vers eux, on trouve leur regard qui ne vous a pas quitté. → Les deux noms sont mis en lumière en tête de phrase, et repris par le pronom eux.

⚠ Attention ! ⚠
Il faut se garder d’abuser de ces effets d’insistance et de ces recherches d’un effet de style.

● Il y a des répétitions expressives de noms et d’adjectifs.
Exemples :

  • Il n’y a rien d’aussi bleu que Florence… Ici, le bleu occupe tout, remplit tout. On boit du bleu, on respire du bleu, on fait une cure de bleu. (Paul Claudel)
  • Il est né dans les livres, élevé dans les livres, toujours altéré de livres. Il connaît tous les livres. (Paul Valéry ; il s’agit d’Anatole France).
  • Je ne veux que dormir, dormir, dormir, serrer mes paupières sur mes beaux yeux d’oiseau nocturne, dormir n’importe où, tombé sur le flanc comme un chemineau, dormir inerte. (Colette ; il s’agit d’un matou).

● Voici une répétition du mot vent traduisant une vision lancinante qui s’impose à l’esprit, le harcèle, l’obsède :

Ce vent! Au loin de la campagne, il déporte les chouettes en leur grand vol feutré. Dense comme une écharpe, il enveloppe, il étrangle les souches à grosses têtes qui simulent – et qui sont peut-être – celle-ci un braconnier à l’affût, celle-là un homme aux aguets. Ce vent! Ce vent! Depuis la côte, il s’étire, il file le long, rasant l’herbe de haie en haie, butant contre des remparts de ronces et d’ajoncs.

(Hervé Bazin)

● Rappelons-nous le « Sans dot » d’Harpagon, le « pauvre homme » d’Orgon (Tartuffe)… Voici des répétitions expressives :

  • Père barbare achève, achève ton ouvrage. (Corneille)
  • Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu. (Molière)
  • La pluie tombait, tombait, mouillant tout. (Pierre Loti)
  • La Chèvre d’Esméralda : Alors Gringoire vit arriver une jolie petite chèvre blanche, alerte, éveillée, lustrée, avec des cornes dorées, avec des pieds dorés, avec un collier doré, qu’il n’avait pas encore aperçue et qui était restée jusque-là accroupie sur un coin du tapis et regardant danser sa maîtresse. (Victor Hugo)
  • Un étalage de blanc : Rien que du blanc et jamais le même blanc, tous les blancs, s’enlevant les uns sur les autres ; s’opposant, se complétant, arrivant à l’éclat même de la lumière. Cela partait des blancs mats du calicot, et de la toile, des blancs sourds de la flanelle et du drap, puis venaient les velours, les soies, les satins, une gamme montante, le blanc peu à peu allumé finissant en petites flammes aux cassures des plis… (Émile Zola)
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Les reprises

● Il arrive qu’un nom soit répété, plusieurs fois : chaque reprise apportant une précision nouvelle.
Exemples :

  • Mon pays : J’aime à y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines qui attachent un homme à la terre… (Guy de Maupassant)
  • Le long du talus fleurissaient des violettes, les premières violettes de l’année, des violettes pâles et anémiques
  • La lune s’était levée, une lune ronde et brillante, la compagne des belles nuits d’été.

La reprise se rapproche de l’apposition : dans ces phrases, il y a reprise des noms racines, violettes, lune ; mais le groupe la compagne des belles nuits d’été est en apposition.

● La reprise oratoire de et, renouvelée de la Bible et de la poésie populaire, est fréquente chez Paul Claudel dont la ferveur religieuse requiert une certaine solennité, et chez Jean Giono dont les évocations paysannes prennent un ton lyrique presque épique ou religieux.
Exemples :

  • Me voici assis, et du bout de la montagne je vois tout le pays à mes pieds. Et je reconnais les routes, et je compte les fermes et les villages, et je les connais par leurs noms, et tous les gens qui y habitent. (Paul Claudel, L’Annonce faite à Marie)
  • Ça vaut tout allègre et tout clair. Et voilà le soleil qui a sauté les collines et qui monte. Et voilà Arsule qui a sauté le ruisseau et qui monte. (Jean Giono, Regain)

● La reprise oratoire de et donne au récit une grandeur émouvante.
Exemples :

