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La correspondance

– échange de lettres réelles –

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Note
Cet article ne parle pas des compositions artificielles qui affectent la forme épistolaire, et qui sont, dans un cadre à part, des romans épistolaires (ou par lettres), des pamphlets ou des traités.

La correspondance

La correspondance désigne un commerce suivi et plus ou moins régulier de lettres entre deux ou plusieurs personnes sur des sujets déterminés, ou bien toute la série des lettres écrites par une même personne pendant la durée de sa vie.

Tout homme mêlé au mouvement intellectuel, politique, littéraire ou scientifique de son temps est conduit à échanger avec ceux qui s’intéressent aux mêmes objets des communications, des opinions, de simples nouvelles. Chacun accumule ainsi de ses cartons, presque sans s’en douter, la matière de nombreux volumes. Dans les œuvres complètes des écrivains de profession, la correspondance prend une place à côté de leurs ouvrages proprement dits. De nos jours, on a attaché beaucoup de prix à ces productions fugitives de l’activité intellectuelle des hommes notables, rendant un témoignage rétrospectif sur leur époque et sur eux-mêmes, et l’on en a fait l’objet d’une foule de recueils posthumes.

Parmi les grandes correspondances, on cite celles de Cicéron, de Pline le Jeune, d’Henri IV, de Mme de Sévigné, de Descartes, de Leibniz, de Bayle, de Voltaire, de Grimm, de Diderot, de La Harpe, de Jean-Jacques Rousseau, de Frédéric II, de Napoléon Ier, de Gœthe, de Béranger, de Jean de Muller, de Jonathan Swift, etc.

Cet article ne parle pas des compositions artificielles qui affectent la forme épistolaire, et qui sont, dans un cadre à part, des romans épistolaires, des pamphlets ou des traités. La correspondance proprement dite appartient au genre des mémoires, et elle fournit des documents très précieux à l’histoire générale ou à l’histoire des lettres, des arts ou des sciences. Écrites au jour le jour, et sur les questions qui intéressent ou passionnent dans le moment, les lettres d’un homme d’État, d’un écrivain, d’un artiste ou d’un savant, peuvent être dictées par un sentiment personnel dont il y a lieu quelquefois de se défier ; mais la suite de ces lettres répondant à celle même des événements et non à un plan conçu par l’auteur, elles ont, dans leur ensemble, plus d’autorité et de valeur, comme témoignages, que les mémoires rédigés d’ordinaire sous une impression unique et plaçant les faits sous un jour calculé d’après leur dénouement.

La correspondance se rattache à la causerie autant qu’à l’histoire. C’est une conversation écrite dans laquelle excellent les peuples et les époques où la causerie a fleuri. C’est pour cela que les Français du XVIIe et du XVIIIe siècles sont passés maîtres dans ce genre d’histoire universelle au jour le jour. Mme de Sévigné en a donné l’inimitable modèle, en y portant non seulement ses qualités propres, mais celles de son temps. Sa correspondance embrasse tout, parce que son esprit, comme celui de son entourage, était ouvert à tout, à la philosophie, à la religion, aux intérêts politiques aussi bien qu’aux intrigues de cour, aux cabales littéraires, aux commérages mondains, aux frivolités de la mode. Elle répandait sur tout cela les grâces de son esprit naturel et le style d’une société et d’une époque où tout le monde écrivait et écrivait bien. À côté d’elle, on peut citer toute une pléiade de gracieux auteurs de correspondances féminines : Mme de Montespan, de Coulanges, de Grignon, de La Sablière, de Maintenon, Ninon de Lenclos, et tant d’autres…

Dans le journalisme, on appelle particulièrement correspondance des articles que les journaux se font adresser des pays étrangers par des correspondants qui y résident. Les feuilles sérieuses attachent une grande importance à leurs correspondances, et doivent une partie de leur autorité aux renseignements et aux appréciations qu’elles contiennent. Mais souvent les relations de faits ou les revues de situation, soi-disant de provenance lointaine, se fabriquent sur place au moyen de découpures dans les journaux étrangers ou de communications de seconde main. Quoi qu’il en soit, il est intéressant de rappeler l’analogie qui existe entre la correspondance en général et les journaux, et comment ceux-ci ont tué celle-là et l’ont remplacée.