  • Et le soir, au retour, j’entends les ramiers qui rentrent, et je vois les étoiles briller entre les joncs, je vois les chats-huants longer le ciel crépusculaire rayé de feu entre les arbres ; et je suis pelotonné sous tout cela comme un tas de feuilles. (Alphonse de Châteaubriant)
  • Et Bertille s’entait levée ; et tout s’était passe comme il avait été prévu. (Maurice Genevoix)
  • Et les minutes coulaient, et le soleil baissait davantage. (Maurice Genevoix)
Les effets d’accumulation
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L’accumulation est une forme d’énumération par démultiplication de syntagmes de nature et de fonctions semblables. Cette longue énumération de mots est destinée à « frapper le lecteur » comme le précise Henri Morier dans son Dictionnaire de poétique et de rhétorique (1961).
Exemples :

  • Le désespoir du chien Riquet un jour de déménagement : Plats, sucriers, poêlons et casseroles, toutes les divinités de la cuisine, – fauteuils, tapis, coussins, tous les fétiches du foyer, ses lares et ses dieux, s’en étaient allés. (Anatole France)
    → Accumulation de deux séries de noms sujets.
  • Le chant des rossignols : Dans les profondeurs des feuillages, sur la limite du jardin, dans les cerisiers blancs, dans les troènes en fleur, dans les lilas chargés de bouquets et d’arômes, toute la nuit, pendant ces longues nuits où la lune éclairait, où la pluie quelquefois tombait, paisible, chaude et sans bruit, comme des pleurs de joie, toute la nuit, les rossignols chantaient. (Eugène Fromentin, Dominique)
    → Accumulation de compléments de lieu en tête de phrase, un complément de temps avec reprises : les rossignols chantaient toute la nuit et dans tous les arbres… : en outre, le verbe essentiel est rejeté en fin de phrase.
  • La cuisine :

Dans la cuisine où flotte une senteur de thym,
Au retour du marché, comme un soir de butin,
S’entassent, pêle-mêle avec les lourdes viandes,
Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes,
Les grands choux violets, le rouge potiron,
La tomate vernie et le pale citron. (Albert Samain)
→ L’accumulation de noms sujets souligne l’abondance des provisions entassées. Notez les inversions, le choix des verbes, des adjectifs et des traits pittoresques.

  • Une phrase de Chateaubriand où abondent les effets d’accumulation : les noms-sujets, verbes et compléments du 3e verbe, puis compléments du gérondif, ainsi que les effets de symétrie. La phrase, tout en soulignant l’idée de végétation luxuriante, classe, présente et hiérarchise les divers éléments du tableau. Le spectacle devient beauté pour l’œil et la phrase harmonie pour l’oreille : Les vignes sauvages, les bignonnias, les coloquintes, s’entrelacent au pied des arbres, escaladent leurs rameaux, s’élancent de l’érable au tulipier à l’alphée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. (Chateaubriand)
Les effets de symétrie et d’opposition

La symétrie est une disposition parallèle d’éléments connexes, dont l’inversion constitue le chiasme. C’est une propriété de l’égalité des ensembles qui permet d’inverser la proposition A = B en B = A.

  • Jamais on n’a tant lu, ou si passionnément que pendant la guerre : demandez aux libraires. Jamais on n’a tant prié ni si profondément : demandez aux prêtres. (Paul Valéry)
  • Les douaniers autrichiens étaient au poste bavarois à boire de la bière, les bavarois dans l’autrichien à boire du vin. (Jean Giraudoux)

La symétrie peut se renforcer par l’antithèse ou opposition. Cette dernière est une figure par laquelle on rapproche en les opposant deux mots, deux expressions, deux idées contraires, pour leur donner plus de relief.
Exemples :

  • Le marchand de Québec pensait que la France est un pays riche en églises, pauvre en baptêmes. (Jean Giraudoux)
  • Il pleut à Londres, il neige sur la Poméranie, le Paraguay n’est que roses pendant que Melbourne grille. (Paul Claudel)

→ À lire : Les figures de style.

En résumé

● Pour mettre une idée en valeur, un écrivain peut mettre en tête de phrase, ou rejeter en fin de phrase, un mot important, sujet ou complément.

● Il y a des répétitions expressives de noms et d’adjectifs.

● Il arrive qu’un nom soit répété, repris, chaque reprise apportant une précision nouvelle. La répétition oratoire de et donne au récit une émouvante grandeur.

● Les écrivains se plaisent aux effets de symétrie et d’opposition.

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