La correspondance en littérature

La correspondance est donc un échange de lettres entre deux personnes. Si la correspondance suppose un lecteur, en fonction duquel l’auteur adapte sa lettre, elle peut aussi, à des degrés divers, viser un public : Les Provinciales (1656-1657), de Pascal, ou les « lettres ouvertes » des essayistes contemporains sont des lettres d’emblée écrites en vue de la publication.

La rhétorique de la lettre a été codifiée dès l’Antiquité, qui en fait l’expression par excellence de la personne privée, dans un style bref et simple, par opposition à l’ampleur et à l’apparat du discours publique. Les correspondances de Cicéron, Sénèque et Pline le Jeune constituent ainsi de précieux documents authentiques formant la chronique d’une époque. Les épistoliers du Moyen Âge écrivent pour un public plutôt que pour un destinataire : la lettre est une dissertation pieuse, politique ou historique, où la dimension privée s’efface entièrement derrière l’éloquence. Contre le formalisme médiéval et la lettre d’apparat, la Renaissance revendique le droit au naturel et à la liberté : les lettres de Montaigne ou d’Érasme sont des conversations simples avec leur destinataire. Au XVIIe siècle, la lettre est plus familière, parfois rédigée sur le ton de la confidence ou du journal intime (Bussy-Rabutin, Voiture, Mme de Sévigné). Au XVIIIe siècle, favorisée par une poste devenue efficace et sûre, elle devient une conversation mondaine différée, instrument essentiel de la vie littéraire et scientifique. La recherche inventive, le choix des anecdotes, l’humour et le dosage savant des émotions en font une œuvre véritable, qui passe rapidement du destinataire au public. Voltaire, dont on a recueilli quelque dix-huit mille lettres, est le plus grand épistolier de son siècle.

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Alors que la lettre était autrefois une sorte de journal des affaires du temps, envoyé au destinataire lointain et isolé, elle perd cette raison d’être avec l’apparition du journal, et se déplace alors vers les affaires et les sentiments intimes, jusqu’au lyrisme parfois. Occasion de jouer un rôle variable selon le correspondant mais aussi d’écrire ce qu’on n’a jamais osé dire, la pratique épistolière, de ce fait, n’est pas forcément menacée par les autres moyens de communication comme le téléphone. La lettre est aussi un jeu social : le réseau des correspondants forme un groupe, une coterie ou une école littéraire (consulter les correspondances de Rivière, Paulhan et des auteurs de la Nouvelle Revue française). Les correspondances privées ou professionnelles d’auteurs célèbres viennent s’ajouter, souvent de manière posthume, à leur œuvre complète. La critique érudite va y chercher un témoignage de première main qui permet d’éclairer l’œuvre officielle, soit en apportant des informations biographiques, soit en donnant accès aux « coulisses » de la création au quotidien. La correspondance de Flaubert par exemple constitue le véritable laboratoire de son écriture, où l’auteur parle de « sa » Bovary, prend du recul sur son texte et s’interroge sur ses effets (consulter encore les correspondances de Diderot, Balzac, Mallarmé, Proust, etc.). Le lecteur public revendique une entrée privilégiée dans l’intimité intellectuelle de l’auteur, et l’intérêt pour les correspondances d’écrivain apparaît en même temps que se répand le goût du texte original, du manuscrit ou même du billet autographe. La question se pose parfois de savoir dans quelle mesure l’épistolier compte sur une réception publique de ses lettres : la correspondance de Mme de Sévigné, par exemple, est-elle un chef-d’œuvre involontaire ou programmé ? Reste que, compte tenu du fonctionnement de l’institution littéraire, un auteur confirmé sait pertinemment que toutes les pièces de sa correspondance attireront tôt ou tard la curiosité d’un chercheur ou la convoitise d’un collectionneur. Le ton et le contenu de sa correspondance peuvent s’en trouver affectés.

Enfin, la lettre peut être une forme littéraire à part entière quand l’auteur fait parler des correspondants fictifs (Lettres persanes, 1721, de Montesquieu), et, dans le cas du « roman par lettres », quand une correspondance permet la peinture des caractères et la progression d’une intrigue : Rousseau (La Nouvelle Héloïse, 1761), Goethe (Les Souffrances du jeune Werther, 1774), Laclos (Les Liaisons dangereuses, 1782), Senancour (Oberman, 1804) ont écrit les classiques du genre ; Les Lettres portugaises (1669), de Guilleragues, longtemps prises pour des documents authentiques rédigés par une religieuse et simplement rassemblées par l’éditeur, représentent un cas-limite.

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